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éditions. Il n'est pas sans intérêt, en effet, de savoir quels mots La Bruyère a cru devoir souligner.

« Peut-être trouvera-t-on que nous notons avec trop d'insistance des minuties bibliographiques; mais s'il est un livre où toute minutie de ce genre doive appeler l'attention d'un éditeur, c'est celui que nous réimprimons. Les preuves abondent que La Bruyère attachait une sérieuse importance aux indications qu'il donnait à l'imprimerie, et que s'il n'était pas plus attentif que la plupart de ses contemporains à corriger les fautes qui se glissaient dans ses épreuves, il ne permettait pas du moins que l'imprimeur disposât son livre d'une manière arbitraire 1. >>

Ne nous étonnons pas des fautes typographiques qui déparent les éditions originales des Caractères. Il semble que ce fût un parti pris chez nos classiques de laisser à l'imprimeur et au libraire le soin de revoir les épreuves de leurs œuvres, soin importun auquel ces industriels aimaient généralement à se soustraire. D'ailleurs les règles de l'Académie ne s'étaient pas encore imposées aux imprimeurs. Autant d'ateliers, autant de façons d'écrire; autant de correcteurs, autant de genres d'orthographe, lesquels variaient d'une page à l'autre, suivant la fantaisie ou l'instruction de l'ouvrier. La neuvième édition, pour avoir été revue la dernière, n'est pas plus que les précédentes exempte de ces irrégularités. Il en est même une qui sur le titre est devenue historique et que pour ce motif nous avons tenu à conserver. « Cet homme qui soignait tant son style, a dit M. de Sacy de La Bruyère, soignait très-peu ses épreuves, et ne s'inquiétait guère que ses imprimeurs le défigurassent. » Fait d'une insouciance commune à tous ses contemporains. Les Estienne, hélas! n'avaient plus d'héritiers, et les lettres témoignaient ainsi à leur tour de la décadence de l'industrie française causée par l'exode dont fut suivie la révo

1. G. Servois, Euvres de La Bruyère, t. I, p. 103.

cation de l'édit de Nantes. Les écrivains et les penseurs habitaient encore Paris et Versailles, mais les imprimeurs étaient dispersés aux quatre coins de l'Europe, à la Haye, à Londres, à Bruxelles, à Genève, à Berlin. On peut dire sans hyperbole que les fautes d'orthographe qui défigurent nos classiques sont les stigmates ineffaçables du fanatisme du « grand roi ». Le lecteur trouvera aussi dans cette édition certains mots dont le sens est controversé et qui peuvent être lus différemment. Toutefois ces leçons, ayant figuré dans les éditions antérieures à la neuvième sans attirer l'attention de l'auteur, ne sont pas absolument inadmissibles :. puisqu'il ne s'est pas élevé contre elles, nous n'avons pas le droit de nous montrer plus sévères que lui. En outre, il nous a paru indispensable, en donnant une reproduction aussi parfaite que possible d'une édition originale, que les passages critiqués, et qui sont par ce fait devenus historiques, n'échappent pas à l'attention de l'observateur. A peine. nous sommes-nous permis de corriger les coquilles et ces fautes d'orthographe que l'on qualifie d'énormités : il est bon que le curieux trouve à la fois dans la copie d'une édition originale tout ce qui fait son mérite, comme ce qui la dépare, et, critique à son tour, il peut se prononcer en connaissance de cause sur la sagacité des commentateurs. Beaucoup de prétendues fautes d'impression sont tout simplement des hardiesses ou des allusions à des événements qu'il nous est impossible aujourd'hui de comprendre, et qu'un philologue ou un historien plus heureux expliqueront ou justifieront peut-être demain s'ils ont à leur disposition un texte non modifié encore ou amélioré, comme on dit, et qui leur donne l'idée première avec l'orthographe et la ponctuation de l'auteur. C'est ainsi que certain mot « pâté » qui figure dans une lettre authentique de La Bruyère à Santeul, après avoir été sérieusement condamné et exécuté, s'est vu réhabilité et a repris sa place dans l'excellente édition de M. G. Servois où, si l'on eût écouté la critique, il n'eût jamais dû reparaître.

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Nouvel hommage au génie d'un classique, puisse cette réimpression, soignée dans tous les détails de son exécution matérielle, recevoir des bibliophiles l'accueil bienveillant fait à ses aînées dans la belle collection que M. D. Jouaust, animé du pur amour de l'art, dirige avec tant de zèle et de désinté

ressement.

LOUIS LACOur.

ESSAI BIBLIOGRAPHIQUE

I.

ÉDITIONS DES CARACTÈRES.

XVIIE SIÈCLE.

ES CARACTÈRES DE THÉOPHRASTE, traduits du grec, avec les Caractères ou les Mœurs de ce siècle. Paris, chez Estienne Michallet, 16881, in-12 de 360 p. (y compris le Discours sur Théophraste : 30 ff. préliminaires non paginés), 2 ff. additionnels, dont 1 pour le privilége et l'autre pour l'errata.

I

Ire édit. originale, contenant 418 remarques. Le privilége est du 8 octobre 1687. Les éditions de Michallet paraissaient en même temps en province. On connaît des exemplaires de la 1re édition sous la rubrique Lyon, Th. Amaulry, 1688.

Réimpression. M. D. Jouaust a donné une reproduction fidèle du premier texte de La Bruyère. Voir ci-dessous à l'année 1869.

Contrefaçon. Se vend à Bruxelles, chez Jean Leonard, 1688, in-12. 28 ff. prélim., 226 de texte, 1 f. pour l'errata. (Impression en petits caractères.)

LES MÊMES. Paris, chez Est. Michallet, 1688, in-12.
Seconde édition originale, conforme à la première.

LES MÊMES. Paris, chez Est. Michallet, 1688, in-12.

1. Et non 1668, date que donne M. J. Taschereau, dans son Étude sur la vie de Corneille. Paris, Jannet (Bibliothèque elzévirienne), 1855.

Troisième édition originale. Se distingue des précédentes par quelques suppressions.

LES MÊMES. Quatrième édition, corrigée et augmentée. Lyon, chez Th. Amaulry, 1689, in-12, 395 p. Le Discours sur Théophraste n'est pas chiffré.

Belle édition, mieux imprimée que les précédentes et sur papier de choix. On y compte 762 remarques. Le privilége est commun à Est. Michallet et à Th. Amaulry, éditeurs l'un et l'autre, «< suivant l'accord fait entre eux >>>.

LES MÊMES. Cinquième édition, augmentée de plusieurs remarques. Paris, chez Est. Michallet, 1690, in-12.

925 remarques.

LES MÊMES. Sixième édition. Paris, chez Est. Michallet, 1691, in-12.

997 remarques. - M. A. Destailleur dit, dans son édition de La Bruyère (1861, I, p. vii), qu'il a vu deux réimpressions de cette édition (Lyon, Th. Amaulry). « Elles portaient la même date, 1693, et, chose singulière, reproduisaient également la sixième de Michallet, quoique l'une fût intitulée septième édition. >>

LES MÊMES. Septième édition, revue et corrigée. Paris, chez Est. Michallet, 1692, in-12.

1073 remarques, dont 76 nouvelles. Une table jointe au volume fait connaître les articles ajoutés.

LES MÊMES. Huitième édition, revue, corrigée et augmentée. Paris, chez Est. Michallet, 1694, in-12.

1119 remarques. Une main figurée en marge indique les nouveaux articles. On trouve dans cette édition le premier texte du Discours de réception de La Bruyère à l'Académie française, précédé de la trop fameuse préface, et un nouveau privilége obtenu par Michallet pour dix années, commençant en 1697.

LES MÊMES. Neuvième édition. (Voir le titre dont nous donnons plus loin le fac-simile). Un vol. in-12.

La faute qui se trouve sur le titre (MDCCXVI au lieu de MDCXCVI) distingue tout d'abord cette édition. Parmi les éditions originales, il n'en est aucune de plus complète. Elle reproduit toutes les augmenta

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