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TRENTE-QUATRIÈME LEÇON.

23 août 1864.

PHYSIOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX DES POISSONS.

Moelle épinière. Encéphale des Ostéoptérygiens, des Sturioniens, des Sélaciens, des Cyclostomes. - Physiologie. — Effets de la cyclamine.

Le passage entre les Invertébrés, dont j'ai terminé l'histoire dans ma dernière leçon, et les Vertébrés, se fait assez brusquement. Cependant il existe un animal, l'Amphioxus ou Branchiostoma lubricum, que des travaux récents, surtout ceux de M. de Quatrefages, nous ont fait connaître, et qui peut être considéré comme formant la transition entre le deuxième et le premier embranchement. M. Milne Edwards propose de placer ce Vertébré dégradé dans une division particulière; pour d'autres zoologistes, il doit être rangé parmi les Poissons. L'Amphioxus ne possède ni vertèbres proprement dites, ni cœur, ni sang rouge, ni cerveau distinct. Son squelette n'est représenté que par la corde dorsale. La circulation s'effectue à l'aide de

vaisseaux dont plusieurs sont doués, dans certains points, de mouvements rhythmiques, et ce sont les parois de la cavité pharyngienne qui remplissent le rôle d'un appareil branchial. Le système nerveux central de l'Amphioxus offre une disposition toute particulière. Comme je l'ai dit, il n'y a pas de cerveau distinct; il n'y a rien non plus qui représente les autres parties de l'encéphale. Le centre nerveux est réduit à la moelle épinière qui offre une série de renflenients, correspondant chacun à l'origine d'une paire de nerfs. La moelle se termine en avant par un renflement analogue à ceux que nous venons de mentionner, renflement qui donne naissance à cinq paires de nerfs, parmi lesquelles on remarque les nerfs optiques et deux autres nerfs allant se rendre aux appareils auditifs indiqués par M. Kölliker. Il y aurait donc, relativement à la disposition du système nerveux central, une certaine analogie entre l'Amphioxus et les Annelés: mais cette analogie ne saurait faire oublier les différences considérables qui les séparent sous ce même rapport; car ici, il n'y a rien qui ressemble au collier œsophagien des Annelés ; d'autre part, le système nerveux est situé au-dessus des principaux appareils de la vie organique, et non pas au-dessous, comme il l'est chez les Annelés.

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Chez les autres Poissons, nous retrouvons le type du système nerveux central des Vertébrés bien mieux dessiné, bien plus arrêté. Il y a, chez la plupart des Poissons, deux systèmes: le système cérébro-spinal et le système grand sympathique. Étudions le myélencéphale.

La moelle épinière diffère en général assez peu de celle des autres Vertébrés. Elle offre un canal central dans toute son étendue. Sa grosseur est assez considérable, si on la com

pare au petit volume de l'encéphale. Elle occupe en général toute la longueur du canal vertébral; mais il y a cependant quelques exceptions et les plus connues sont celles que nous montre le Poisson-lune (Orthragoriscus mola) et la Baudroie (Lophius piscatorius). J'ai déjà indiqué la disposition de la moelle épinière chez ces deux Poissons. Nous avons vu que la moelle se termine, chez eux, à l'extrémité postérieure de la cavité crânienne, et que le canal vertébral ne contient que le filum terminale enveloppé, pour ainsi dire, par la touffe de nerfs, connue sous le nom de queue de cheval. Nous avons vu également que cette moelle si courte n'offre pas, comme on l'avait dit, de renflements correspondant à l'origine des nerfs. Enfin je vous rappelle que chez la Baudroie, nous avons trouvé que l'extrémité du filum terminale forme une sorte de petit ganglion d'où naissent les nerfs destinés à la nageoire caudale. Ce renflement ganglionnaire terminal n'existe pas chez le Poisson-lune; mais on le retrouve à l'extrémité de la moelle chez d'autres Poissons, et il a reçu le nom de ganglion abdominal, dénomination qu'il vaudrait mieux convertir en celle-ci : ganglion caudal. Chez la Baudroie, ce ganglion contient, intercalés dans une substance amorphe, très-légèrement grenue, d'innombrables petits noyaux analogues à ceux que l'on trouve dans le cervelet. Il y a de plus quelques cellules très-pâles, très-transparentes, renfermant un noyau assez grand et difficile à voir. Dans le noyau se trouve un nucléole bien visible, offrant, comme dans les autres cellules des centres nerveux, une sorte d'éclat gras.

Je vous rappelle encore qu'on avait indiqué aussi la moelle du Lump (Cyclopterus lumpus) comme offrant des renflements plus ou moins analogues à ceux des animaux

annelés, et je vous montre de nouveau la moelle d'un animal de cette espèce, afin que vous puissiez bien vous convaincre par vous-mêmes qu'il n'y a point de renflements de cette sorte, et que cette moelle est tout à fait semblable à celle des Poissons ordinaires.

La moelle épinière qui présente la conformation la plus remarquable est celle de la Lamproie (Petromyzon fluviatilis ou P. marinus). Elle a la forme d'un ruban aplati (1). Elle est du reste élastique, assez résistante, et l'on peut même, après avoir retranché la queue et la tête de l'animal, la retirer tout d'une pièce par une des ouvertures ainsi faites au canal vertébral. Je vous ai d'ailleurs déjà montré cette moelle en vous parlant de la structure du cordon rachidien et vous disant quelques mots des recherches de M. Owsjannikow.

Quant à la moelle épinière des Sélaciens (Raies, Squales), elle est, comme celle des Poissons osseux, très-volumineuse relativement aux dimensions de l'encéphale. Lorsqu'elle a été soumise à l'action de l'acide chromique pendant trois ou quatre semaines, il est assez facile d'en couper des tranches minces que l'on peut examiner à l'aide du microscope. A l'œil nu, sur la surface des coupes, on reconnaît bien alors le dessin formé par la substance grise. Chez la Raie, la substance grise constitue deux amas qui, sur les coupes, sont allongés d'avant en arrière, le dessin ressemble un peu à celui que forme la substance grise dans la moelle des Mammifères, vers la région lombaire. Il y a deux commissures transversales éloignées l'une de l'autre de près d'un

(1) D'après M. Valentin, la moelle épinière des Chimères serait égal ment rubanée et élastique dans sa partie postérieure.

demi-millimètre. Le canal central est situé immédiatement en arrière de celle de ces deux commissures qui est le plus eu avant, et il est assez petit pour qu'il soit difficile de l'apercevoir à l'œil nu.

Chez le Squale-nez (Squalus cornubicus), la substance grise forme deux petites masses arrondies, situées chacune au milieu de la moitié correspondante de la moelle, et qui envoient chacune une mince bande vers l'axe médían. Au niveau de cet axe, on voit sur la coupe une tache grisâtre analogue comme dimension à celle que forme la substance grise, et à peu près au milieu de cette tache se trouve le canal central qui est très-petit, comme chez la Raie.

Chez la Raie, l'examen microscopique montre que le nombre des cellules nerveuses n'est pas du tout en rapport avec l'étendue apparente de la substance grise, car les cellules sont peu nombreuses dans chaque tranche mince.

Les cellules nerveuses sont assez grandes, souvent triangulaires, parfois fusiformes et allongées. Elles ont jusqu'à 12 centièmes de millimètre dans leur plus grande dimension. Elles sont situées dans un espace assez restreint situé sur le prolongement de la commissure qui est en rapport avec le canal central. Elles ne paraissent pas avoir de direction nettement prédominante. On n'y reconnaît qu'avec la plus grande difficulté le noyau et le nucléole, lorsque la moelle a été traitée par les agents dont on se sert d'ordinaire pour rendre les préparations transparentes. Je n'ai pas non plus réussi à voir des communications intercellulaires, ni à constater le rapport des pôles avec les fibres des racines nerveuses.

Chez le Squale-nez, on distingue très-facilement les cellules nerveuses dans les colonnes de substance grise. Sur

VULPIAN.

PHYS. DU SYST. NERV.

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