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œsophagien. La démonstration peut même être poussée plus loin, car si l'on excise tout le bord du manteau en y comprenant l'orifice respiratoire, on voit encore des mouvements rhythmiques dans la région voisine de cet orifice, sans que pourtant il arrive jamais à s'entr'ouvrir. Il est vrai qu'on ne peut pas s'étonner outre mesure de ces résultats. On sait, en effet, que les mouvements du coeur chez les Vertébrés persistent lorsque cet organe est retiré du corps, et par conséquent séparé des grands centres nerveux. On sait aussi, d'après les observations de M. Brown-Séquard et les nôtres, que le diaphragme, même séparé du centre nerveux cérébro-spinal, peut offrir encore des mouvements rhythmiques.

Les poisons, curare et strychnine, n'ont presque aucun effet sur ces animaux. De même, l'upas antiar ne paraît pas avoir d'influence sur le cœur des Mollusques; du moins j'ai fait sur l'Escargot plusieurs expériences qui m'ont donné des résultats négatifs. La solution de ce poison avait été introduite dans la profondeur des tissus, ou bien dans d'autres cas, on l'avait mise directement en contact avec le cœur, après ouverture du péricarde. On sait, au contraire, avec quelle rapidité l'upas antiar arrête les mouvements du cœur des Vertébrés, des Batraciens surtout. Cela semble indiquer une différence entre la constitution des éléments anatomiques des Mollusques et celle des éléments homologues des Vertébrés; car l'action des poisons est vraisemblablement d'ordre chimique, et la résistance plus ou moins grande des éléments nerveux et musculaires à cette action paraît bien impliquer une dissemblance plus ou moins marquée dans la composition de ces éléments. Mais ici encore nous ne voyous pas quelque

chose de tout à fait propre à ces animaux. On trouve des différences du même genre, relativement à l'action des substances toxiques, dans toute l'étendue du règne animal. Tel animal se nourrira de plantes qui sont des poisons plus ou moins violents pour d'autres animaux. Les exemples abondent, et pour ne pas entrer dans des détails prolixes, nous nous contenterons de vous rappeler qu'il n'y a pas de végétal, si toxique qu'il puisse être, qui ne nourrisse quelque Chenille ou quelque autre larve d'Insecte.

Les quelques faits que je viens de vous signaler constituent à peu près tout ce qu'on sait de net sur la physiologie du système nerveux central des Mollusques. On a dit qu'on avait vu le cerveau des Mollusques se reproduire après l'extirpation. C'est là un résultat bien douteux, car dans les expériences instituées pour s'assurer de ce fait, on s'est contenté ordinairement d'exciser d'un seul coup la tête des Escargots; or, dans ces conditions, à moins d'enlever, sur l'animal bien développé, une grande longueur du cou, on laisse le plus souvent le cerveau intact. Il faudrait, pour être sûr du résultat, pratiquer, comme je l'ai fait, une petite plaie sur les côtés du cou de l'animal, et chercher à extirper les ganglions nerveux isolément; avec un peu d'exercice on arrive assez vite à faire cette opération sans produire de grands délabrements; il faut, de plus, instituer les expériences vers la fin de l'automne, au moment où la vie de ces animaux devient moins active, et où la température moins élevée rend les suites immédiates de l'opération moins dangereuses. J'ai fait un certain nombre d'expériences dans ces conditions, mais jamais je n'ai obtenu une survie assez prolongée pour qu'il pût y avoir quelques résultats bien saillants.

D'ailleurs, rien n'indique à priori que cette reproduction ne pourrait pas s'effectuer. Il est bien avéré que des queues de Salamandres peuvent repousser, et qu'on voit alors s'y reproduire une partie plus ou moins longue de la moelle épinière. On a observé chez les Naïdes et chez les Planaires des reproductions bien manifestes des ganglions correspondant au cerveau.

Le fait de la reproduction des ganglions cérébroïdes de l'Escargot n'a donc rien d'impossible en principe. Mais il n'a pas été observé encore d'une façon certaine, et il serait fort intéressant, parce qu'il s'agirait d'animaux dont les ganglions sont plus considérables et ont une importance physiologique sans doute plus grande que ceux des Naïdes ou des Planaires. C'est donc une expérience à tenter de nouveau dans les conditions que je viens de déterminer.

Je ne vous parlerai pas de la physiologie des organes des sens chez ces animaux ; vous savez que j'ai été obligé de laisser de côté tout ce qui regarde cette partie de la physiologie, le temps dont nous disposons ne me permettant pas de l'aborder. Je ne vous dirai qu'un mot relativement à l'odorat dont M. Moquin-Tandon plaçait le siége, chez l'Escargot, dans les tentacules oculifères. Pour lui, l'organe olfactif serait le bouton terminal de chacun de ces tentacules. Il est certain que ces tentacules, comme le démontrent les expériences de M. Moquin-Tandon, et comme je l'ai vu moi-même, sont très-vivement impressionnés par les odeurs, surtout, il est vrai, par celles qui peuvent avoir une action physico-chimique sur leur tégument toujours humide. Mais il m'a semblé que presque toutes les parties de la surface tégumentaire offrent une impressionuabilite presque égale, ce dont on peut s'assurer surtout lorsqu'on

a excisé les tentacules oculifères et qu'on renouvelle les essais qu'on avait faits auparavant. On obtient même des résultats analogues à ceux qu'avait constatés M. Moquin-Tandon, en faisant ces expériences sur des lambeaux du manteau ou du pied. J'ai déjà parlé des effets produits à distance par l'acide acétique; on observe des effets du même geure en employant l'essence de menthe ou l'essence de bergamotte. Si l'on place à une petite distance, 3 ou 4 millimètres, du tégument qui recouvre un lambeau du pied ou du manteau d'un Escargot, une mince tige dont l'extrémité est mouillée d'une de ces essences, on voit presque immédiatement se manifester des contractions des muscles sous-cutanés. Des recherches précises sur le siége de l'odorat, chez ces animaux, seraient donc difficiles à instituer, à cause de cette excitabilité si vive de tous les points du tégument.

TRENTE-TROISIÈME LEÇON.

20 août 1864.

PHYSIOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX DES ANNELĖS.

Notions générales sur l'anatomie du système nerveux des Articulés proprement dits et des Annelés ou Vers. Système nerveux de la vie animale et système nerveux de la vie organique. Physiologie de ces deux divisions du système nerveux.

Nous arrivons à l'embranchement des Annelés ou Entomozoaires. On a divisé cet embranchement en deux sousembranchements: Les Arthropodaires ou Articulés proprement dits et les Annelés ou Vers, dont plusieurs naturalistes font un type tout à fait distinct. Je veux vous dire quelques mots sur la disposition et la structure du système nerveux dans les principaux types de ces sous-embranchements, avant d'en venir aux considérations générales que je dois vous présenter sur les fonctions d'innervation de ces animaux.

Sous-embranchement des Annelés ou Vers.

Los Annelés sont divisés par M. Milne Edwards en Rotateurs, Turbellariés, Cestoïdes, Nématoïdes et Annelides.

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