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B. Courants intermillents. Ces courants peuvent être engendrés par des appareils divers, mais l'effet est toujours le même; il se produit une contraction pendant tout le temps que l'on fait agir le courant jusqu'à ce que le nerf ait perdu son excitabilité. Du reste, l'épuisement du nerf arrive beaucoup plus vite par les courants intermittents que par les courants continus.

Il est un point de l'étude des effets des courants sur lequel j'appelle votre attention. Le phénomène dont je veux parler se manifeste tout aussi bien lorsqu'on emploie les courants continus que lorsqu'on met en usage les courants intermittents. Voici un nerf que je viens d'épuiser par un courant direct. J'essaye en vain l'action d'un courant de cet ordre, je n'obtiens aucun effet: si je laissais le nerf en repos, au bout de quelques minutes, il aurait recouvré, en partie au moins, son excitabilité; mais je puis rendre immédiatement à ce nerf son excitabilité. Pour cela il me suffit de renverser le courant, de remplacer le courant direct par un courant inverse. Si j'avais épuisé ce nerf par un courant inverse, l'application du courant direct lui rendrait également sur-le-champ son excitabilité. On peut, après avoir rendu ainsi au nerf son excitabilité, laisser les électrodes en contact avec lui jusqu'à ce que cette excitabilité soit épuisée de nouveau, et elle renaîtra dès qu'on renversera le courant ; et l'on peut même détruire ainsi et faire renaître plusieurs fois de suite l'excitabilité d'un nerf par des renversements alternatifs du sens du courant. Ce sont là des phénomènes qui ont été connus dès la première période des études faites sur l'action physiologique des courants galvaniques: Volta les a décrits, et on leur a donné le nom d'alternatives voltaïques.

Je ne puis terminer ce court exposé des effets produits par les courants sans vous dire quelques mots des caractères différentiels qu'on avait cru pouvoir tirer de la comparaison de leur action sur les nerfs moteurs et sensitifs : ce sera un pas de fait vers la solution de la question qui est le sujet véritable de la première partie du cours, à savoir, l'examen de la valeur des traits distinctifs que l'on a indiqués entre les fibres nerveuses motrices et les fibres nerveuses sensitives. On a constaté qu'en faisant passer un courant continu au travers d'une certaine partie de la longueur d'un nerf mixte, on observe, lorsque le nerf a un peu perdu de son excitabilité primitive, qu'il n'y a de coutractions musculaires qu'au moment de la fermeture du courant, s'il est direct, et au moment de l'ouverture ou de l'interruption, si le courant est inverse. MM. Longet et Matteucci ont cherché si les phénomènes seraient les mêmes dans le cas où l'on ferait passer les courants par la racine antérieure, racine exclusivement motrice, des nerfs. Or, ils ont vu que l'on ne produit alors des convulsions qu'au commencement du courant inverse et à l'interruption du courant, direct. On voit que les résultats sont tout à fait renversés, et il paraissait naturel de conclure que la différence était due au mélange des fibres sensitives aux fibres motrices dans les nerfs mixtes: l'on arrivait donc à déduire de ces expériences une preuve puissante tendant à démontrer qu'il y a une différence constitutionnelle entre les nerfs sensitifs et les nerfs moteurs. Ajoutons même que les effets que nous venons d'indiquer se montrent, avec le même contraste, lors même que les nerfs sont récemment mis à nu, à condition que la pile soit très-faible. Cette observation, due à M. J. Regnauld, répon

drait à l'objection sérieuse que l'on a fondée sur ce que, pour obtenir les effets précédents, il faudrait, suivant les premiers observateurs, attendre un certain temps, parce que, dans une première période qui suit la préparation des nerfs, on verrait les contractions se produire aussi bien à l'ouverture qu'à la fermeture du courant, quel que fût le sens de celui-ci.

Ainsi donc, les expériences de MM. Longet et Matteucci sembleraient fournir un argument sérieux en faveur des physiologistes qui admettent une dissemblance radicale, profonde, entre les fibres nerveuses sensitives et les fibres motrices. Mais quelle est la valeur réelle de cet argument? Toutes les expériences récentes tendent à montrer qu'elle est nulle. En effet, M. Cl. Bernard a fait voir, le premier, que ces expériences, exactes dans les conditions où elles ont été faites, ne donnent plus les mêmes résultats dans les conditions véritablement physiologiques. Lorsque les racines des nerfs sont intactes, et que l'excitabilité des nerfs est encore normale, les contractions ne se montrent jamais qu'au moment de la fermeture du courant, quel que soit le sens de ce courant, et que le nerf sur lequel on agit soit mixte, ou purement moteur. Ces résultats ont été confirmés par M. Em. L. Rousseau et par M. Chauveau. On n'est donc pas autorisé à tirer des expériences que nous avons relatées la conclusion qu'on en avait tirée tout d'abord, puisque ces expériences ne s'appliquent pas aux phénomènes normaux de la physiologie des fibres nerveuses. Il est probable d'ailleurs que ces résultats, qui ont, en tout cas, un certain intérêt, peuvent s'expliquer par les différences considérables d'excitabilité que présentent les divers points d'un nerf quelconque, et par

les modifications de la conductibilité qui se produisent dans les fibres nerveuses après leur séparation des centres nerveux. Si l'on tient compte de ces particularités, et si, de plus, on a égard aux données qui ressortent des expériences de M. Chauveau, c'est-à-dire à la prédominance d'action de l'électrode négatif lorsqu'on fait passer un courant galvanique dans un nerf, on arrive à se rendre compte, jusqu'à un certain point, des résultats obtenus par les premiers observateurs.

En résumé, l'action des courants galvaniques sur les nerfs mixtes et sur les nerfs moteurs ne révèle aucune différence réelle entre les fibres nerveuses motrices et les fibres nerveuses sensitives.

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Excitants chimiques. Nous ne devons nous occuper ici que de certains agents qui exercent un influence spéciale sur les nerfs. Dans ces dernières années surtout, on s'est occupé de l'action des excitants chimiques sur les nerfs, et l'on est arrivé à des résultats très-dignes d'attention. M. Eckhard a montré que le chlorure de sodium en solution concentrée agit sur les muscles et sur les nerfs, mais que le même sel en dilution n'agit plus que sur les muscles. L'expérience est très-facile à répéter: je la fais devant vous, sur une Grenouille, et vous voyez que les résultats sont tout à fait conformes à ce que je viens de vous dire. Je vais de plus profiter de cette expérience pour vous rendre témoins d'un fait bien remarquable, signalé par M. Eckhard. Voici une Grenouille préparée à la manière de Galvani. Je viens de déposer une goutte d'une solution très-concentrée de sel marin sur le bout périphérique du faisceau des nerfs lombaires que je viens de couper d'un des côtés. Vous pouvez constater, comme vous l'avez fait tout à l'heure sur une

autre Grenouille, que des contractions se produisent dans le membre correspondant. Ces contractions augmentent progressivement: voilà un véritable tétanos de ce membre. J'applique les deux pointes d'une pince galvanique sur les nerfs lombaires : immédiatement le tétanos cesse; le membre tombe dans la résolution. Je relève aussitôt la pince; voici les contractions qui renaissent; il y a de nouveau tétanos. Je galvanise encore; nouvelle résolution du membre. C'est là assurément un résultat bien intéressant et qui vous le paraîtra encore plus, lorsque je vous aurai dit le parti qu'on en a tiré pour l'explication d'une des expériences les plus importantes de la physiologie du système nerveux. Vous savez quels sont les effets produits sur le cœur par la galvanisation des nerfs pneumogastriques. Le cœur s'arrête aussitôt, comme l'ont montré M. Weber et M. Budge, et comme l'avait trouvé de son côté M. Cl. Bernard; et ce qu'il faut bien noter, c'est qu'il s'arrête en diastole, dans le relâchement, dans la résolution. Eh bien! il est clair qu'il y a là quelque chose d'analogue à ce qui se passe dans l'expérience de M. Eckhard, et comme l'a dit M. Cl. Bernard, il semblerait que l'excitation d'un nerf a pour résultat général de changer l'état du muscle correspondant, de le faire contracter lorsqu'il est en repos, et de le mettre en repos lorsqu'il est en contraction. Je vous rappelle ici l'expérience de M. Matteucci sur l'effet de la galvanisation sur un nerf qui a été soumis pendant quelque temps au courant continu inverse; vous avez vu que s'il y a des convulsions musculaires au moment où l'on applique les électrodes sur le nerf, ces convulsions cessent immédiatement. C'est évidemment un fait du même genre que celui qui a été découvert par M. Eckhard.

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