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Il est vrai que ces animaux sont encore composés par des cellules à peu près semblables, et destinées presque toutes au même usage. Tels sont les Polypes d'eau douce célèbres par les expériences de Trembley.

On sait, en effet, que la cavité digestive chez les Hydres est constituée par un simple enfoncement de la substance du corps, communiquant à l'extérieur par une seule ouverture qui sert à la fois de bouche et d'anus. Trembley, en renversant ces polypes comme un doigt de gant, en substituant la paroi extérieure à la paroi digestive, a vu la vie persister et les phénomènes digestifs s'accomplir par cette paroi extérieure devenue intérieure. Bien plus, Trembley mutilait ces animaux, les segmentait en tous sens, et chacun des segments, loin de périr, se développait et reproduisait un animal complet. Vous le voyez, les fonctions sont encore diffuses chez ces animaux; toutes les cellules ont la même structure, les mêmes aptitudes physiologiques, et elles peuvent ainsi se suppléer les unes

les autres.

Faisons quelques pas encore, et, parmi les éléments anatomiques qui constituent l'animal, nous en distinguons qui ont des formes particulières et des destinations. fonctionnelles spéciales. La division du travail physiologique, cette grande loi de perfectionnement mise en évidence par M. Milne Edwards, commence à s'effectuer. Certains éléments vont s'unir sous des formes déterminées pour constituer des appareils de digestion, de circulation et de respiration. D'autres éléments de forme, de structure, de composition chimique distinctes, seront chargées de la motilité ce seront les éléments musculaires formant les muscles. D'autres éléments, enfin, non moins distincts

par

leurs divers caractères, le seront tout autant par leurs fonctions ce seront les éléments nerveux. Des cellules particulières, une matière granuleuse spéciale, et des fibres différentes de tous les autres éléments anatomiques se grouperont en offrant une disposition qui leur est propre, et le système nerveux sera constitué.

Or, le système nerveux, dès qu'il apparaît, va jouer le plus grand rôle, non-seulement dans les fonctions de la vie. animale, mais encore dans celles de la vie organique. Vous savez que depuis Bichat, qui a emprunté l'idée et les éléments principaux de cette distinction à Buffon, on appelle vie animale l'ensemble des fonctions qui appartiennent exclusivement aux animaux, et vie organique l'ensemble des fonctions qui, avec des modifications variées, souvent profondes, appartiennent également aux animaux et aux végétaux.

Nous adopterons cette distinction, qui offre de grands avantages pour l'exposition des faits, mais qui ne doit pas être acceptée comme l'expression absolument exacte de la vérité, puisque les fonctions dites animales peuvent exister, à un degré évidemment très-inférieur, chez les végétaux, et qu'on les voit d'autre part s'effacer peu à peu chez certains animaux inférieurs, au point qu'elles semblent même disparaître chez quelques-uns d'entre eux. Mais laissons de côté pour le moment ces difficultés, et contentons-nous pour le moment de ce groupement systématique des fonctions que nous venons d'indiquer.

Quelles sont les fonctions animales? La sensibilité, la motilité, l'instinct et l'intelligence. L'animal entretient, pour ainsi dire, un commerce continuel avec le monde extérieur, en reçoit des impressions et réagit. Tantôt ces

impressions déterminent un phénomène de sensibilité, une sensation, à l'occasion de laquelle l'animal exécutera des mouvements variés, souvent adaptés à un but, et il y aura phénomène sensitivo-moteur et automatique, sans délibération préalable. Tantôt les impressions venues du monde extérieur ne produiront pas de sensations, et cependant il y aura encore une réaction constituée par des mouvements en général peu compliqués relativement, mais qui parfois présentent aussi une adaptation bien déterminée à un but; il se produira là ce que l'on désigne sous le nom d'action réflexe.

Dans les conditions dont je viens de parler, il y a véritablement relation entre le monde extérieur et l'animal. Le monde extérieur fournit les excitations, et l'animal réagit; mais voici un autre ordre de phénomènes dans lequel le rôle du monde extérieur, comme agent excitateur, n'est plus aussi direct. On voit chez les animaux se manifester des mouvements qui ne paraissent déterminés par aucune provocation extérieure. L'excitation naît ici dans l'animal lui-même: une sorte de tendance impérieuse le pousse à exécuter divers actes souvent très-compliqués et qui sont en rapport avec la conservation de l'individu ou de l'espèce. Ce sont les phénomènes de l'instinct dont je veux parler, vous le comprenez bien.

Enfin, au lieu de sensations brutes pour ainsi dire, l'animal aura des perceptions, et à l'occasion de perceptions actuelles ou de perceptions anciennes exhumées par la mémoire et fixées par l'attention, il pourra se livrer à une sorte de délibération, à des jugements suivis d'ordinaire d'une décision; et alors des mouvements pleinement voloutaires pourront se produire. Ce sont là les phénomènes

de l'intelligence qui se montrent à l'état d'ébauche chez les Invertébrés, et offrent déjà une importance beaucoup plus grande chez un grand nombre de Vertébrés. Chez les Mammifères supérieurs, ces phénomènes se manifestent d'une façon remarquable, se compliquent chez quelques-uns d'entre eux de phénomènes affectifs, et ils prennent chez l'Homme un développement tellement considérable, un caractère tellement élevé, que des naturalistes ont pu être entraînés à voir là des raisons suffisantes pour faire de l'Homme un règne à part le règne Hominal. Singulière illusion scientifique! Pour moi, c'est le dernier terme de l'admiration de l'homme par l'homme.

Chez tous les animaux doués d'un système nerveux, c'est lui qui préside à tous ces phénomènes de la vie animale, depuis la plus simple action réflexe jusqu'aux opérations les plus complexes de l'intelligence; ou plutôt tous ces phénomènes d'innervation ne sont que les produits et les manifestations de l'activité des diverses parties de ce système. Tel est le tableau rapide que j'avais à vous présenter sur les fonctions de la vie animale.

Le système nerveux, vous ai-je dit, prend encore une grande part aux fonctions de la vie organique chez les animaux. En effet, chez eux, et ils sont en cela pour la plupart bien différents des végétaux, les fonctions organiques ne s'exécutent qu'à la condition de certains mouvements plus ou moins étendus, plus ou moins énergiques des organes où s'accomplit la fonction, mouvements dont le plus grand nombre échappent complétement à la connaissance de l'animal. Ainsi la fonction préparatoire de la nutrition, c'est-à-dire la digestion, fonction qui n'existe du reste que chez les animaux, exige pour s'accomplir un

certain nombre de mouvements dont quelques-uns sont volontaires, ou sont au moins provoqués par l'instinct, mais dont le plus grand nombre sont le résultat d'actions excito-motrices, sont en un mot des mouvements réflexes. Ainsi encore la circulation a lieu le plus ordinairement sous l'influence d'un organe de propulsion, et est souvent gouvernée dans les régions éloignées de cet organe par la mise en jeu de la contractilité des parois des vaisseaux. Citons enfin, comme dernier exemple, les mouvements respiratoires soumis en partie au contrôle de l'animal et les mouvements purement réflexes des canaux des glandes. Or, ai-je besoin de vous le dire? tous ces mouvements impliquent l'intervention du système nerveux.

Quelle est donc, envisagée d'un point de vue général, la disposition de ce système qui joue un si grand rôle dans la vie des animaux ?

Le système nerveux se compose de deux ordres d'organes des organes centraux et des organes périphériques. Les organes centraux, ainsi nommés parce que ce sont des centres de réception et de réaction, se présentent soit sous la forme de petits renflements, dont nous étudierons la structure plus tard, et que l'on nomme ganglions nerveux, soit sous la forme d'une masse plus ou moins considérable constituée de parties distinctes mais continues, c'est l'axe cérébro-spinal des Vertébrés que l'on peut appeler le myélencéphale. C'est vers ces centres que vont se rendre les excitations produites dans un point quelconque de la périphérie, et c'est de ces centres que partent les réactions motrices provoquées par ces excitations. C'est aussi là le point de départ des manifestations instinctives et intellectuelles.

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