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VINGT-SIXIÈME LEÇON.

2 août 1864.

MOUVEMENTS DE ROTATION.

Mouvements de rotation provoqués par la blessure d'une moitié de l'encéphale. Théories diverses pour expliquer ces mouvements. Résultats de la lésion des canaux semi-circulaires.

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Je vous disais, à la fin de la dernière leçon, que les lésions d'un des tubercules quadrijumeaux ou bijumeaux peuvent déterminer une tendance à la rotation. L'animal, dès qu'il veut se mouvoir, se met à tourner sur lui-même, et quelquefois même, du moins dans les premiers moments qui suivent l'opération, il semble être entraîné à tourner d'une façon presque irrésistible. Le sens du mouvement de rotation peut varier, suivant que la lésion est plus ou moins profonde. Or, les tubercules optiques sont loin d'être les seules parties dont les lésions provoquent cette tendance à la rotation, et ce phénomène est assez intéressant pour mériter d'être étudié avec quelques détails.

Voici l'énumération des diverses parties dont la lésion unilatérale, d'après les expériences de divers auteurs, peut déterminer des mouvements de rotation:

1° Hémisphères cérébraux;

2o Corps striés;

3° Couches optiques (Flourens, Longet, Schiff);
4° Pédoncules cérébraux (Longet);

5° Pont de Varole;

6° Tubercules quadrijumeaux ou bijumeaux (Flourens);

7° Pédoncules du cervelet, surtout le moyen, et parties latérales du cervelet (Magendie) ;

8° Corps olivaires, corps restiformes (Magendie); 9° Partie externe des pyramides antérieures (Magendie); 10° Partie du bulbe d'où naît le nerf facial (BrownSéquard);

11° Nerfs optiques;

12° Canaux semi-circulaires (Flourens); nerf auditif (Brown-Séquard).

Vous voyez déjà combien sont nombreuses ces parties: on peut dire même, d'après cette énumération, que toutes les parties de l'encéphale peuvent être le point de départ d'une tendance involontaire à la rotation. Il faut y joindre encore la portion supérieure de la région cervicale de la moelle épinière, région dont les blessures peuvent aussi déterminer des mouvements plus ou moins accusés de rotation, peut-être par le retentissement secondaire qu'elles ont sur l'isthme encéphalique. Ce sont, en tout cas, les lésions de l'isthme qui provoquent le plus sûrement ces mouvements anormaux.

Ces phénomènes furent observés pour la première fois

par Pourfour du Petit sur des Chiens. Un des pédoncules cérébelleux moyens ayant été incisé jusque dans le milieu de sa racine, il vit chacun des animaux soumis à l'expérience << tourner comme une boule» autour de son axe longitudinal. C'est la rotation que nous désignons maintenant sous le nom de roulement.

C'est la blessure des parties latérales du pont de Varole, surtout lorsque, faite très en dehors de la région médiane, elle atteint l'un des pédoncules cérébelleux moyens, lesquels sont la continuation des fibres transversales du pont, c'est cette blessure, dis-je, qui détermine les mouvements les plus énergiques et les plus rapides de roulement. Les lésions de l'un des pédoncules cérébelleux dans l'intérieur du cervelet lui-même, produisent un effet tout semblable.

Je fais l'expérience sous vos yeux. Sur ce Lapin, je pratique une lésion du pédoncule moyen du cervelet du côté droit. Vous voyez le résultat: l'animal mis sur la table se met à tourner autour de son axe longitudinal, comme un rouleau, avec une rapidité extrême. La rotation a lieu de gauche à droite.

Je répète la même expérience sur un Rat. L'effet est le même.

Sur cette Grenouille je pique la partie latérale de l'isthme encéphalique. Le mouvement ne se fait pas avec la même rapidité que chez les Mammifères; mais vous voyez cependant que cette Grenouille tourne encore du ventre sur le dos, du dos sur le ventre et ainsi de suite. Il y a du reste, en même temps, chez elle, tendance au mouvement de rotation autour du train postérieur. Chez les Mammifères, on observe souvent aussi l'existence simultanée d'une double tendance à tourner, d'une part autour de l'axe longitudi

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nal, d'autre part, autour du train postérieur, et, ce qu'il faut bien savoir, c'est que ces rotations se font en sens inverse; c'est-à-dire que l'animal qui roule de droite à gauche par exemple, tournera autour de son train postérieur formant axe, de gauche à droite.

Chez les Poissons, on peut également, comme je vous le montrerai, déterminer, de la même façon, un mouvement de rotation autour de l'axe longitudinal du corps.

Quand la lésion porte sur d'autres parties de l'encéphale, ce n'est plus le roulement qu'on observe d'ordinaire. Ainsi, quand on blesse les parties antérieures de l'encéphale d'un côté, le mouvement de rotation qu'on observe est une sorte de mouvement de manége: c'est ce qui arrive, par exemple, après une blessure d'un des hémisphères cérébraux. A mesure qu'on se rapproche de la protubérance annulaire, le phénomène se modifie. Au lieu du mouvement de manége, on observe une rotation en rayon de roue, soit que l'animal tourne autour de son train postérieur qui forme l'axe, soit que le corps entier de l'animal, formant une partie du rayon de roue, tourne autour d'un axe fictif, situé en arrière sur le prolongement du rayon. Quand les lésions atteignent la protubérance ou les parties qui la représentent, c'est alors le roulement qui se produit.

Le roulement a lieu dans un sens presque toujours le même: il se fait ordinairement, de même que chez le Lapin et le Rat que nous avons opérés tout à l'heure, du côté sain vers le côté opéré, de droite à gauche, si la lésion est à gauche. Le sens des mouvements de rotation en manége a lieu le plus souvent du côté opéré vers le côté sain, c'està-dire de gauche à droite, si la lésion est à gauche. Toutefois il n'est pas rare de voir le mouvement se faire dans le

sens inverse. Ces variations des effets produits expliquent la différence des indications données par les auteurs, pour les résultats des lésions d'une même partie. Ainsi M. Lafargue et M. Longet ayant blessé une des couches optiques, ou l'un des pédoncules cérébraux sur des Lapins, ont déterminé un mouvement de rotation constamment dirigé vers le côté opposé à la lésion. M. Flourens, après avoir retranché sur une Grenouille la couche optique droite, a vu l'animal tourner longtemps et irrésistiblement sur le côté droit. Quand la couche optique gauche a été retranchée, la Grenouille a tourné sur le côté gauche. M. Schiff, de son côté, admet que le sens du mouvement de manége varie suivant la portion de la couche optique que l'on a détruite. D'après ses expériences sur des Vertébrés supérieurs (Lapins), il conclut que la destruction des trois quarts antérieurs de la couche optique détermine des mouvements de manége vers le côté lésé, tandis que la destruction du quart postérieur produit le mouvement vers le côté opposé à celui de la lésion. Les résultats obtenus par M. Schiff donneraient, comme vous le voyez, l'explication des dissidences qui existent entre les auteurs, relativement aux effets des lésions des couches optiques, et il est probable que, pour les autres parties, c'est à une raison semblable qu'il faut rapporter le désaccord du même genre qu'on pourrait signaler entre les expérimentateurs (1).

(1) C'est en effet de la même façon que M. Schiff a expliqué comment M. Longet avait vu les animaux rouler du côté lésé vers le côté sain, après la blessure d'un pédoncule cérébelleux moyen, tandis que Magendie avait observé constamment que la rotation avait lieu du même côté que la section du pédoncule. M. Longet, depuis lors, a émis l'opinion que cette différence tenait à ce que le pédoncule moyen contient en arrière surtout des fibres non entrecroisées, et, en avant, des fibres entrecroisées.

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