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tère qui se retrouve toujours dans les faits de ce genre. On sait que chez l'Homme, à la suite des attaques d'apoplexie, qu'il s'agisse d'une hémorrhagie ou d'un ramollissement du cerveau, l'hémiplégie est presque toujours, dès les premiers moments, plus marquée dans le membre supérieur que dans le membre inférieur, et que constamment, lorsque les phénomènes de paralysie commencent à s'amender, c'est d'abord le membre inférieur qui reprend sa motilité. Je n'ai vu, sur un nombre très-considérable de cas, qu'une seule exception à cette règle générale, et je conserve des doutes sur le siége de l'altération qui avait donné lieu à l'hémiplégie dans ce cas.

Une autre remarque qui doit vous être venue à l'esprit, c'est le peu de trouble que l'ablation du cerveau a produit chez l'animal opéré: je ne parle que du Lapin, lequel représente, dans nos expériences, la classe supérieure parini les Vertébrés, celle des Mammifères.

Le vulgaire s'imagine que les plaies considérables du cerveau, de cet organe si important à un certain point de vue, doivent être nécessairement suivies d'une perturbation énorme des fonctions, doivent même entraîner rapidement la mort. Or, vous le saviez déjà, il n'en est rien. Des plaies très-étendues du cerveau peuvent être faites sur des Mammifères, sans que la vie soit immédiatement menacée. Bien plus, ainsi que vous le voyez, le cerveau proprement dit peut être enlevé tout entier avec les corps striés et les couches optiques: l'animal survit et survit même assez longtemps. Un jeune Lapin opéré comme je viens de le dire, vivait encore au bout de vingt-quatre heures, se tenait encore dans l'attitude normale, marchait lorsqu'on le poussait, ou qu'on l'excitait en pinçant une partie sensible

quelconque de son corps. Du reste, chez l'Homme aussi, on a vu des lésions considérables du cerveau proprement dit ne pas entraîner la mort par elles-mêmes.

Mais, toutes choses égales, les lésions du cerveau sont plus graves chez l'Homme que chez les autres Mammifères, et chez ceux-ci, elles sont d'autant mieux supportées que l'animal appartient à un ordre inférieur. Il semble qu'au fur et à mesure que l'on monte l'échelle animale, les diverses parties de l'encéphale se lient les unes aux autres par une solidarité de plus en plus étroite, quoique toujours incomplète.

Enfin, dans une même espèce animale, c'est très-généralement dans le jeune âge que les expériences analogues à celles dont nous parlons en ce moment sont le mieux supportées.

Ainsi, le cerveau proprement dit, les corps striés et les couches optiques n'ont pas à remplir un rôle indispensable dans les mouvements de locomotion; et, au contraire, la protubérance annulaire est le véritable foyer de cette fonction. La locomotion n'est pourtant un mouvement automatique que jusqu'à un certain point, car il faut que le mécanisme de cette fonction soit mis en jeu par une excitation intérieure ou extérieure. Si l'excitation vient du dehors, comme chez les animaux auxquels nous enlevons toutes les parties de l'encéphale situées en avant de la protubérance, le mouvement n'est que momentané et s'arrête presque aussitôt que cesse l'excitation. Si le stimulus émane de ces parties de l'encéphale chez un animal intact, le mouvement peut durer quelque temps, et même, lorsqu'il est provoqué par une incitation volontaire, il dure aussi longtemps que le but n'est pas atteint. Mais en définitive,

la volonté n'a qu'une action indirecte sur la locomotion; elle donne une sorte d'impulsion, et la locomotion, une fois commencée, est comme soutenue et dirigée par la notion plus ou moins distincte du but à atteindre. Le cerveau est si faiblement engagé dans ces phénomènes, que l'on a toute la liberté de sa pensée pendant que l'on marche.

Si la protubérance annulaire est le centre nerveux des mouvements de locomotion, nous ne dirons pas cependant qu'il s'y produit un principe incitateur de ces mouvements, car ce serait laisser croire que nous admettons l'existence d'un je ne sais quoi, doué d'attributs particuliers et dont dépendrait la faculté de translation qui se montre chez les animaux. Il serait même, à mon avis, tout à fait hors de propos de supposer que la protubérance annulaire est en possession d'une propriété particulière, en vertu de laquelle elle pourrait présider à la locomotion, et qu'on pourrait désigner, pour la commodité du langage, sous le nom de locomotricité. Je crois qu'ici encore on commettrait une erreur préjudiciable à la saine appréciation des faits. D'abord assigner une propriété physiologique à un organe, et surtout à un organe aussi complexe que la protubérance, c'est détourner ce terme du sens qu'on lui donne généralement. Les propriétés physiologiques appartiennent aux éléments anatomiques, et non aux organes. Et d'ailleurs, il ne s'agit pas là d'une propriété physiologique ; c'est un résultat, c'est une action, c'est une fonction. Je ne vois encore ici que des cellules et des fibres nerveuses, dans des relations réciproques si peu connues, que je suis tenté de dire que nous les ignorons complétement.

Les fibres nerveuses me paraissent ne posséder que la propriété déterminée dans nos précédentes études, c'est-à

dire la neurilité. Quant aux cellules, nous ne connaissons pas plus leurs propriétés physiologigues et leur mode d'activité que nous ne les connaissons pour les cellules de la moelle épinière. Mais quoi qu'il en soit de ces propriétés et de ce mode d'activité, il me semble que le résultat de leur mise en jeu a surtout pour effet de transmettre l'excitation plus ou moins modifiée à d'autres cellules ou à certaines fibres. Pourquoi la transmission de l'excitation se fait-elle dans tel ou tel sens? Pourquoi restet-elle limitée à un certain nombre d'éléments anatomiques dans certains cas? Et pourquoi, dans d'autres cas, s'étendelle à de très-nombreux éléments, souvent très-distants les uns des autres, et associés en groupes particuliers ? Ce sont là des questions que nous aurions pu nous poser à propos des mouvements adaptés de défense, de conservation, exécutés par la moelle, et que nous soulevons ici, en avouant que nous n'avons aucune réponse satisfaisante à y donner. Ce qui se passe dans ces phénomènes de communication est profondément obscur; mais peut-être de nouveaux efforts dans la voie des recherches anatomiques et expérimentales finiront-ils par nous permettre de fouiller d'un regard plus pénétrant la physiologie des centres nerveux. Toujours est-il qu'il ne faut pas craindre de reconnaître et de dire que la vue superficielle dont on s'est contenté jusqu'à présent est tout à fait insuffisante. Les difficultés que je signale en ce moment vont se présenter à nous de nouveau dans nos études sur la sensibilité.

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annulaire paraît être le centre nerveux où les impressions se transforment en sensations. Elle doit être considérée aussi comme le foyer d'incitation des réactions émotionnelles. Pédoncules cérébraux.

Nous avons vu dans notre précédente réunion, que la protubérance annulaire est le centre nerveux qui met en jeu, par l'intermédiaire de la moelle épinière, les mouvements nécessaires pour la locomotion. C'est aussi le centre nerveux qui excite par le même intermédiaire et maintient en action l'ensemble de muscles dont la station exige le concours. Il faut d'ailleurs tenir compte, dans la physiologie de la locomotion et de la station, du rôle important que jouent, ainsi que je l'ai dit ailleurs, les actions réflexes dont la mcelle épinière est l'instrument. Mais nous n'en avons pas fini avec les fonctions de la protubérance.

L'influence de la protubérance sur la station nous amène naturellement à parler de l'attitude normale des animaux, car la station, à tout prendre, n'est qu'une des formes de

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