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même chez l'Homme? N'y a-t-il pas des fibres appartenant au facial lui-même ou se rendant à son noyau d'origine, qui subissent un entrecroisement? Je n'oserais le nier. En tout cas, un fait qui ressortirait des observations pathologiques, c'est que ces fibres entrecroisées seraient destinées surtout à la face et n'iraient qu'en bien petit nombre aux muscles des paupières; car l'hémiplégie faciale, produite par les lésions du cerveau proprement dit, frappe principalement sur les mouvements des joues, du nez et des lèvres, mais n'atteint que rarement, ou que faiblement, en général, les mouvements de l'orbiculaire des paupières.

Ce que je viens de vous exposer, relativement à l'origine du nerf facial, pourrait s'appliquer au mode d'origine des autres nerfs qui naissent du bulbe rachidien. Les mêmes expériences qui m'ont servi à bien délimiter le mode d'origine du nerf facial m'ont donné des résultats du même genre pour le nerf oculo-moteur externe. Il est incontestable, plus encore peut-être que pour le nerf facial, qu'il n'y a entre les deux noyaux d'origine de la sixième paire qu'un entrecroisement insignifiant, si même il en existe un (1). Et il en est de même des autres nerfs bulbaires.

(1) Les expériences qui consistent en incisions longitudinales antéropostérieures, faites au niveau du sillon médian du plancher du quatrième ventricule, peuvent aussi servir à démontrer qu'il n'y a pas de communications directes, par des fascicules de fibres nerveuses, entre le noyau d'origine d'un des nerfs oculo-moteurs externes et le noyau d'origine du nerf oculo-moteur commun du côté opposé, comme on l'a supposé pour expliquer la synergie du muscle droit externe d'un des yeux et du muscle droit interne de l'autre œil. Jamais les mouvements des yeux de droite à gauche et de gauche à droite n'ont été abolis par les lésions de ce genre, lorsqu'elles étaient pratiquées exactement sur la ligne médiane.

C'est donc là un fait général et qui m'a paru devoir être signalé.

Abordons maintenant la physiologie du bulbe rachidien. Nous procéderons comme nous l'avons fait pour la moelle épinière, c'est-à-dire que nous étudierons d'abord les effets des excitations sur les diverses parties du bulbe rachidien ; puis nous envisagerons le bulbe comme organe de transmission, servant d'intermédiaire entre les parties antérieures de l'encéphale et la moelle épinière; et enfin nous chercherons à déterminer les fonctions qu'il accomplit en tant que centre nerveux.

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Effets des excitations sur les diverses parties du bulbe rachidien. Il est beaucoup plus difficile d'étudier ces effets sur le bulbe que sur la moelle épinière; on est loin d'obtenir des résultats aussi nets quand on irrite les pyramides, les olives, etc., que quand on irrite les faisceaux de l'axe nerveux rachidien. Probablement les pyramides antérieures sont excitables; nous avons vu l'excitation portée sur elles donner lieu à des convulsions: peut-être produit-on en même temps de la douleur? L'analogie, du reste, porte à accorder aux pyramides antérieures la faculté d'être motrices, puisqu'elles sont en partie la continuation des faisceaux antérolatéraux de la moelle épinière, et nous avons vu que les faisceaux antéro-latéraux de la moelle épinière sont doués de motricité. De plus, nous présumons que les pyramides antérieures pourraient bien être sensitives et excitomotrices, parce que l'anatomie nous démontre qu'elles sont en relation avec les faisceaux postérieurs et avec les diverses parties de la substance grise.

Quant aux autres faisceaux des parties antérieures et latérales du bulbe rachidien, nous n'avons que des notions incomplètes sur les effets produits par leur irritation. Elles sont bien certainement douées aussi de motricité; mais il n'est pas certain que l'excitation de ces parties, des faisceaux sous-olivaires, par exemple, ne provoque pas de la

douleur.

On aurait pu croire que les faisceaux restiformes n'auraient donné lieu à aucune discussion, car ils sont facilement accessibles, et l'on peut très-aisément les soumettre aux divers agents d'excitation. Et cependant voyez ce qui en est. M. Longet les a trouvés très-sensibles, et il tire des résultats qu'il a obtenus un argument en faveur de son opinion sur le rôle des faisceaux postérieurs de la moelle. Ces faisceaux sont, dit-il, les conducteurs de la sensibilité des diverses parties du corps; et les corps restiformes, qui sont, suivant lui, la continuation de ces faisceaux, sont sensibles, comme ils devaient l'être. M. Brown-Séquard, réfutant M. Longet, déduit de ses expériences une proposition très-différente de celle-ci. Pour lui, «<les corps restiformes, s'ils sont sensibles, ne le sont qu'à un très-faible degré. » Lequel de ces deux physiologistes, si autorisés, a définitivement raison? J'ai voulu m'éclairer sur cette question. J'ai fait plusieurs expériences sur des Chiens et des Lapins. Après avoir mis la face supérieure du bulbe rachidien à nu, j'ai excité de diverses façons les corps restiformes, et j'ai constaté qu'ils sont en réalité trèssensibles et excito-moteurs: au moment de l'irritation, les animaux ont fait de brusques sursauts et ont poussé des cris de vive douleur. Je conçois à peine qu'on ait pu mettre ce fait en doute. Ils se comportent donc comme les

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faisceaux postérieurs. Toutefois nous nous garderons bien de conclure, comme l'avait fait M. Longet. La sensibilité des faisceaux restiformes ne saurait prouver à elle seule qu'ils sont les prolongements directs des faisceaux postérieurs. D'ailleurs l'anatomie démontre, au contraire, que les faisceaux restiformes n'ont que des relations très-limitées avec les cordons postérieurs. Les atrophies qui frappent sur les cordons postérieurs dans le tabes dorsualis parlent aussi dans le même sens; car, dans leur propagation de bas en haut, elles respectent toujours les corps restiformes proprement dits. Lorsqu'elles montent jusqu'à ce niveau, elles n'altèrent, en général, que les faisceaux grêles postérieurs et leurs prolongements; mais parfois elles envahissent aussi les faisceaux les plus rapprochés de ces prolongements, faisceaux qui font suite aux cordons postérienrs, et qui, chez beaucoup d'animaux, sont séparés des vrais corps restiformes par les racines descendantes des nerfs trijumeaux. De plus, les expériences de M. Brown-Séquard ont établi que la section transversale des faisceaux restiformes n'empêche pas la transmission des impressions sensitives venues du tronc ou des membres. Ces divers arguments prouvent bien que les vrais corps restiformes ne sont pas la continuation directe des faisceaux postérieurs de la moelle épinière.

Les prolongements des faisceaux postérieurs et les pyramides postérieures sont très-sensibles. Les racines descendantes de la cinquième paire crânienne (ou nerfs trijumeaux), qui sont, comme nous l'avons vu, contenues dans le bulbe rachidien, sont également sensibles quand on les pince à la surface du bulbe. La sensibilité de la face postérieure du quatrième ventricule ne peut être douteuse,

mais elle est moins vive que celle des faisceaux restiformes. Nous avons constaté ces faits sur les mêmes animaux que précédemment.

Ai-je besoin de parler des parties grises du bulbe? Non, car vous connaissez cette loi générale, à savoir, que la substance grise n'est pas directement excitable par nos moyens d'expérimentation.

Dans la prochaine leçon nous nous occuperons des deux autres questions que je me propose d'examiner, par rapport aux fonctions du bulbe rachidien.

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