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très-excitables. Ils sont sensitifs et excito-moteurs si on laisse la moelle intacte, et seulement excito-moteurs si la moelle est coupée en travers et séparée de l'encéphale. Il en est de même, mais à un moindre degré, de la partie des faisceaux latéraux contiguë aux faisceaux postérieurs.

J'ai recherché si l'on obtient les mêmes résultats chez les Vertébrés des autres classes. Chez les Oiseaux, les effets des excitations sont les mêmes que chez les Mammifères. Un fait que j'ai déjà mentionné fournit même un argument assez fort contre l'opinion de ceux qui ont admis que les faisceaux de la moelle sont inexcitables: c'est que l'excitation des faisceaux postérieurs et latéraux produit, chez les Oiseaux, des effets (douleur, convulsions), bien plus prononcés que l'excitation des racines. Chez les Batraciens on observe une différence du même genre, bien que moins marquée, entre les faisceaux de la moelle et les racines des nerfs.

La question que nous venons d'examiner était en quelque sorte préalable. C'était un point très-important de la physiologie de la moelle qu'il fallait d'abord élucider. Dans la prochaine leçon, nous étudierons la moelle considérée comme organe conducteur du mouvement et de la sensibilité.

DIX-SEPTIÈME LEÇON.

14 juillet 1864.

PHYSIOLOGIE DE LA MOELLE ÉPINIÈRE.

La moelle envisagée comme organe de transmission. Quelles sont les parties de la moelle qui servent de voies de transmission? Excitations centripètes. Excitations centrifuges. La transmission des excitations motrices et des excitations sensitives est-elle directe ou croisée ?

La moelle épinière est l'organe qui sert à la transmission des impressions sensitives venues de la périphérie, et, en sens inverse, des excitations motrices émanées de l'encéphale. Hippocrate, Celse, Arétée, savaient déjà fort bien que les lésions graves de la moelle entraînent la perte du mouvement et de la sensibilité dans les parties situées audessous du point lésé. A partir de Galien, cette notion physiologique prend rang parmi les données fondamentales de la science.

Mais il ne suffit pas de savoir que la moelle épinière sert à transmettre les excitations centripètes et les provocations centrifuges motrices; il faut encore examiner deux questions d'une grande importance:

1° Il faut voir quelles sont les parties de la moelle qui servent d'organe de transmission, d'une part, pour les excitations centripètes, excito-motrices ou sensitives, et d'autre part pour les excitations centrifuges ou motrices.

2o Une fois que nous aurons tracé les routes que suivent les excitations, il nous faudra déterminer si la transmission des excitations motrices et des impressions sensitives est directe ou croisée.

Je dois vous prévenir que, dans l'examen de ces deux questions, nous rencontrerons de grandes difficultés. La physiologie de la moelle épinière a fait, il est vrai, de notables progrès sur ce sujet, dans ces derniers temps, grâce surtout aux travaux de M. Brown-Séquard: on sait aujourd'hui que des opinions, qui avaient passé longtemps pour incontestables, sont erronées; un certain nombre de faits nouveaux sont maintenant connus. Mais que d'obscurité, que d'incertitudes encore sur les fonctions des faisceaux de la moelle et sur la marche suivie par les excitations centripètes et centrifuges de cet organe! Celui qui vous parlerait autrement, dans l'état actuel de la science, n'aurait pas suffisamment étudié par lui-même les divers points en litige.

I.

Pour ce qui concerne les voies de transmission, la question n'a pu être posée qu'après que l'on eut attribué la sensibilité et le mouvement à des parties différentes du système nerveux. Malgré de nombreuses recherches, on peut dire qu'elle n'a pas encore reçu aujourd'hui une solution tout à fait complète. C'est à Walker (1809) qu'est due

la première hypothèse sur les fonctions des faisceaux de la moelle épinière. Il s'arrête à la vue la plus simple, la plus conforme à son hypothèse sur les fonctions des racines, et dit que les faisceaux antérieurs transmettent la sensibilité, et les faisceaux postérieurs le mouvement. Ch. Bell (1811), après avoir fait une expérience sur un Lapin récemment tué, applique aux faisceaux de la moelle l'idée qu'il s'était faite sur les fonctions des racines: il faut donc se reporter ici à ce que je vous ai déjà dit pour les racines dans ma sixième leçon. En 1822, Magendie fit des expériences sur les faisceaux rachidiens, et arriva aussi à des résultats semblables à ceux qu'il avait tirés de ses expériences sur les racines.

Après Magendie, de nombreux expérimentateurs se sont occupés de la question, mais sans arriver à des données positives, et je vais indiquer succinctement les principales solutions que cette question a reçues. Bellingeri (1823) admet que les faisceaux antérieurs et les postérieurs président aux mouvements, les premiers servant aux mouvements de flexion, les autres aux mouvements d'extension. Quant à la sensibilité, elle serait transmise à la fois par les faisceaux postérieurs et par la substance grise. Notez bien ce dernier point. Cette opinion de Bellingeri sur le rôle de la substance grise avait sa source dans des expériences précises: ce physiologiste avait observé, en effet, que la sensibilité survit à la section des deux cordons postérieurs. Or, nous verrons que cette opinion, rejetée d'abord d'une façon presque unanime, se trouve aujourd'hui complétement confirmée.

Fodéra (1823) répète ces expériences, et arrive au même résultat: il rapporte même que, dans l'une de ses expé

riences, «les parties postérieures à la blessure lui parurent plus sensibles que les antérieures ». Dans une autre expérience, il divise longitudinalement, en suivant la ligne médiane, la moelle lombaire, et remarque l'abolition consécutive de la sensibilité. De plus, sur un Cochon d'Inde et sur un jeune Chat, la section d'un des cordons postérieurs vers le milieu de la région dorsale fut suivie de diminution de la sensibilité du côté opposé à la section. Nous voyons dans ces expériences de Fodéra deux faits importants notés: l'hyperesthésie des membres postérieurs après la section des cordons postérieurs; et, d'autre part, la diminution de la sensibilité après la section d'un cordon postérieur, dans le membre du côté opposé.

Schoeps constate l'hyperesthésie signalée par Fodéra. Il émet une opinion partagée plus tard par Rolando et M. Calmeil, à savoir, que les cordons antérieurs et les cordons postérieurs de la moelle sont chargés les uns et les autres de conduire les excitations motrices et sensitives. M. Calmeil ajoute que la substance grise suffit à elle seule pour transmettre les impressions et les incitations motrices.

J'arrive aux travaux de Van Deen (1841). Il fait ressortir l'importance de la substance grise, et montre qu'elle sert à la transmission des excitations sensitives, mais qu'elle est également nécessaire à la transmission des excitations motrices. Suivant lui, les racines postérieures se terminent dans la substance grise comme les racines antérieures. Il va même plus loin, et admet que les cordons postérieurs, aussi bien que les cordons antérieurs, communiquent avec la substance grise, les uns servant à transmettre la sensibilité, les autres l'influx volontaire, mais toujours par l'intermédiaire de la substance grise. D'après Van Deen, les

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