Bal. Plaît-il? Etes-vous sourd? Cet homme de mérite. Bal. Monsieur de l'Empirée ? Franc. Et qui donc ? Quoi? C'est lui, Bal. Dont le zèle, pour moi, sollicite aujourd'hui ? Franc. Lui-même. Il a trouvé que vous jouiez en maître; Et votre admirateur, autant que l'on doit l'être, Il veut vous enrôler pour un mois, parmi nous. Moi, le voyant d'humeur à tout faire pour vous, J'ai dû le mettre au fait de ce qui vous intrigue, Et des égarements de votre enfant prodigue. Il a, sur cette affaire, obligeamment pris feu, Comme si c'eût été la sienne propre. Bal. Adieu. Vous avez opéré des prodiges! Franc. Monsieur le Capitoul, vous avez des vertiges. Bal. Eh! c'est vous qui, plutôt que mon neveu cent fois, Mériteriez... Je suis le moins sensé des trois. Serviteur! Franc. Mais encore ! entre amis, l'on s'explique. Ne pourrait-on savoir quelle mouche vous pique ?1 Quoi! lorsque nous tenons... Bal. Non, nous ne tenons rien, Puisqu'il faut vous le dire; et cet homme de bien, Au mérite de qui vous êtes si sensible, Est le pendard à qui j'en veux. Est-il possible? Franc. Si j'eusse vu le diable, elle eût été moins grande. À présent, je demande Bal. 1 Pourquoi vous vous fâchez? ce qui vous agite? Et que l'écervelé qui me brave aujourd'hui, pour l'état, pour les leurs, pour eux-mêmes ? Chacun les y méprise, on craint leurs aiguillons. Mais ce ne sera plus qu'un gueux, qu'un misérable, Vous aurez eu l'honneur d'avoir contribué. Franc. Oncle indigne à jamais d'avoir part à la gloire D'un neveu qui déjà vous à trop honoré! Savez-vous ce que c'est que tout ce long narré ? De tout temps, gendarmé contre la poésie. Bal. Apprenez de moi, qu'on ne voit guère Faite pour dégrader, rarement anoblit. Forgez-vous des plaisirs de toutes les espèces; On fait comme on l'entend, quand on a vos richesses: Et d'un œil satisfait, on veut que je le voie? Sur ceux, qui, dites-vous, se l'arrachent des mains. Franc. Je vous arrête, Si j'admire en Damis un don qui vous irrite, Eh bien! est-il à plaindre? Holà, quelqu'un !... Vous-même en jugerez ainsi. (A un Valet.) Que l'on cherche Lucile, et qu'elle vienne ici. (A part.) Aussi-bien elle hésite, et rien ne se décide. (A Bal.) Qu'est-ce ? Vous mollisez ? Votre front se déride? Vous paraissez ému ? Vous êtes un ami bien rare et bien parfait ! Un procédé si noble est-il imaginable? Ne me trouvez donc pas, au fond, si condamnable. Et sur le train des mœurs du siècle où nous vivons. Et je ne lui pouvais pardonner son malheur; SCÈNE V. Baliveau, Francaleu, Damis. Franc., (à Damis.) Venez, venez, monsieur! Une autre fois encore Vous vous flattiez, ce soir, de contenter monsieur. Bal. Non. Qu'entre nous tout s'oublie, Damis. Voici quelqu'un qui nous réconcilie ; Qui signale à tel point son amitié pour nous, Qu'il s'acquiert à jamais les droits que j'eus sur vous. Monsieur vous fait l'honneur de vous choisir pour gendre. (Voyant Damis interdit.) Ainsi que moi, la chose a lieu de vous surprendre ; Car, de quelques talents dont vous fussiez pourvu, Mais la joie aurait dû, suspendant sa puissance, Des grâces, de l'esprit, des vertus de Lucile; Bal., (à Franc.) Le voilà cet homme au-dessus du vulgaire, Dont vous vantiez l'esprit et la judiciaire, Qui, tout à l'heure était un phénix, un trésor ! Eh bien, de ces beaux noms le nommez-vous encor? SCÈNE VI. Francaleu, Damis. Franc. Monsieur, la poésie a ses licences; mais Je suis fâché de voir mon oncle mécontent; Mais vous-même, à ma place, en auriez fait autant. Dam. Oui; du moins son esprit. Grâce à l'heureux talent dont l'orna la nature, Il est connu partout où se lit le Mercure. C'est là que, sous les yeux de nós lecteurs jaloux, L'amour, entre elle et moi, forma des nœuds si doux. Dam. Je ne m'en cache plus. Franc. Dam. Eh, oui ! Franc. Ce bel esprit sans pair! Mériadec... De Kersic... de Quimper... Dam. En Bretagne. Elle-même ! Il faut être équitable : Avouez maintenant; rien est-il plus sortable? Franc., (éclatant de rire.) Embrassez-moi! Dam. De quoi riez-vous donc si haut? Dam. Sans doute. Il sortira d'erreur pour peu qu'il nous écoute. Franc. Oh, c'est vous qui, pour peu que vous nous écoutiez, Laisserez, s'il vous plaît, l'erreur où vous étiez. Dam. Quelle erreur? Qu'insinue un pareil verbiage? Franc. La personne pourrait, par exemple, être telle..... Dam. Telle qu'il vous plaira! Suffit qu'elle ait un nom. Franc. Mais laissez dire un mot, et vous verrez que non! Dam. Rien! Rien! Dam. Et, tout en vous quittant, j'y vais tout disposer. Franc. Oh! disposez-vous donc, monsieur, à m'épouser! À m'épouser, vous dis-je. Oui, moi! Moi! C'est moi-même, Qui suis le bel objet de votre amour extrême. Dam. Vous ne plaisantez point? Franc. Non; mais, en vérité, J'ai bien, à vos dépens, jusqu'ici plaisanté ; Quand, sous le masque heureux qui vous donnait le change,' Je vous faisais chanter des vers à ma louange. Voilà de vos arrêts, messieurs les gens de goût! L'ouvrage est peu de chose, et le seul nom fait tout. 1 Donner le change, tromper. |