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robes de son époux (1), et Lucrèce travaillant tout le jour avec ses femmes. Aussi lorsque Ovide veut peindre une coquette (2), il aunonce qu'elle est paresseuse ; qu'elle n'a d'autre plaisir et d'autre occupation que de prendre soin de ses cheveux et de se regarder dans l'onde; de se parer, etc. : de là elle passe à l'effronterie la plus infàme; elle déclare sa passion; et, quoiqu'elle soit belle, elle n'inspire que du mépris et de l'horreur.

On a vu, et il existe encore plusieurs femmes qui se persuadent que les occupations particulièrement propres à leur sexe sont d'une extrême frivolité; mais c'est une des erreurs de la dépravation de confondre sans cesse la simplicité avec la frivolité. La véritable frivolité est ce qui n'est utile sous aucun rapport, et en même temps nuisible et condamnable à beaucoup d'égards, comme le jeu et la plupart de nos conversations. Au lieu de coudre, de filer, de broder, nous voulons écrire, faire des vers ou des romans. A moins d'avoir dans ce genre un but très-moral et véritablement utile, avec un grand fonds d'instruction et de connoissances acquises, une femme est inexcusable de

(1) Comme fit depuis Livie pour Auguste.

(2) Galmacis.

quitter les douces et vertueuses occupations de son sexe pour de tels travaux. A combien de femmes ne pourroit-on pas dire justement; et Meglio per s'avessi il fuso el vago (1)

L'estime des anciens pour les femmes qui consacroient leurs loisirs à ces innocens travaux, étoit telle, que les poëtes nous disent qu'Agamemnon préféroit Chryseis à Clytemnestre, à cause de son adresse à travailler de la toile.

Ce fut par le même sentiment qu'Énée, voulant faire un présent considérable à Sergeste, lui donna une esclave crétoise, nommée Pholloé, parce qu'elle étoit une habile brodeuse.

On lit dans l'histoire qu'Alyatte, roi de Sardes, étant assis devant les murs d'une ville, vit passer une femme thrace ayant une urne sur la tête, une quenouille et 'un fuseau dans les mains, et derrière elle un cheval attaché par la bride. Le roi conçut tant d'estime pour une femme si laborieuse, qu'il demanda de quel pays elle étoit. On lui répondit qu'elle étoit de Mysie, petit pays de Thrace. Là-dessus, ce prince fit prier, par ses ambassadeurs, Cotys, roi de Thrace, de lui envoyer une colonie de ce pays, hommes, femmes et enfans.

(1) Le Tasse.

En Bourgogne et en Auvergne, on peut éprouver ce genre d'admiration. Presque tou tes les femmes, en montant ou en descendant les montagnes, et dans les chemins, ont des hottes sur le dos, des vases sur la tête, et en même temps filent ou tricotent; souvent même elles conduisent, par un licol attaché à leur ceinture, un anon chargé d'herbages ou de fagots.

L'Écriture Sainte nous apprend que Noëma, fille de Lameck et sœur de Tubalcain (1), inventa l'art de filer, de coudre et de faire de la toile. Avant elle, on portoit pour tout vêtement des peaux d'animaux. La broderie au métier est d'une grande antiquité : Dieu ordonna d'en enri- · chir l'arche et les ornemens du temple des Juifs.

La broderie est encore l'occupation favorite des femmes grecques, qui presque toutes y excellent. Selon Pline, ce fut une femme, nommée Pamphila, qui inventa l'art de faire de la gaze (on donne le même nom à l'inventrice de la broderie ). Du Cange dit que ce tissu a été ainsi nommé, parce qu'il fut d'abord apporté de Gaza, ville de Syrie (2).

(1) Tubalcain, qui inventa l'art de battre le fer et de travailler l'airain.

(2) Les canéphories, chez les Grecs, étoient des fêtes dans

Les anciens trouvoient que les vices les plus révoltans dans une femme étoient la présomption et la vanité; en effet, la foiblesse physique, le besoin de protection doivent donner aux femmes, ainsi qu'à l'enfance, la douceur, la docilité, la modestie; c'est pourquoi les anciens leur interdisoient les talens qui peuvent exalter l'amour-propre; ils ne vouloient même pas qu'elles fussent énorgueillies de leur supério rité dans les ouvrages propres à leur sexe. Aussi voit-on, dans la fable, l'orgueilleuse Arachné cruellement punie de sa vanité. budd

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Les Égyptiens croyoient qu'Isis avoit appris aux hommes à cultiver le lin, ainsi que l'art de filer cette plante et d'en faire de la toile. Les Chinois disent que l'impératrice Siling-Chi trouva la première le moyen d'élever des vers à soie, de filer leur soie et d'en faire des étoffes, sur lesquelles elle broda des fleurs et des oiseaux (1). Les Péruviens attribuaient à MammaOElla, femme de Manco-Capac, leur premier souverain, l'art de filer, de faire des étoffes et

esquelles les jeunes filles, la veille de leurs noces, offroient à Minerve et à Diane de julis ouvrages à l'aiguille, posés dans des corbeilles, et faits par elles dans le cours de l'année.

(1) On sait qu'en France, Henri II est le premier de nos rois qui ait porté des bas de soie tricotés.

de coudre. C'étoit aussi à des femmes que l'antiquité grecque (et romaine attribuoit l'invention de l'aiguille (1), Jufto in vetrov ulds mail

Les temps modernes ont produit aussi des femmes illustres dans ce genre. La belle Éditha, fille de Godvin, comte de Kent, et femme de saint Édouard, fut renommée pour ses mœurs, son économie, et son adresse inimitable dans tous les ouvrages à l'aiguille. Elle fit elle-même de magnifiques robes que le roi portoit dans les jours de cérémonie.

Mathilde, femme de Guillaume-le-Conquérant, fit en tapisserie un morceau historique très-intéressant, qui représente les victoires de son mari. On conservoit cette tapisserie à Bayeux, dans la cathédrale, où nous l'avons vue peu de temps avant la révolution.

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La cathédrale de Milan possède un beau portrait de saint Charles Boromée, fait par une femme nommée Pérégrina (2).

On voit en Angleterre, dans la cathédrale d'Yorck, des ouvrages d'une admirable beauté, qui sont des copies de tableaux, et faits

par une

(1) Et la mythologie, celle des filets à Dyctinne, nymphe de l'île de Crète.

(2) On appelle barbaricaire l'artiste qui exécute en broderie des représentations d'hommes et d'animaux.

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