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perarai rien pour attendre, n'est-il pas vrai? Et j'espère pouvoir regarder, comme convenu entre nous l'heureux arrangement que je vous ai proposé dans ma dernière lettre. Vous voyez que je m'exécute, et que, comme je vous l'ai promis, mes affaires seront assez avancées pour pouvoir vous donner une partie de mon temps. Dépéchez-vous donc de renvoyer votre pesant Belleroche, et laissez-là le doucereux Danceny pour ne vous occuper que de moi. Mais que faites-vous donc tant à cette campagne, que vous ne me répondez seulement pas ? Mais le bonheur porte à l'indulgence. Et puis, je n'oublie pas qu'en me replaçant au nombre de vos soupirans, je dois me Soumettre, de nouveau, à vos petites fantaisies. Souvenezvous cependant que le nouvel amant ne veut rien perdre des anciens droits de l'ami.

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Adieu comme autrefois ..... Qui, adieu, mon ange! je t'envoie tous les baisers de l'amour.

Monsieur de Valmont qui avait décidé que Madame de Tourvel n'aurait pas les plaisirs du vice et le bonheur de la vertu, n'eut pas sitôt achevé de triompher de sa trop sensible amante, qu'il songea aux moyens de la perdre, es 15 jours après cet événement, il lui envoya la lettre suivante.

« On s'ennuie de tout, mon ange, c'est une loi de la na»ture; ce n'est pas ma faute.

» Si donc je m'ennuie aujourd'hui d'une aventare qui m'a » occupée entièrement depuis quatre mortels mois, ce n'est » pas ma faute.

» Si, par exemple, j'ai eu juste autant d'amour que toi » de vertu, et c'est sûrement beaucoup dire; il n'est pas » étonnant que l'un ait fini en méme temps que l'autre. Ce » n'est pas ma faute.

« Il suit de-là, que depuis quelque temps je t'ai trompé : » mais aussi lon impitoyable tendresse m'y forçait en quelque » sorte! Ce n'est pas ma faute.

» Aujourd'hui, une femme que j'aime éperdûment, exigé que je le sacrifie. Ce n'est pas ma faute.

Tom. I.

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»Je sens bien que voilà une belle occasion de erier au » parjure: mais si la nature n'a accordé aux hommes que l'ina » constance, landis qu'elle donnait aux femmes l'obstination, » ce n'est pas ma faute.

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» Crois-moi, choisis un autre amant comme j'ai fait une » autre mattresse. Ce conseil est bon, très-bon; si tu le trouves » mauvais, ce n'est pas ma faute.

» Adieu, mon ange, je l'ai prise avec plaisir, je te quitte »sans regret je le reviendrai peut-être. Ainsi va le monde. » Ce n'est pas ma faute. »

Ensuite le séducteur écrivit à la Marquise de Merteuil les deux lettres ci-jointes.

LE VICOMTE DE VALMONT

A Madame la Marquise de Merteuil.

J'ai envoyé hier à la céleste présidente le petit modèle épistolaire que vous connaissez, et j'en attends le meilleur effet.

J'espérais pouvoir vous renvoyer ce matin la réponse de ma bien-aimée; mais il est près de midi, et je n'ai encore rien reçu. J'attendrai jusqu'à cinq heures; et si alors je n'ai pas eu de nouvelles, j'irai en chercher moi-même; car, sur-tout en procédés, il n'y a que le premier pas qui coûte.

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Hier, à trois heures du soir, ma belle amie, impatienté de n'avoir pas de nouvelles, je me suis présenté chez la belle délaissée ; on m'a dit qu'elle était sortie. Je n'ai vu, dans cette phrase, qu'un refus de me recevoir, qui ne m'a ni fáché ni surpris; et je me suis retiré, dans l'espérance que cette dé

marche engagerait au moins une femme si polie, à m'honorer d'un mot de réponse. L'envie que j'avais de la recevoir, m'a fait passer exprès chez moi vers les neuf heures, et je n'y ai rien trouvé. Etonné de ce silence, auquel je ne m'attendais pas, j'ai chargé mon chasseur d'aller aux informations, et de savoir si la sensible personne était morte ou mourante. Enfin, quand je suis rentré, il m'a appris que Madame de Tourvel était sortie en effet à onze heures du matin, avec sa femme-dechambre; qu'elle s'était fait conduire au couvent de..... et qu'à sept heures du soir, elle avait renvoyé sa voiture et ses gens, en faisant dire qu'on ne l'attendit pas chez elle: assu-. rément, c'est se mettre en règle. Le couvent est le véritable asyle d'une veuve; et si elle persiste dans une résolution si louable, je joindrai à toutes les obligations que je lui ai déjà, celle de la célébrité que va prendre cette aventure.

que

Je vous le disais bien, il y a quelques temps, que malgré vos inquiétudes, je ne reparaitrais sur la scène du monde brillant d'un nouvel éclat. Qu'ils se montrent done, ces critiques sévères, qui m'accusaient d'un amour romanesque et malheu reux; qu'ils fassent des ruptures plus promptes et plus brillantes :. mais non, qu'ils fassent mieux; qu'ils se présentent comme consolateurs, la route leur est tracée. Eh bien! qu'ils osent seulement tenter cette carrière que j'ai parcourue en entier; et si l'un d'eux obtient le moindre succès, je lui èède la première place. Mais ils éprouveront tous, que quand j'y mets du soin, L'impression que je laisse est ineffaçable. Ah! sans doute, celle-ci le sera; et je compterais pour rien tous mes autres. triomphes, si jamais je devais avoir auprès de cette femme un rival préféré.

Ce parli qu'elle a pris, fatte mon amour-propre, j'en conviens: mais je suis fáché qu'elle ait trouvé en elle une force suffisante pour se séparer autant de moi. Il y aura donc entre nous deux, d'autres obstacles que ceux que j'aurai mis moi-même! Quoi! si je voulais me rapprocher d'elle, elle pourrait ne le plus vouloir; que dis-je, ne le pas désirer, n'en plus faire son supréme bonheur! Est-ce donc ainsi qu'on aime? et croyez-vous ma belle amie, que je puisse le souffrir! Ne pourrais-je pas, par exemple, et ne vaudrait-il pas mieux tenter de ramener cette femme au point de prévoir la possiblite d'un raccommodement, qu'on désire toujours tant qu'on l'espère? je pourrais essayer

cette démarche sans y mettre d'importance; et par conséquent, sans qu'elle vous donnát d'ombrage Au contraire, ce serait un simple essai que nous ferions de concert; el quand même, je réussirais, ce ne serait qu'un moyen de plus, de renouveller, à votre volonté, un sacrifice qui a paru vous étre agréable. A présent, ma belle amie, il me reste à en recevoir le prix, et tous mes vœux sont pour votre retonr. Venez donc vite rerouver votre amant, vos plaisirs, vos amies, et le courant des aventures.

Quelques jours après j'eus l'occasion de revoir Lord E... chez Madame B..; il convint que Lovelace n'était qu'un sot en comparaison du Vicomte de Valmont; qu'il y avait en Angleterre quelques Beaus, sachant assez bien leur métier, qui se croiraient très-honorés du nom de très-humbles disciples d'un si grand maître; mais que pour Madame de Merteuil, il connaissait à Londres quelques femmes de cette force là

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