LA MARQUISE (avec une colère contrainte.) Monsieur.... LE COM TE. Je vous demande pardon, Madame, ce n'est qu'une supposition. LE MARQUIS. Mais, sans doute; il ne faut pas que cela Vous fâche. LA MARQUISE, (d'une voix éteinte et les larmes aux yeux.) Il s'agit bien des rôles qu'on m'offre, Monsieur... mais c'est qu'il est bien cruel que je me plaigne depuis une heure d'être fort mal, sans qu'on daigne seulement y faire la moindre attention. (Au Comte en tremblant.) Peut-on, Monsieur, sans vous offenser, vous observer qu'il est tard, et que j'ai besoin de repos. LE COMTE, (un peu touché.) Je serais désolé de vous importuner, Madame LA MARQUIS E. Vous ne m'importunez pas, Monsieur, mais je vous répète que je suis malade, et fort malade. LE MARQUIS. Hé! mais comment ferons-nous? où couchera Mademoiselle du Portail ? Tome I. LA MARQUISE, (vivement.) En vérité, Monsieur, il semble qu'il n'y ait pas un appartement dans cet hôtel! Effrayé de la tournure que l'entretien venait de prendre, je m'approchai du Comte; charmante enfant, me dit-il tout bas, laissez-moi, tout ce que vous me direz ne vaut pas ce que je suis curieux de savoir au juste, et ce que je vais apprendre tout-à-l'heure. LE MARQUIS. Il y a des appartemens, Madame : mais cet enfant n'aura-t-elle pas peur toute seule? LE COMTE, (avec vivacité.) Pas plus que la dernière fois. LE MARQUIS, (brusquement en montrant la Marquise.) Mais la dernière fois elle a couché avec Ma LA MARQUISE, (troublée balbutie.) Elle a couchée dans mon appartement...et moi.... LE MARQUI S. Elle a couché dans votre lit, avec vous. Je le sais bien, puisque j'ai moi-même fermé les rideaux; ne vous en souvenez-vous pas? (La Marquise confondue ne répondit pas, le Marquis continua en affectant de parler bas :) Ne vous souvenez-vous pas que je suis venu dans la nuit ?... (La Marquise porta la main à son front, jeta un cri de douleur et s'évanouit.) Je n'ai jamais pu découvrir si cet évanouissement était bien naturel; mais je sais que, dès que le Marquis nous eut quittés pour aller, dans son appartement, chercher lui-même une eau qu'il disait souveraine en pareil cas, la Marquise reprit ses sens, rassura promptement Justine et la Dutour accourues pour la secourir, leur ordonna de nous laisser, et que s'adressant au Comté : Monsieur, lui dit-elle, avezvous donc juré de me perdre ? Non, Madame, j'ai voulu m'instruire de quelques détails que j'ignorais, vous prouver qu'on ne me joue pas impunément, et vous forcer de convenir que si je suis capable de me venger, je sais pourtant, maître de mon ressentiment, ne pas porter la vengeance trop loin. Mais vous n'espérez pas sans doute, que, ministre complaisant de vos plaisirs, je puisse voir comme un mari.., chargez-vous de choisir l'épithète... je puisse voir M. de Faublas passer dans vos bras, en ma présence inême ? Que cette charmante enfant m'accorde l'honneur de l'accompagner; que je la reconduise chez son père tout à l'heure; à cette condition je me tais. (64) I V. (65) UN prêtre, un oui, trois mots latins A jamais fixent vos destins; Et le célébrant d'un village, Et vos grands yeux noirs pleins de feu, Que les sermens qu'il fait à Dieu. Mais vous, Madame la Duchesse, Ont mis en vous leur espérance; Ils diront voyant vos attraits, Dieux! Quel plaisir que la vengeance! Vous sentez bien qu'ils ont raison, Et qu'il faut punir le coupable; L'heureuse loi du talion Est des lois la plus équitable. Quoi! votre cœur n'est point rendu? Ah! quelle espèce de vertu Soyez donc sage, s'il le faut, |