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M.elle de Brumont, et voyons si vous en pourrez tirer quelque éclaircissement. Je m'adressai à la nièce Madame la comtesse permet-elle ?... elle m'interrompit vivement très - volontiers, Mademoiselle.

:

M. de Lignolle couche-t-il dans l'appartement de Madame la comtesse? Non. Jamais? Jamais. Y entre-t-il la nuit? Jamais. Y vient-il le matin? Oui, quand je suis levée. S'enferme-t-il dans la journée avec Madame la comtesse?

Non?

Le

soir, reste-t-il un peu tard chez Madame la Après le souper, cinq minutes,

comtesse ? tout au plus.

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Ces cinq minutes à quoi les emploie-t-il? A me dire bon soir.-Comment dit-il bon soir à Madame la comtesse?

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il Madame la comtesse?- Comme on embrasse!

il me donne quelques baisers. -Où cela, Madame la comtesse,

Dame! où cela se donne!

Mais encore?

sur le front,

sur les yeux,

sur le menton.

Absolument?

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Voilà tout? Voilà tout.

Absolument. Que voulez-vous

de plus? Hé bien, Madame la marquise, qu'en pensez-vous?

Et vous, M. le Maréchal qui lisez ceci, qu'en pensez-vous? (39)

II. (40)

mes amis, vivons en bons chrétiens!
C'est le parti, croyez-moi, qu'il faut prendre.
A son devoir il faut enfin se rendre.
Dans mon printemps j'ai hanté des vauriens;
A leurs désirs ils se livraient en proie;
Souvent au bal, jamais dans le saint lieu,
Soupant, couchant chez des filles de joie,
Et se moquant des serviteurs de DIEU.
Qu'arrive-t-il? la mort, la mort fatale,
Au nez camard, à la tranchante faulx,
Vient visiter nos diseurs de bons mots;
La fièvre ardente, à la marche inégale,
Fille du Styx, huissière d'Athropos,

Porte le trouble en leurs petits cerveaux;
A leur chevet une garde, un notaire,
Viennent leur dire : Allons, il faut partir;
Où voulez-vous, Monsieur, qu'on vous enterre?
Lors un tardif et faible repentir,

Sort à regret de leur mourante bouche.
L'un à son aide appelle saint Martin,
L'autre saint Roch, l'autre sainte Nitouche.
On psalmodic, on braille du latin,

On les asperge, hélas! le tout en vain.
Au pied du lit se tapit le malin,

Ouvrant la griffe, et lorsque l'ame échappe
Du corps chétif, au passage il la happe,
Puis vous la porte au fin fond des enfers,
Digne séjour de ces esprits pervers. (41)

PERSIFFLAGE. (42)

I. (43)

L'AUTEUR, vêtu modestement et courbé, présentant sa pièce au Lecteur.

MONSIEUR,

J'AI l'honneur de vous offrir un nouvel opuscule de ma façon. Je souhaite vous rencontrer dans un de ces momens heureux, où dégagé de soins, content de votre santé, de vos affaires, de votre Maîtresse, de votre dîner, de votre estomac, vous puissiez vous plaire un moment

à la lecture de mon Barbier de Séville; car il faut tout cela pour être homme amusable et lecteur indulgent.

Mais si quelque accident a dérangé votre santé, si votre état est compromis, si votre Belle a forfait à ses sermens, si votre dîner fut mauvais, ou votre digestion laborieuse; ah! laissez mon Barbier; ce n'est pas là l'instant; examinez l'état de vos dépenses, étudiez le Factum de votre Adversaire, relisez ce traître de billet surpris à Rose, ou parcourez les chefsd'oeuvre de Tissot sur la tempérance, et faites des réflexions politiques, économiques, diété tiques, philosophiques ou morales.

Ou si votre état est tel qu'il vous faille absolument l'oublier; enfoncez-vous dans une bergère, ouvrez le journal établi dans Bouillon avec Encyclopédie, Approbation et Privilége, et dormez vîte une heure ou deux.

Quel charme aurait pour vous une production légère au milieu des plus noires vapeurs? Et que vous importe en effet si Figaro le Barbier s'est bien moqué de Bartholo le Médecin? On rit peu de la gaieté d'autrui, quand on a de l'humeur pour son propre compte.

Que vous fait encore si ce Barbier Espagnol en arrivant dans Paris essuya quelques traverses, et si la prohibition de ses exercices a donné

trop d'importance aux rêveries de mon bonnet? On ne s'intéresse guères aux affaires des autres ; que lorsqu'on est sans inquiétudes sur les siennes.

Mais enfin tout va-t-il bien pour vous; avezvous à souhait double estomac, bon cuisinier; Maîtresse honnête, et repos imperturbable; ah! parlons, parlons: donnez audience à mon Barbier.

Je sens trop, Monsieur, que ce n'est plus le temps, où, tenant mon manuscrit en réserve, et semblable à la coquette qui refuse souvent ce qu'elle brûle toujours d'accorder, j'en faisais quelque avare lecture à des gens préférés, qui croyaient devoir payer ma complaisance par un éloge pompeux de mon ouvrage.

O jours heureux ! le lieu, le temps, l'auditoire à ma dévotion, et la magie d'une lecture adroite assurant mon succès, je glissais sur le morceau faible en appuyant sur les bons endroits puis recueillant les suffrages du coin de l'œil, avec une orgueilleuse modestie, je jouissais d'un triomphe d'autant plus doux, que le jeu d'un frippon d'Acteur ne m'en dérobait pas les trois quarts pour son compte.

Que reste-t-il, hélas! de toute cette gibecière? A l'instant qu'il faudrait des miracles pour vous subjuguer; quand la verge de Moïse y suffirait à peine, je n'ai plus même la ressource

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