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J'ai conçu pour mon crime une juste terreur :
J'ai pris ta vie en haine, et ma flamme en horreur;
Je voulais en mourant prendre soin de ma gloire,

Et dérober au jour une flamme si noire :

Je n'ai pu soutenir tes larmes, tes combats;
Je t'ai tout avoué; je ne m'en repens pas,

Pourvu que de nia mort respectant les approches
Tu ne m'affliges plus par d'injustes reproches,

Et

que tes vains secours cessent de rappeler Un reste de chaleur tout prêt à s'exhaler. (116)

VI. (117)

PHEDRE.

MISERABLE! et je vis! et je-soutiens la vue
De ce sacré soleil dont je suis descendue!
J'ai pour aïeul le père et le maître des dieux :
Le ciel, tout l'univers est plein de mes aïeux :
Où me cacher? Fuyons dans la nuit infernale.
Mais que dis-je ? mon père y tient l'urne fatale;
Le sort, dit-on, l'a mise en ses sévères mains:
Minos juge aux enfers tous les pâles humains.
Ah! combien frémira son ombre épouvantée
Lorsqu'il verra sa fille, à ses yeux présentée,

Contrainte d'avouer tant de forfaits divers,

Et des crimes peut-être inconnus aux enfers ?
Que diras-tu, mon père, à ce spectable horrible?
Je croir vois de ta main tomber l'urne terrible;
Je crois te voir, cherchant un supplice nouveau,
Toi-même de ton sang devenir le bourreau.
Pardonne. Un dieu cruel a perdu ta famille :
Reconnais sa vengeance aux fureurs de ta fille.
Hélas! du crime affreux dont la honte me suit,
Jamais mon triste cœur n'a recueilli le fruit :
Jusqu'au dernier soupir de malheurs poursuivie,
Je rends dans les tourmens une pénible vie. (118)

SUBLIM E.

I. (119)

Le Vieil HORACE.

TOUT beau ne les pleurez pas tous,

Deux jouissent d'un sort dont leur père est jaloux.

Que des plus nobles fleurs leur tombe soit couverte;

La gloire de leur mort m'a payé de leur perte.
Ce bonheur a suivi leur courage invaincu,
Qu'ils ont vu Rome libre autant qu'ils ont vécu,
Et ne l'auront point vue obéir qu'à son Prince;
Ni d'un état voisin devenir la province.

Pleurez l'autre, pleurez l'irréprochable affront
Que sa fuite honteuse imprime à notre front;
Pleurez le déshonneur de toute notre race >
Et l'opprobre éternel qu'il laisse au nom d'Horace,

JULIE.

Que vouliez-vous qu'il fit contre trois ?

Le Vieil HORACE,

Qu'il mourût (120)

II. (121)

AGAMEMNON, à part.

GRANDS dieux! à son malheur dois-je la préparer ?

IPHIGENIE.

Vous vous cachez, seigneur, et semblez soupirer; Tous vos regards sur moi ne tombent qu'avec peine : Avons-nous sans votre ordre abandonné Mycène?

AGAMEMNON.

Ma fille, je vous vois toujours des mêmes yeux; Mais les temps sont changés, aussi-bien que les lieux: D'un soin cruel ma joie est ici combattue.

IPHIGENIE.

Hé! mon père, oubliez votre rang à ma vue.
Je prévois la rigueur d'un long éloignement :
N'osez-vous, sans rougir, être père un moment ?
Vous n'avez devant vous qu'une jeune princesse
A qui j'avais pour moi vanté votre tendresse ;
Cent fois, lui promettant mes soins, votre bonté,
J'ai fait gloire à ses yeux de ma félicité :
Que va-t-elle penser de votre indifférence ?
Ai-je flatté ses vœux d'une fausse espérance?
N'éclaircirez-vous point ce front chargé d'ennuis?

Ah, ma fille!

AGAMEMNON.

IPHIGENIE.

Seigneur, poursuivez.

AGAMEMNON.

Je ne puis.

IPHIGENIE.

Périsse le Troyen auteur de nos alarmes !

AGAMEMNON.

Sa perte à ses vainqueurs coûtera bien des larmes.

IPHIGENIE.

Les dieux daignent sur-tout prendre soin de vos jours!

AGAMEMNON.

Les dieux depuis un temps me sont cruels et sourds.

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Calchas, dit-on, prépare un pompeux sacrifice.

AGAMEMNON.

Puissé-je auparavant fléchir leur injustice!

IPHIGENIE.

L'offrira-t-on bientôt ?

AGAMEMNON.

Plus tôt que je ne veux.

IPHIGENIE.

Me sera-t-il permis de me joindre à vos vœux?
Verra-t-on à l'autel votre heureuse famille ?

AGAMEMNON.

Hélas!

IPHIGENIE.

Vous vous taisez.

AGAMEMNON.

Vous y serez, ma fille. (122)

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