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de son cœur s'épanchent avec les auteurs de ses jours; elle les soulage dans les détails des soins de la maison; elle fait peut-être la paix d'un domestique imprudent, elle lui fait peutêtre une exhortation secrète; elle demande peutêtre une grâce pour un autre. Dans un autre temps, elle s'occupe sans ennui des travaux de son sexe, elle orne son ame de connaissances utiles; elle ajoute à son goût exquis les agrémens des beaux arts, et ceux de la danse à sa légéreté naturelle. Tantôt je vois une élégante et simple parure orner des charmes qui n'en ont pas besoin; ici je la vois consulter un pasteur vénérable sur la peine ignorée d'une famille indigente; là, secourir ou consoler la triste veuve et l'orphelin délaissé. Tantôt elle charme une honnête société par ses discours sensés et modestes; tantôt, en riant avec ses compagnes, elle ramène une jeunesse folâtre au ton de la sagesse et des bonnes mœurs. Quelques momens, ah pardonne! j'ose te voir même t'occuper de moi, je vois tes yeux attendris parcourir une de mes lettres, je lis dans leur douce langueur que c'est à ton amant fortuné que s'adressent les lignes que tu traces, je vois que c'est de lui que tu parles à ta cousine avec une si grande émotion. O Julie! ô Julie! et nous ne serions pas unis.

Non, connaissez-le enfin, ma Julie, un éternel arrêt du ciel nous destina l'un pour l'autre ; c'est la première loi qu'il faut écouter; c'est le premier soin de la vie de s'unir à qui doit nous la rendre douce. Je le vois, j'en gémis, tu t'égares dans tes vains projets, tu veux forcer des barrières insurmontables, et négliges les seuls moyens possibles; l'enthousiasme de l'honnêteté t'ôte la raison, et ta vertu n'est plus qu'un délire.

Ah! si tu pouvais rester toujours jeune et brillante comme à présent, je ne demanderais au ciel que de te savoir éternellement heureuse, te voir tous les ans de ma vie une fois, et passer le reste de mes jours à contempler de loin ton asyle, à t'adorer parmi ces rochers. Mais hélas! vois la rapidité de cet astre qui jamais n'arrête; il vole et le temps fuit, l'occasion s'échappe ta beauté, ta beauté même aura son terme : elle doit décliner et périr un jour comme une fleur qui tombe sans avoir été cueillie; et moi cependant je gémis, je souffre; ma jeunesse s'use dans les larmes, et se flétrit dans la douleur. Pense, pense, Julie, que nous comptons déjà des années perdues pour le plaisir. Pense qu'elles ne reviendront jamais; qu'il en sera de même de celles qui nous restent, si nous les laissons échapper encore. O amante aveuglée !

tu cherches un chimérique bonheur pour un temps où nous ne serons plus; tu regardes un avenir éloigné, et tu ne vois pas que nous nous consumons sans cesse, et que nos ames, épuisées d'amour et de peines, se fondent et coulent comme l'eau. Reviens, il en est temps encore, reviens, ma Julie, de cette erreur funeste. Laisse-là tes projets, et sois heureuse. Viens, ô mon amie! dans les bras de ton ami, réunir les deux moitiés de notre être : viens à la face du ciel, guide de notre fuite et témoin de nos sermens, jurer de vivre et mourir l'un à l'autre. Ce n'est pas toi, je le sais qu'il faut rassurer contre la crainte de l'indigence.... J'ai des bras, je suis robuste; le pain gagné par mon travail te paraîtra plus délicieux que les mets des festins. Un repas apprêté par l'amour peut-il jamais être insipide? Ah! tendre et chère amante, dussions-nous n'être heureux qu'un seul jour, veux-tu quitter cette courte vie sans avoir goûté le bonheur?

Je n'ai plus qu'un mot à vous dire, ô Julie! vous connaissez l'antique usage du rocher de Leucate, dernier refuge de tant d'amans malheureux. Ce lieu-ci lui ressemble à bien des égards. La roche est escarpée, l'eau est profonde, et je suis au désespoir. (110)

III. (111)

UNE ISRAELITE.

REVETONS-NOUS d'habillemens

Conformes à l'horrible fête

Que l'impie Aman nous apprête.

TOUT LE CHŒUR.

Arrachons, déchirons tous ces vains ornemens Qui parent notre tête.

UNE AUTRE.

Quel carnage de toutes parts!

On égorge à-la-fois les enfans, les vieillards;

Et la sœur et le frère,

Et la fille et la mère,

Le fils dans les bras de son père !

Que de corps entassés, que de membres épars
Privés de sépulture!

Grand Dieu, tes saints sont la pâture
Des tigres et des léopards!

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UNE DES PLUS JEUNES ISRAELITES.

Hélas! si jeune encore,

Par quel crime ai-je pu mériter mon malheur?

Ma vie à peine à commencé d'éclore :
Je tomberai comme une fleur

Qui n'a vu qu'une aurore,

Hélas! si jeune encore,

Par quel crime ai-je pu mériter mon malheur? (112)

IV. (113)

ATHALI E.

OH ciel! plus j'examine, et plus je le regarde...

C'est lui! D'horreur encor tout mes sens sont saisis.

( montrant Joas. )

Epouse de Joad, est-ce là votre fils?

JOS ABE T.

Qui? lui, madame?

ATHALIE.

Lui.

JO SABE T.

Je ne suis point sa mère.

(montrant Zacharie.)

Voilà mon fils.

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