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donner une idée jufte de la maniere dont les Philofophes Newtoniens expliquent, par le moyen de l'attraction, ce que les Gaffendiftes attribuent au mouvement des atômes.

pas une pareille force, réciproque entre les particules d'huile de vitriol & celles de l'eau, qui faic que l'huile de vitriol tire de l'air une grande quantiré d'eau, & qu'après s'en être faoulée, elle n'en tire plus, & que mife en diftillation, elle ne lâche Peau qu'avec beaucoup de peine? Et lorfque l'eau & l'huile de vitriol, verfées fucceffivement dans un même vaiffeau, acquierent un dégré de chaleur trèsconfidérable en fe mêlant enfemble, cette chaleur ne prouve-t-elle pas que les parties de ces liqueurs font dans un grand mouvement ? & ce mouvement ne prouve-t-il pas que les parties de ces deux liqueurs mêlées enfemble, s'incorporent avec violence,& que par conféquent elles concourent avec un mouvement accéléré? Et lorfque l'eau-forte, ou l'efprit de vitriol, verfé fur la limaille de fer, la diffout avec ébullition & une grande chaleur, n'eft-ce pas un mouvement violent des parties de l'eau-forte, ou de l'efprit de vitriol, qui produit cet ébullition? Er ce mouvement ne prouve-t-il pas que les parties acides de la liqueur fe jettent avec violence fur les parties du métal, & entrent par force dans fes 'pores, jufqu'à ce qu'elles aient pénétré entre les particules extérieures du même métal, & la maffe dont il eft compofé, & qu'en tournant ces particules, elles les détachent de la maffe principale, & les mettent en état de flotter féparément dans la liqueur? Et lorfque les particules acides, qui toutes feules diftilleroient par une douce chaleur, ne peu vent être féparées des particules du métal que par un feu très-violent, cela ne prouve-t-il pas une attraction réciproque entre les particules de la liqueur acide & celle du métal? Nevvton, Traité d'Optique, pag. 130.

Tome 11.

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Vous me demanderez fans doute ce que je penfe de cette attraction, dont tant de gens parlent aujourd'hui. Je pourrois vous dire que cela est dans l'ordre, puifqu'elle jouit des droits de la nouveauté, & que les Savants ne fe laiffent guere moins entraîner au goût de la mode que les Dames. Un Philofophe, auffi ingénieux que favant, femble avoir été de ce fentiment: puifque, felon lui (1), l'attraction & le vuide, bannis de la Phyfique par Defcartes, & bannis pour jamais felon les apparences, y reviennent ramenés par Newton, armé d'une force toute nouvelle, dont on ne les croyoit pas capables, & feulement peut-être un peu déguisés. Quant à moi, s'il m'est permis de dire mon fentiment, j'avoue que je ne puis trouver extraordinaire que bien des gens aient peine à comprendre que des attractions qui ne peuvent avoir leur principe dans l'inpulfion, puifqu'on les fait régner jufques dans le vuide, aient une exiftence réelle & véritable. Ne feroit-il pas

1 Eloges des Académiciens, &c. par M. de Fontenelle, Tom. II. pag. 393.

permis de les regarder comme les êtres de raifon des Scholaftiques? Car, quelque chofe qu'on puiffe dire, il est bien difficile de concevoir que les corps ne puiffent fe mouvoir que par deux raifons, ou par la volonté immédiate de Dieu, ou par la percuffion d'un autre corps. Or les Cartéfiens & les Gaffendiftes n'admettent qu'un principe bien naturel; c'est que Dieu a créé une certaine quantité de mouvement qui fubfifte toujours. Nous voyons réellement les effets de ce mouvement; mais quant à l'attraction générale, il faut la fuppofer par les conjectures, plutôt que par les démonítrations. Par exemple, fi l'on demande à un Cartéfien d'où vient que le fer a comme de lui-même le pouvoir de s'attácher à l'aiman, il répond qu'on fait qu'il fort d'un pôle de l'aiman une matiere infenfible, qui rentre par l'autre pôle en forme de tourbillon, puifqu'on voit le tourbillon tracé tout d'un coup fur de la limaille d'acier. Ce tourbillon attache le fer à l'aiman, on chaffe d'entre le fer & l'aiman la matiere déliée, ou l'air, dont le reffort ou le retour E &

précipité pouffe le fer vers l'aiman. Après avoir expliqué par des raisons auffi plaufibles la jonction du fer & de l'aiman, le Cartéfien conclut qu'il faut donc que la pefanteur qui porte les corps vers un centre commun, & lafermentation qui les agite en tous fens, aient leur principe immédiat dans le mouvement & dans l'impulfion. Si un Newtonien veut expliquer cette difficulté, qu'on peut regarder comme un véritable prodige, il en fera quitte pour dire que les parties du fer fon attirées par celles de l'aiman, parce que l'attraction qui s'y trouve, eft plus forte & lorfqu'on lui demanderà ce que c'est que cette attraction, il dira que c'est une vertu par laquelle les particules des corps s'attirent mutuellement par une force, qui dans le contact immédiat eft extrêmement puiffante, qui, à de petites diftances, produit les opérations chymiques, & par la même raifon la réunion du fer à l'aiman. Si l'on replique, & que l'on demande une feconde fois d'où vient cette vertu ? On répondra que c'eft par l'attraction; mais fera-t-on beaucoup mieux instruit?

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Pour moi, je ne le crois pas ; cependant il y a des gens, qui paffent même pour fort favants, qui n'ont là-dessus aucun doute. Ne pourroit-on pas leur appliquer ce que dit M. de Fontenelle (1): Lufage perpétuel du mot d'attraction, foutenu d'une grande autorité, & ,, peut-être auffi de l'inclination qu'on croit fentir à M. Newton pour la chofe même, familiarife du moins les Lecteurs avec une idée prefcrite ,, par les Cartéfiens, & dont tous les » autres Philofophes avoient ratifié la ,, condamnation. Il faut être présente,, ment fur fes gardes, pour ne lui pas » imaginer quelque réalité; on eft ex"pofé au péril de croire qu'on l'entend.

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Vous ne fauriez penfer, Madame, à combien de gens il eût été utile de profiter de ces derniers mots. Il n'est rien de fi commun que de voir aujourd'hui des perfonnes, s'imaginer de comprendre ce que c'est que cette attraction, auffi parfaitement que les vérités les plus claires. Il eft vrai qu'il y a parmi les plus célebres difciples de Newton

1 Eloges des Académiciens Fontenelle, Tom. II. pag. 302.

› &c. par M. de

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