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DES

RÉPUBLIQUES ITALIENNES

DU MOYEN AGE

PAR

J. C. L. SIMONDE DE SISMONDI

NOUVELLE ÉDITION.

TOME HUITIÈME.

Paris

FURNE ET C, LIBRAIRES-ÉDITEURS

55, RUE SAINT-ANDRÉ-DES-ARCS;

TREUTTEL ET WURTZ, LIBRAIRES

17, RUE DE LILLE.

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DES

RÉPUBLIQUES ITALIENNES

DU MOYEN AGE.

CHAPITRE I.

Charles VIII abandonne le royaume de Naples; il traverse Rome et la Toscane; il s'ouvre un passage à Fornovo, malgré les confédérés, et parvient jusqu'à Asti. Il traite à Verceil avec le duc de Milan, délivre le duc d'Orléans, assiégé dans Novare, et repasse les Alpes.

1495.

Quelque mépris que Charles VIII et sa cour eussent conçu pour la nation italienne depuis leur facile victoire, ils avaient senti cependant qu'ils avaient besoin de s'assurer l'affection du peuple pour maintenir dans l'obéissance le royaume qu'ils avaient conquis. Charles VIII avait en effet cherché à le gagner par une ordonnance qui, réduisant les impôts à ce qu'ils étaient au temps des rois angevins, déchargeait le royaume de

VIII.

1

près de deux cent mille ducats de contributions'; mais comme il avait accordé cette grâce avec la légèreté qui le caractérisait, sans calculer les besoins de l'état, ni les rapports entre les revenus et les dépenses, il n'inspira par elle aucune confiance, d'autant plus qu'on voyait dans tout le reste de son administration la rapacité de tous ses subordonnés, leur désordre et leur mépris absolu pour toutes les lois et les coutumes de la nation. Le royaume de Naples était la seule contrée de l'Italie où les institutions féodales eussent conservé une grande vigueur; Alfonse I les avait confirmées par de nouvelles concessions qu'il avait faites aux gentilshommes. Les provinces dépendaient presque absolument de la noblesse; et pour s'assurer du royaume, il fallait, ou gagner l'affection des grands, en conservant l'organisation antique, ou rendre les communes indépendantes d'eux, et en les affranchissant, leur donner une importance qu'elles n'avaient encore jamais eue. Mais les Français, n'écoutant que leurs préjugés, étaient plutôt disposés à augmenter l'esclavage du tiers-état ; et cependant ils avaient offensé toute la noblesse.

Après avoir publié son édit sur la remise des impositions, le roi ne s'occupa plus que des fêtes et des tournois où il croyait briller; et tous ses courtisans ne songèrent qu'aux moyens les plus rapides de faire leur fortune. Ils demandaient avec importunité tous les emplois, tous les titres, tous les fiefs demeurés à la disposition de la couronne ; et Charles VIII, qui ne savait rien refuser, leur accordait souvent ce dont il n'avait pas le droit de disposer; il envahissait les propriétés particulières, et blessait dans leurs intérêts ou dans leurs affections les peuples dont il disposait si légèrement. Cette inconsidération lui fit perdre les deux villes de Tropéa et Amantéa, qui, plutôt que de se soumettre au seigneur de

1 Fr. Guicciardini. Lib. 11, p. 89. - Mémoires de Phil. de Comines. Liv. 11, ch. XVI, p. 230.

Précy, auquel il les avait données, relevèrent les bannières d'Aragon'. Il ne songea point à réduire ces deux villes lorsqu'il le pouvait bientôt après, les Espagnols débarqués de Sicile y mirent garnison; d'autres s'établirent à Reggio en Calabre on relevait de même les enseignes d'Aragon en Pcuille, où l'on ne voyait point arriver de troupes françaises, et où l'on était déjà averti de la signature de la ligue et de la prochaine arrivée d'Antonio Grimani avec la flotte vénitienne; enfin Otrante ouvrit ses portes à don Frédéric, qui avait établi son quartier-général à Brindes2.

Mais c'était surtout la haute noblesse qui était mécontente. Une partie de ce corps puissant croyait avoir acquis des droits à la reconnaissance des Français par son long dévouement à la maison d'Anjou, une autre faisait valoir ses services tout récents, et même la facilité avec laquelle elle avait abandonné le parti d'Aragon auquel elle avait été attachée. Les uns et les autres, accoutumés à être connus, à ètre craints de leurs souverains, comptaient sur de puissants souvenirs, dans un pays où tant d'affections et tant de haines étaient héréditaires. Ils étaient humiliés et offensés de voir que ni le roi, ni aucun seigneur français, ne connaissaient leurs noms, et leurs anciens intérêts ou leurs anciens services. Obligés d'expliquer sans cesse ce qu'ils étaient, ce qu'ils avaient droit de prétendre, et les injustices qu'on leur faisait, ils ne trouvaient personne qui les écoutât, qui les comprît, qui les aidât à faire redresser leurs torts; et avant qu'ils eussent obtenu raison d'un premier passe-droit, un nouvel édit du roi, une nouvelle concession qu'il faisait à quelque seigneur français leur apportait une nouvelle offense. Lorsqu'ils voulaient parvenir à Charles VIII, ils avaient la plus grande peine à obtenir audience on les laissait languir dans les antichambres, et quand

1 Mémoires de Phil. de Comines. Liv. VII, chap. XVI, p. 226. — 2 Ibid. Liv VII, chap. I, p. 262. - Fr. Belcarii Comment, Rer, Gallic. Lib. VI, p. 155.

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