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poraine. Ancien Régime et Révolution.

L'expérience constitutionnelle. Le roi Louis-Philippe, corrupteur du parlementarisme. - La curée sous la monarchie de Juillet. fin de la royauté parlementaire.

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La

Comparaison entre deux Chambres. Choses vues. La chasse aux places. Le

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Bottin de l'Assiette-au-beurre

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Tocqueville, disait Sainte-Beuve, est un auteur si distingué et dont la réputation gagnera tellement dans l'avenir, qu'on ne doit pas craindre d'insister et d'appuyer à son sujet '.

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Tocqueville a d'autant plus « gagné » que la plupart de ses prédictions se sont réalisées, et qu'il a été vraiment prophète en son pays.

1. Nouveaux Lundis, t. XI, p. 330.

LE MALAISE DE LA DÉMOCRATIE.

1

Le comte Alexis

Tocqueville, en son vivant ministre des Affaires étrangères de la République, membre de Académie française et de l'Académie des sciences morales et politiques, député de l'arrondissement de Valognes, a perdu, depuis sa mort, quelque chose de son prestige aux yeux des gens qui ne l'ont pas lu.

On riait, à la Comédie-Française, lorsque Mi. Suzanne Reichenberg, au premier acte du Monde où l'on s'ennuie, récitait, de sa voix aigreTette, ces mots que lui avait soufflés M. Édouard 'Pailleron :

Ce que le vulgaire appelle du temps perdu est bien souvent du temps gagné, comme a dit M. de Tocqueville 1.

On a ri, le 12 janvier 1897, sur divers bancs de la Chambre des députés, lorsque le vénérable comte Anatole Lemercier, doyen de cette assemblée, fit entendre, du haut de son fauteuil présidentiel, cette apostrophe:

Il nous faut, mes chers collègues, évoquer les grands noms de Montesquieu et de Tocqueville, pour répéter, après eux, que les démocratics ont plus besoin que les autres gouvernements de pratiquer la vertu 2!...

Apparemment, les personnes peu averties se représentent feu M. de Tocqueville sous les traits d'un ancêtre solennel, empesé dans son faux-col,

1. Le monde où l'on s'ennuie, acte I, scène V.

2. Journal officiel (13 janvier 1897).

cravaté d'un triple tour de batiste blanche, majestueux par ses besicles, redoutable par ses sentences, inépuisable en dissertations, bref l'incarnation parfaite de l'ancien Centre-gauche.

C'est là une caricature par trop burlesque. Le comte de Tocqueville n'a pas pu être le vieillard fàcheux que l'on s'imagine, puisqu'il est mort le 16 avril 1859, ayant à peine cinquante-trois ans, ce qui est, de l'aveu de tout le monde, un âge peu avancé.

Sans doute, il avait, comme la plupart de ses contemporains, comme ses amis Gustave de Beaumont, Royer-Collard, Dufaure, Lanjuinais, Rémusat, un certain souci de tenue extérieure, inspiré surtout par le respect que tout homme doit témoigner à ses semblables. Il pensait, comme René Descartes, qu'il faut se soumettre aux coutumes de bienséance communément approuvées par l'opinion de la majorité. Il n'eût pas adopté, pour siéger à la Chambre, le burnous du docteur Grenier, ni la blouse de Thivrier ni peut-être certains complets >> << complets » qui valent ce burnous et cette blouse. Mais il n'était ni compassé, ni rogue. Probablement régulier dans ses mœurs, sobre dans ses repas, fidèle à ses amitiés, religieux observateur de la parole donnée, médiocrement intrigant, il ne faisait pas, de son « austérité » une profession, ni de sa « respectabilité » une carrière. Ceux qui l'ont connu et M. Eugène d'Eichthal,

son biographe, affirment qu'il était honnête autant qu'aimable '. A l'encontre du préjugé commun, qui lui attribue volontiers les froideurs d'un doctrinaire gourmé, il était doué d'un tempérament plutôt fougueux. Il se vantait d'avoir quelquefois le « diable au corps », et il plaignait ceux qui ne connaissent pas les bienfaits de cet indispensable diable. « On ne réussit à rien, écrivait-il au fils d'un de ses amis, on ne réussit à rien, surtout dans la jeunesse, si l'on n'a pas un peu le diable au corps!» Et il ajoutait, pour donner à son jeune correspondant une idée de ses emportements juvéniles « A votre age, j'aurais entrepris de sauter par-dessus les tours de Notre-Dame, si j'avais su trouver de l'autre côté ce que je cherchais! >>

2

M. de Tocqueville aimait les arts et encourageait délicatement les artistes, parce qu'il croyait que l'art doit être la parure de la Démocratie, et que toutes les républiques ne sont pas nécessairement béotiennes. Un soir de l'année 1844, Frédéric et Théodore Chassériau étaient en visite chez lui, 11, rue de Castellane.

Votre frère est bien triste, dit-il à Frédéric.
En effet, lui répondit celui-ci, on lui refuse

1. Alexis de Tocqueville et la Démocratie libérale, par E. d'Eichthal, 4 vol.

2. Correspondance d'Alexis de Tocqueville, t. 1, p. 469. M. d'Eichthal dit très justement: « Tocqueville fut sauvé de la tristesse par la passion » (ouv. cité, p. 14).

la commande d'une décoration murale dans un monument de Paris.

De qui cela dépend-il?

· Du ministre de l'Intérieur.

Qu'à cela ne tienne. Je m'en charge. Tranquillisez votre frère.

En ce temps-là, M. Vitet, député de Bolbec, posait sa candidature à l'Académie française, au fauteuil laissé vacant par la mort de M. Étienne. Or, M. Vitet était l'ami intime du comte Duchâtel, ministre de l'Intérieur. M. de Tocqueville était académicien. Lorsque M. Vitet vint lui faire la visite à laquelle les candidats aux palmes vertes sont obligés par le règlement, M. de Tocqueville lui dit :

C'est donnant donnant; vous aurez ma voix, mais Chassériau aura sa muraille.

C'est ainsi que Théodore Chassériau obtint la permission de décorer à fresques l'escalier de l'ancienne Cour des Comptes '.

Alexis-Charles-Henri Clérel de Tocqueville naquit à Paris, le 29 juillet 1805.

Son père, le comte de Tocqueville, homme robuste dont les cheveux avaient blanchi à cause de la Révolution, fut, sous la monarchie restaurée, préfet de la Moselle, de la Somme et de Seine-et

1. Valbert Chevillard, Théodore Chassériau, 1 vol., p. 126-127.

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