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en égalant l'enfant de l'adultere à l'enfant légitime, en encourageant légalement le vice et la séduction, au point d'assigner des pensions sur l'Etat aux filles-meres : la dénomination ne sera jamais oubliée; elle a été publique, authentique comme la loi, qui n'a cessé d'exister que depuis qu'un gouvernement réparateur s'occupe d'effacer par degrés les opprobres qui l'ont précédé. C'est la religion qui a consacré, d'après la Nature, le pouvoir paternel; c'est elle seule qui l'a fortifié de la sanction divine; c'est elle qui seule a fait de l'obéissance filiale et des devoirs des enfans l'objet d'un commandement précis, émané de la bouche de Dieu même. Ce sont des philosophes, et nommément Helvétius et Diderot, qui ont anéanti, autant qu'il était en eux, et l'autorité sacrée des peres et meres, et les devoirs des enfans; et si d'un côté l'on voit ici les premieres bases de toute société, et de l'autre leur entier renversement, qui osera nier que ses bases ne soient ici dans la religion, et que leur renversement ne soit dans cette doctrine insensée et perverse qui gardera à jamais le nom de philosophie du dix-huitieme siecle, et qu'un de ses coryphées, Rousseau, a poussé jusqu'à condamner formellement la société en elle-même, comme la dépravation de notre nature et l'unique cause de tous nos maux ; tandis que la religion en a seule établi et sanctionné les lois, et consacré les pouvoirs qui en font la stabilité.

Je ne m'arrêterai point à démêler ce qu'il y a de captieux dans l'usage équivoque que fait continuellement Voltaire des mots de plaisir et d'amourpropre ce qui est certain, c'est que dans tout ce discours il n'est question que du plaisir physique; et quand il dit en propres termes, en parlant de Dieu :

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Par le seul mouvement il conduit la matiere; Mais c'est par le plaisir qu'il conduit les humains.... il ne s'aperçoit même pas (tant il connaît peu langage de la vraie philosophie) que le plaisir dont il parle n'est aussi que le mouvement, avec la seule différence du mouvement animal au mouvement des corps inanimés. Il ne se doutait pas non plus, quand il faisait ce vers sur le plaisir :

Les mortels, en un mot, n'ont point d'autre moteur.... que bientôt après un de ses disciples, Helvétius, ferait un gros livre dont ce vers pouvait être l'épigraphe; et que, quand on réfuterait ce livre, fondé sur cet insoutenable sophisme, les philosophes de sa secte, alors élevés en puissance, mais que cette puissance même aurait déjà perdus dans l'opinion, et perdus sans retour, n'oseraient pas seulement essayer de défendre l'ouvrage, et l'abandonneraient aussi honteusement qu'ils l'avaient préconisé.

et

Mais aussi, loin de moi l'exemple de ces détracteurs si mal-adroitement hypocrites, qui affectent de montrer de l'aversion pour l'erreur, qui ne font que dévoiler leur haine naturelle pour le talent et la célébrité, qui regardent comme une inconséquence d'admirer le talent de Voltaire en détestant son impiété, et poussent leur bêtise effrontée jusqu'à ne vouloir pas qu'il ait été grand poëte, parce qu'il n'a pas été chrétien. Ils seront démasqués ailleurs, ces prétendus amis de la religion, qu'ils ne connaissent pas mieux qu'ils ne la servent, puisqu'ils appellent l'artifice, le scandale et la calomnie à la défense de la loi divine qui les a en horreur, et qui est la vérité par essence. De tels hommes sont plus coupables peut-être et à coup sûr plus méprisables que les philosophes qu'ils feignent de combattre, et qui du moins ne se cachent pas de haïr toujours ce qu'ils n'ont pu

et ne pourront jamais renverser. Pour le présent, je ne ferai d'autre réponse à ces étranges chrétiens, que celle-ci :

Perrault disait, à propos d'une piece de vers qu'il croyait digne du prix, et qu'on soupçonnait être de son ennemi Despréaux, quoiqu'elle n'en fût pas : Quand elle serait du diable, elle mérite le prix et l'aura. Et moi de même, si Satan avait fait de belles tragédies, je dirais : Satan est l'ennemi de Dieu, mais il est bon poëte, et si je maudis Satan, j'estime sa bonne poésie; et pourquoi donc ne dirais-je pas de Voltaire ce que je dirais de Satan?

Voici donc la fin de ce discours, dont le fond est jusqu'icitrès-mauvais en philosophie: vous allez voir qu'il ne l'est point du tout en poésie, et surtout dans ce dernier morceau, qui tombe directement (quelle que fut l'intention de l'auteur) sur les Stoïciens et les Jansénistes, et nullement sur les disciples de l'Evangile.

Vous qui vous élevez contre l'humanité,
N'avez-vous jamais lu la docte antiquité?
Ne connaissez-vous point les filles de Pélie ?
Dans leur aveuglement voyez votre folie.
Elles croyaient dompter la Nature et le Tems,
Et rendre leur vieux pere à la fleur de ses ans,
Leurs mains par pitié dans son sang se plongerent;
Croyant le rajeunir ses filles l'égorgerent,
Voilà votre portrait, stoïques abusés :

Vous voulez changer l'homme et vous le détruisez.
Usez, n'abusez point; le sage ainsi l'ordonne.
Je fuis également Epictete et Pétrone.
L'abstinence ou l'excès ne fit jamais d'heureux.
Je ne conclus donc pas, orateur dangereux,
Qu'il faut lâcher la bride aux passions humaines :
De ce coursier fougueux je veux tenir les rênes.
Je veux que ce torrent par un heureux secours
Sans inonder mes champs, les abreuve en son cours.
Vents, épurez les airs, et soufflez sans tempêtes;
Soleil, sans nous brûler, marche et luis sur nos têtes.
Ne sont-ce pas là de beaux mouvemens et de

belles images? Je supprime les derniers vers, non qu'ils ne soient pas bons, mais comme se rappor tant à l'aventure de Francfort, qui ne fait rien ici, et qui m'entraînerait dans un détail étranger à notre objet, sur ces plaintes ameres substituées à de pompeux éloges du roi de Prusse, qui auparavant terminaient ce discours.

FIN DU TOME DOUZIEME.

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Sect. V. De d'Hele, d'Anseaume, de Poin-
sinet, de quelques pieces françaises du
théâtre appelé Italien, et du recueil de
Gherardi..

CHAPITRE VIII.

105

136

Sect. I. Des paradoxes de Fontenelle,
Lamotte, Trublet, etc. en littérature et
en poésie, considérés comme les premiers
abus de l'esprit philosophique dans le dix-
huitieme siecle.

Sect. II. Des odes de Lamotte.

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137

208

Sect. III. Odes et Poésies sacrées de Le-
franc de Pompignan.

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Sect. IV. De quelques autres

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254

odes de

différens auteurs, de Racine le fils, de
Malfilatre, de Thomas, etc.

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308

355

Sect. V. Du Discours en vers et de l'Epître,
et de leurs différentes especes.

FIN DE LA TABLE.

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