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de plus que lui, et qui a supporté avec affection l'imbécillité de son enfance. S'il avait un frère plus âgé que lui seulement de douze ou quinze ans, il aurait pour lui des égards particuliers; à plus forte raison, pour un père dont il a reçu tant de leçons utiles ! Une mère ne deviendra jamais la compagne de sa fille; son âge s'y oppose. La mère a beau mettre comme elle des fleurs, des plumes et des rubans couleur de rose, elle ne sera point Minerve déguisée sous le nom de Mentor; elle ne paraîtra à tous les yeux qu'un chaperon en mascarade *, ce qui n'inspirera ni la re

Je ne suis pas sûre qu'aujourd'hui comme autrefois, tout le monde, sans exception, connaisse la signification du mot chaperon ainsi, je crois devoir dire ici qu'un chaperon était jadis une mère ou une parente d'un certain âge, qui introduisait

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connaissance ni la gaîté. Les femmes', parmi nous, autrefois, quittaient la danse, les fleurs et les plumes à trentequatre ou trente-cinq ans au plus tard, et presque toutes prenaient à quarante ans une coiffe noire. De nos jours, à cet âge, elles se couronnent de roses. Il est de certains visages qui supportent fort mal ce genre de constance; on s'en moque, ce qui ne dispose pas à respecter ces mêmes personnes lorsqu'elles ont atteint la vieillesse.

Depuis la révolution, j'ai entendu souvent des mères répéter que le tutoiement rend les enfans plus ten

une jeune personne dans le monde. Cette dernière, pendant les deux premières années de son début, n'y pouvait décemment paraître seule quoique mariée, car on n'y entrait point sans cette condition.

dres, et qu'ils deviennent ainsi de vrais amis. Si cela est, on fait là un mauvais marché; car la piété filiale vaut mieux que la simple amitié. Pourquoi vouloir dénaturer ce sentiment, si beau, si élevé, qu'il est le seul auquel on ait donné le nom de piété? Par conséquent, on peut dire sans exagération que les devoirs, les hommages rendus à nos

* Un jour que j'avais du monde chez moi, cette thèse y fut soutenue avec beaucoup de vivacité : un de mes élèves, présent à cette discussion, et qui était alors âgé de vingt ans (Casimir Baecker), y mit fin par un mot qui fut justement remarqué. Il commença par convenir que la différence est en effet très-grande entre l'enfant qui tutoie et celui qui ne se permet pas cette familiarité. Le dernier, poursuivit-il, avoue ses faiblesses à sa mère; le premier lui conte ses fredaines. Cette distinction est juste et charmante.

parens sont si sacrés, qu'ils forment une sorte de culte.

Voici l'espèce de prépondérance que les vieilles femmes avaient jadis dans la société. Il fallait, en général, pour l'acquérir, de l'esprit et une bonne maison. Avec ces deux avantages, qui, réunis, n'étaient jamais communs, on devenait véritablement les oracles de la société. On citait particulièrement de mon temps madame la marquise de Puysieux-Sillery, née Louvois *, et la maréchale de Luxembourg. Ces deux dames étaient cousines germaines, nées le même jour et dans le même hôtel; mais leur jeunesse s'était écoulée d'une manière bien différente. Toutes deux avaient en la beauté la plus remarquable; on trouvait

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* Petite-fille du grand Louvois.

même quelque ressemblance entre leurs figures. Il n'y en eut aucune dans leur

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conduite celle de madame de Puysieux fut, à tous égards, un modèle de perfection; la maréchale de Luxembourg fit oublier les erreurs de sa jeunesse par une piété exemplaire, une charité sans bornes, et enfin l'éducation de madaine la duchesse de Lauzun, sa petite-fille. Tous les étrangers de distinction se faisaient présenter chez ces deux personnes, ainsi que tous les débutans à la cour et dans le grand monde. Il fallait, pour y réussir, obtenir préalablement leur approbation. Elles n'attaquaient ni l'honneur ni la réputation; mais elles jugeaient en dernier ressort l'esprit, le ton et les manières. Des géns d'un âge mûr les consultaient souvent sur des usages, des procédés tenant à la dé

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