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» Mais l'usage le plus adroit que Vous >> ayez pu faire de vos richesses, a été, dit-on, de vous attacher, par les liens » de l'intérêt, un grand nombre de >>> créatures toujours prêtes à publier » vos louanges et à défendre vos plus » médiocres productions. A Fun, vous >> abandonniez une édition de la Hen» riade, à condition qu'il y mît une » préface pompeuse, où il vous plaçait, » sans façon, au-dessus de Virgile. Vous » n'épargniez ni offres, ni promesses à » un autre, s'il voulait être le colpor» teur de vos libelles les plus licen >> cieux. A celui-ci, vous faisiez la pro» position généreuse d'aller vivre au» près de vous, en récompense de ce » qu'il avait désavoué une critique judi>>> cieuse de votre poëme sur la Loi » naturelle, ou bien pour engager sa

» plume panégyriste à faire votre éloge » de votre vivant. Vous montriez à >> ceux-là l'agréable perspective de >> votre testament, pourvu qu'ils ne

perdissent pas courage et qu'ils per>> sistassent à vous mettre au-dessus » de Corneille, de Racine, et de tous » les poètes qui ont été et qui seront.

» Un grand point était d'avoir à votre » disposition les bouches journalières » de la renommée, pour en être loué » tous les mois par extraits. Quelques» unes vous furent facilement vendues, » et gagnèrent en conscience leur sa»laire. D'autres osèrent conserver une » voix libre dans leurs jugemens: ce » sont celles-là que vous avez accusées » d'être vénales; et tous ces reproches >> dont vous accablez un certain journa»liste, de faire payer sa plume à ceux

» qu'il loue, viennnent, dit-on encore, » de ce qu'il est resté constamment » incorruptible à toutes vos avances, » quelque considérables, quelque sé» duisantes et quelque sincères qu'elles » fussent.

>>> Si vous le voulez, monsieur, je suis » prêt à ne pas croire certains bruits » qui assurent que vous avez employé >> plus d'une fois votre bourse à acqué» rir des ouvrages dont vous êtes de» venu le propriétaire sans en être l'au»teur, et qui n'ont pas peu contribué à » votre réputation. Ce sont des faits que » je révoque en doute, parce qu'ils ne » sont pas faciles à prouver, et que » vous n'avez sûrement pas fait des >> contrats authentiques pour cette sorte d'acquisition.

» Une chose qu'il serait plus aisé

» de dévoiler, c'est le manége et les >> intrigues dont on vous accuse d'avoir >> semé votre carrière, soit pour étouf>> fer les succès de vos rivaux, soit pour » augmenter le bruit et l'éclat des vô» tres; mais il faudrait des volumes » pour raconter toutes ces disputes se>>crètes ou publiques, ces tracasseries, » ces perfidies. Abandonnons à ceux » qui seront assez méchans pour écrire » fidèlement votre vie, tous ces traits >> dont l'assemblage ne vous peindra pas » à la postérité sous des couleurs bien >> favorables. En vain avez-vous dit que » la postérité se souciait peu qu'un au»teur célèbre eût été honnête homme, » et qu'elle ne le jugeait que par ses » écrits: comme il est impossible que » le génie se rencontre avec les mau

»vaises qualités du coeur; comme, se»lon vous-même,

Un esprit corrompu ne fut jamais sublime.

>> Craignez que la postérité ne trouve, » dans le tableau de votre vie, des lu>> mières qui l'éclaireront sur vos, ou»vrages, et qui l'empêcheront d'être » éblouie, par exemple, de tout cet étalage d'humanité que vous affectez à » tout propos. Elle reconnaîtra bientôt » que votre âme, et par conséquent le » génie, n'était presque jamais pour rien » dans tous ces beaux sentimens que » vous exprimiez avec emphase .

» Un trait sur lequel je crois devoir >> m'arrêter, c'est ce mélange d'hypocri» sie et d'audace que vous avez si bien

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