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QUATRIÈME SOUPER.

La maréchale de Luxembourg, la duchesse de Lauzun, la comtesse d'Egmont, la marquise de Lutzbourg, le comte de Sérent, le chevalier de Boufflers, l'abbé de Mably, M. Clément.

LA MARÉCHale.

M. Clément est-il assis commodément? La petite table et les lumières sont-elles bien posées ?

*

Depuis duc, et si connu par son noble caractère et ses principes religieux, et le même qui a déjà paru dans le souper précédent.

M. CLÉMENT.

Oui, madame, et je n'ai rien à désirer ici que de l'indulgence; je dois prévenir ces dames que je commencerai ma lecture par l'extrait de mes premières lettres, quoiqu'elles aient été imprimées, parce qu'il est nécessaire de se les rappeler pour bien comprendre celles qui suivent.

LA MARECHALE.

Tant mieux; car alors vous serez forcé de nous donner plus de lectures.

LA COMTESSE d'egmont.

Nous y gagnerons tous.

LA MARECHALE.

A présent, écoutons.

M. CLÉMENT, déployant son manuscrit, lit tout haut.

Première lettre à M. de Voltaire*.

« Vous savez, monsieur, que j'étais, » il il y a quinze ans, un de vos plus ar» dens admirateurs. Je sortais à peine » de l'enfance, et la réputation dont >> vous jouissiez mettait vos ouvrages » dans les mains de tout le monde. Je >>>ine sentais un goût très-vif pour les >>> lettres; vos livres firent mes premiè» res études, je les dévorais ; leur lec» ture agréable, légère, si séduisante » pour un âge plus épris du brillant » que du beau, dégoûtait mon esprit » de toute autre lecture et d'un ali» ment plus nourrissant et plus solide. » Enfin

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vous m'aviez enivré, et je

*M. de Voltaire vivait.

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grossissais la foule immense de ceux » qui vous barbouillent de leur encens.

» J'étais sincère alors; je ne le suis » pas moins aujourd'hui, quoique je » pense différemment, non que j'aie

l'injustice de tomber dans un autre » excès, et de refuser à vos talens le » tribut d'estime qui leur est dû. La » raison et le goût qui m'ont ouvert les » yeux sur les défauts de vos écrits » m'empêchent aussi de les fermer sur >> leurs beautés.

>> C'est donc à vous-même, mon» sieur, que j'ai voulu m'adresser pour >> vous rendre raison de mon change» ment à votre égard; c'est avec vous >> que j'entreprends d'examiner vos ou»vrages; je vous proposerai mes ré» flexions; je vous prendrai même » quelquefois pour mon juge dans vo

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» tre propre cause, et s'il arrivait que » je me fusse trompé, je recevrais de » vous avec reconnaissance tout ce qui » pourrait m'éclairer et m'instruire.

» Quelques personnes m'avaient con»seillé de ne point donner de votre vi>> vant cet examen de vos écrits: on me » disait qu'il était un peu dur de tour>>menter votre vieillesse; mais il me >> semble au contraire qu'il est plus gé» néreux de vous exposer franchement » mes idées, tandis que vous pouvez >> encore les combattre; on me faisait >> envisager aussi que j'allais m'exposer » à tout votre courroux, et qu'il ne » fallait pas m'attendre à moins de » votre part qu'aux emportemens » les plus violens, aux épithètes les >> plus injurieuses, aux plus calomnieu>> ses imputations; heureux si j'en étais

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