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jeûne ordonné par le prince; chacun revêtu du cilice et couvert de cendres donne toutes les marques d'une douleur efficace et prompte. Enfin, la réformation des mœurs est si générale, que la prophétie s'accomplit à la lettre: Et Ninive subvertetur; puisque selon la belle réflexion de saint Chrysostome, ce n'est plus cette Ninive débordée, que Dieu avoit en abomination, mais une Ninive toute nouvelle et toute sainte, édifiée sur les ruines de la première. Et par qui? par le ministère d'un seul homme qui a parlé, et qui, plein de l'esprit de Dieu, a sanctifié des milliers d'hommes dont il a brisé les cœurs. Voilà, disoit le Fils de Dieu aux juifs incrédules, le miracle qui vous condamnera et qui confondra votre impénitence; et je dis à tout ce qu'il y a de chrétiens endurcis dans leur libertinage; voilà le miracle que le Saint-Esprit vous propose comme la figure d'un autre miracle encore plus étonnant, encore plus au-dessus de l'homme, encore plus capable de vous convaincre et de vous élever à Dieu. Ecoutez-le sans prévention, et vous en conviendrez.

Le miracle de la prédication de Jonas étoit un signe pour les juifs; mais en voici

un pour vous, que je regarde comme le miracle du Christianisme. Heureux, si je puis par mes paroles l'imprimer profondément dans vos esprits! C'est la conversion, non plus d'une ville, ni d'une province, mais d'un monde entier, opérée par la prédication de l'Evangile, et par la mission d'un plus grand que Jonas, qui est l'HommeDieu, Jésus-Christ: Et ecce plus quàm Jonas hic. Ne supposons point qu'il est Dieu, mais oublions-le même pour quelque temps: il ne s'agit pas encore de ce qu'il est, mais de ce qu'il a fait. Qu'at-il fait? en deux mots, chrétiens, ce que nous ne comprendrons jamais assez, et ce que nous devrions éternellement méditer. Donnez-moi grâce, Seigneur, pour le mettre ici dans toute sa force par un récit aussi touchant qu'il sera exact et fidèle. Jesus-Christ, le Fils de Marie, et réputé Fils de Joseph, cet homme dont les juifs demandoient s'il n'étoit pas le Fils de cet artisan: Nonne hic est filius fabri? entreprend de changer la face de l'univers, et de purger le monde de l'idolâtrie, de la superstition, de l'erreur, pour y faire régner souverainement la pureté du culte de Dieu. Dessein digne de lui, mais vaste et immense; et toutefois dessein dont vous allez voir le succès. Pour cela, qui choisit

il? douze disciples grossiers, ignorans, foibles, imparfaits; mais qu'il remplit tellement de son esprit, que dans un jour, dans un moment, il les rend propres à l'exécution de ce grand ouvrage.

En effet, de grossiers, et pour user de son expression, de lents à croire qu'ils étoient, par la vertu de cet Esprit qu'il leur envoie du ciel, il en fait des hommes pleins de zèle et pleins de foi. Après les avoir persuadés, il s'en sert pour persuader les autres. Ces pêcheurs, ces hommes foibles, que l'on regardoit, dit saint Paul, comme le rebut du monde, tamquàm purgamenta hujus mundi, fortifiés de la grâce de l'apostolat, partagent entre eux la conquête et la réformation du monde. Ils n'ont point d'autres armes que la patience,point d'autres trésors que la pauvreté, point d'autre conseil que la simplicité; et cependant ils triomphent de tout. Ils prêchent des mystères incroyables à la raison humaine, et on les croit. Ils annoncent un Evangile opposé contradictoirement à toutes les inclinations de la nature, et on le reçoit. Ils l'annoncent aux grands de la terre, aux doctes et aux prudens du siècle, à des mondains sensuels, voluptueux, et l'on s'y soumet. Ces grands reçoivent la loi de ces pauvres, ces doctes se laissent con

vaincre par ces ignorans, ces voluptueux et ces sensuels se font instruire par ces nouveaux prédicateurs de la Croix, et se chargent du joug de la mortification et de la pénitence. De tout cela se forme une chrétienté si sainte, si pure, si distinguée par toutes les vertus, que le même se trouve forcé à l'admirer.

paganisme

Ce n'est pas tout ; et ce que j'ajoute vous doit encore paroître plus surprenant: car à peine la foi publiée par ces douze apôtres a-t-elle commencé à se répandre, qu'elle se voit attaquée de mille ennemis. Toutes les puissances de la terre s'élèvent contre, elle. Un Dioclétien, le maître du monde, veut l'anéantir, et s'en fait un point de politique: mais malgré lui, malgré les plus violens efforts de tant d'autres persécuteurs du nom chrétien, elle s'établit si solidement, cette foi, que rien ne peut plus l'ébranler. Des millions de martyrs la défendent jusques à l'effusion de leur sang; des gens de toutes les conditions font gloire d'en être les victimes, et de s'immoler pour elle; des vierges sans nombre, dans un corps tendre et délicat, lui rendent le même témoignage, et souffrent avec joie les tourmens les plus cruels. Elle s'étend, elle se multiplie, non-seulement dans la Judée où elle a pris naissance; mais jusques

aux extrémités de la terre, où, dès le temps de saint Jérôme (c'est lui-même qui le remarque comme une espèce de prodige), le nom de Jésus-Christ étoit déjà révéré et adoré, non-seulement parmi les peuples barbares, mais parmi les nations les plus polies; dans Rome, où la Religion d'un Dieu crucifié se trouve bientôt la Religion dominante; dans le palais des Césars, où Dieu pour l'affermissement de son Eglise, au milieu de l'iniquité, suscite les plus fervens chrétiens: enfin, observez ceci, dans le plus éclairé de tous les siècles, dans le siècle d'Auguste, que Dieu choisit pour marquer encore davantage le caractère de cette loi, qui seule devoit surmonter toute la prétendue sagesse de l'homme et tout l'orgueil de sa raison.

Avouons-le, mes chers auditeurs, avec saint Chrysostome: quand la Religion chrétienne, dès son berceau, auroit trouvé dans le monde toute la faveur et tout l'appui nécessaire; quand elle seroit née dans le calme, par mille autres endroits, elle ne laisseroit pas d'être toujours l'œuvre de Dieu. Mais qu'elle se soit établie dans les persécutions, ou plutôt par les persécutions, et qu'il soit vrai qu'elle n'a jamais été plus florissante que lorsqu'elle a été plus violemment combattue; que le sang

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