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esprits et vos cœurs. Je fais aujourd'hui, chrétiens, pour vous le même souhait et la même prière. Puisque vous avez reçu cette paix, prenez soin de la conserver et qu'elle vous conserve vous-mêmes dans les saintes dispositions où vous êtes devant Dieu Pax Dei custodiat corda vestra et intelligentias vestras in Christo Jesu. Mais d'où vient que le Fils de Dieu ne se contenta pas de donner une fois la paix à ses apôtres, et que dans une même apparition,

il leur dit deux fois et dans les mêmes termes: Pax vobis. C'est une circonstance que saint Chrysostôme a remarquée dans l'Evangile, et cette circonstance n'est pas sans mystère or, c'est ce mystère que je vais vous développer, après que nous aurons rendu à Marie, comme à la reine de la paix, l'hommage ordinaire. Ave, Maria.

Je ne sais, chrétiens, si vous avez pris garde à ces deux paroles de saint Paul: Pax Dei custodiat corda vestra et intelligentias vestras; Que la paix de Dieu conserve vos cœurs, corda vestra, et qu'elle possède vos esprits, intelligentias vestras. Pourquoi l'apôtre souhaitoit-il aux Philippiens ce double avantage; l'un par rapport à l'esprit, l'autre par rapport au cœur? C'est, répond saint Chrysostôme, que, pour éta

blir dans l'homme une paix parfaite, il faut la mettre également dans les deux puissances de son ame, c'est-à-dire, dans son esprit et dans son cœur. La paix du cœur doit nécessairement être précédée de la paix de l'esprit, et la paix de l'esprit ne peut être constante sans la paix du cœur : il faut donc pacifier l'esprit de l'homme, en lui ôtant toutes les inquiétudes qu'il peut avoir dans la recherche de la vérité; et il faut pacifier son cœur, en le dégageant de tous les désirs qui le tourmentent dans la recherche de son repos. Voilà, mes chers auditeurs, tout le mystère de notre Evangile. Le Sauveur du monde ne se contente pas de dire une fois à ses disciples: Pax vobis, la paix soit avec vous; il le leur redit une seconde fois dans la même apparition, parce qu'il veut leur donner cette double paix qui fait toute la perfection de l'homme, la paix de l'esprit et la paix du cœur. Mais par quelle voie l'homme peut-il espérer d'avoir l'une et l'autre? Ah! chrétiens c'est encore le secret, et le secret admirable que notre Evangile nous découvre ; car j'y trouve la paix de l'esprit solidement établie dans la soumission à la foi: Beati qui non viderunt et crediderunt; et j'y trouve la paix du cœur parfaitement conservée dans l'assujettissement à la loi de

Dieu: Dominus meus et Deus meus. Comprenez, s'il vous plaît, les deux propositions que j'avance. Le Sauveur du monde dit à saint Thomas, que bienheureux sont ceux qui croient sans avoir yu; et saint Thomas répond au Sauveur du monde, qu'il est son Seigneur et son Dieu. Croire ce que l'on ne voit pas, c'est soumettre la raison à la foi, et reconnoître l'empire et le domaine du Fils de Dieu; c'est vouloir obéir à sa loi : or, dans ces deux devoirs. sont contenus les deux grands principes de la paix; car, en soumettant ma raison à la foi, je me procure la paix de l'esprit, et en m'assujettissant à la loi de Dieu, je me mets en possession de la paix du cœur. En deux mots, n'espérons pas que notre esprit soit jamais tranquille tandis que nous l'abandonnerons à la conduite de notre raison, et n'espérons pas plus que notre cœur soit jamais content tandis qu'il s'abandonnera lui-même à ses passions. Il faut que la foi gouverne notre esprit si nous voulons qu'il soit dans le calme, c'est la première partie; il faut que la loi de Dieu règne dans notre cœur si nous voulons qu'il jouisse d'un bonheur solide, c'est la seconde: deux vérités importantes qui feront le partage de ce dernier discours.

Ire PARTIE. C'EST une question que les pères de l'Eglise ont traitée avec autant de force que de subtilité, savoir pourquoi Dieu ayant créé l'homme raisonnable, il n'a pas voulu dans la chose la plus essentielle, qui est la Religion, le conduire par la raison, mais par la foi. Saint Augustin dit que Dieu en a usé de la sorte pour l'intérêt de sa propre gloire : car, de même qu'un maître ne veut pas que ses serviteurs entreprennent d'examiner sa conduite, particulièrement sur les affaires les plus secrètes et les plus importantes de sa maison, aussi étoit-il de la grandeur de Dieu que l'homme, qui n'est qu'un néant, ne présumât pas d'entrer en raisonnement avec lui sur ce qu'il y a de plus caché et de plus impénétrable dans les desseins de sa providence et dans l'ordre de ses jugemens. C'est ainsi que parle saint Augustin. En effet, il faut convenir que cette obéissance que nous rendons à Dieu par la foi est un hommage dû à la souveraineté infinie de son être: mais, s'il est honorable et glorieux à Dieu de gouverner l'homme par la foi, je soutiens, avec le docteur angélique saint Thomas, qu'il n'est pas moins avantageux à l'homme d'être conduit par cette voie. Pourquoi? non-seulement, parce que la conduite de la foi est plus méritoire pour

l'homme que celle de la raison; non-seulement, parce que sans la foi nous ignorerions bien des mystères et bien des vérités qui surpassent notre raison; non-seulement, parce qu'il y a peu d'esprits capables d'acquérir par la seule raison une connoissance de Dieu telle que nous la devons avoir : d'où il s'ensuit que Dieu n'auroit pas pourvu la plupart des hommes d'un moyen suffisant pour le bien connoître, et que la plupart des hommes demeureroient sans Religion, si Dieu, au défaut de la raison, ou plutôt pour fortifier et pour éclairer la raison, n'avoit établi la foi; mais surtout, parce qu'en matière de Religion, il est impossible, quelqu'intelligens que nous puissions être, que nous trouvions jamais le repos de notre esprit hors d'une humble soumission à la foi.

Principe qui me paroît incontestable : car, donnez-moi un homme déterminé à ne croire que ce qu'il lui plaît, et à ne déférer jamais à la foi; sur quoi s'appuyerat-il pour se mettre dans cette situation qui rend un esprit calme et tranquille? Ou il vivra dans l'indifférence par rapport à la Religion, comme les libertins et les impies, ou il se fera une Religion particulière, selon ses vues, comme les sages mondains et les philosophes. S'il vit dans une indiffé

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