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rendront sa simplicité toute-puissante. Il ira, cet ignorant dans l'art de bien dire, avec cette locution rude, avec cette phrase qui sent l'étranger, il ira en cette Grèce polie, la mère des philosophes et des orateurs; et malgré la résistance du monde, il y établira plus d'Eglises que Platon n'y a gagné de disciples par cette éloquence qu'on a crue divine: il prêchera Jésus dans Athènes; et le plus savant de ses sénateurs passera de l'Aréopage en l'école de ce barbare. Il poussera encore plus loin ses conquêtes: il abattra aux pieds du Sauveur la majesté des faisceaux romains en la personne d'un proconsul, et il fera trembler. dans leurs tribunaux les juges devant lesquels on le cite. Rome même entendra sa voix; et un jour cette ville maîtresse se tiendra bien plus honorée d'une lettre du style de Paul, adressée à ses citoyens, que de tant de fameuses harangues qu'elle a entendues de son Cicéron.

Et d'où vient cela, chrétiens? C'est que Paul a des moyens pour persuader, que la Grèce n'enseigne pas, et que Rome n'a pas appris. Une puissance surnaturelle, qui se plait de relever ce que les superbes méprisent, s'est répandue et mêlée dans l'auguste simplicité de ses paroles. De là vient que nous admirons dans ses admirables

Epîtres une certaine vertu plus qu'humaine, qui persuade contre les règles, ou plutôt qui ne persuade pas tant, qu'elle captive les entendemens; qui ne flatte pas les oreilles, mais qui porte ses coups droit au cœur. De même qu'on voit un grand fleuve qui retient encore, coulant dans la plaine, cette force violente et impétueuse qu'il avoit acquise aux montagnes d'où il tire son origine; ainsi cette vertu céleste, qui est contenue dans les écrits de SaintPaul, même dans cette simplicité de style, conserve toute la vigueur qu'elle apporte du ciel, d'où elle descend.

C'est par cette vertu divine que la simplicité de l'apôtre a assujetti toutes choses. Elle a renversé les idoles, établi la Croix de Jésus, persuadé à un million d'hommes de mourir pour en défendre la gloire: enfin dans ses admirables Epîtres elle a expliqué de si grands secrets, qu'on a vu les plus sublimes esprits, après s'être exercés long-temps dans les plus hautes spéculations où pouvoit aller la philosophie, descendre de cette vaine hauteur, où ils se croyoient élevés, pour apprendre à bégayer humblement dans l'école de Jésus-Christ, sous la discipline de Paul.....

SERMON

DE MASSILLON,

SUR LA VÉRITÉ DE LA RELIGION.

(Prononcé le premier jeudi de Carême.)

Amen dico vobis, non inveni tantam fidem in Israel.

Je vous dis en vérité, je n'ai pas trouvé une si grande foi dans Israël. Matth. 8, 10.

D'ou venoit donc l'incrédulité que JésusChrist reproche aujourd'hui aux juifs? et quel sujet pouvoient-ils avoir de douter encore de la sainteté de sa doctrine et de la vérité de son ministère ? Ils avoient demandé des miracles, et il en avoit opéré à leurs yeux de si convaincans, que personne avant lui n'en avoit fait de semblables. Ils avoient souhaité que sa mission fût autorisée par des témoignages: Moïse et les prophètes lui en avoient rendu; le

précurseur avoit dit hautement : Voilà le Christ, et l'agneau qui efface les péchés du monde; un gentil rend gloire dans notre Evangile à sa toute-puissance; le Père céleste du haut des airs avoit déclaré qué c'étoit là son Fils bien-aimé; enfin les démons eux-mêmes, frappés de sa sainteté ne sortoient des corps qu'en confessant qu'il étoit le saint et le Fils du Dieu vivant. Que pouvoit encore opposer l'incrédulité des juifs à tant de preuves et de prodiges?

Voilà, mes frères, ce qu'on pourroit demander aujourd'hui à ces esprits incrédules, lesquels après l'accomplissement de tout ce qui avoit été prédit, après la consommation des mystères de Jésus-Christ, l'exaltation de son nom, la manifestation de ses dons, la vocation des peuples, la destruction des idoles, la conversion des Césars, le consentement de l'univers, doutent encore, et entreprennent eux seuls de contredire et de renverser ce que les travaux des hommes apostoliques, le sang de tant de martyrs, les prodiges de tant de serviteurs de Jésus-Christ, les écrits de tant de grands hommes, les austérités de tant de saints anachorètes, et la Religion de dix-sept siècles ont si universellement et si divinement établi dans l'esprit de presque tous les peuples,

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Car, mes frères, au milieu des triomphes de la foi s'élèvent encore en secret parmi nous des enfans d'incrédulité, que Dieu a livrés à la vanité de leurs pensées, qui blasphèment ce qu'ils ignorent; des hommes impies qui changent, comme dit un apôtre, le grâce de notre Dieu en luxure, souillent leur chair, méprisent toute domination, blasphèment la majesté, corrompent toutes leurs voies comme des animaux sans raison; et sont réservés à servir un jour d'exemple aux jugemens terribles de Dieu sur les hommes.

Or, si parmi tant de fidèles que la Religion assemble en ce lieu, il se trouvoit quelque ame de ce caractère; souffrez, vous, mes frères, qui conservez avec respect le dépôt de la doctrine que vous avez reçue des mains de vos ancêtres et de vos pasteurs, que je me serve de cette occasion, ou pour les détromper, ou pour les combattre ; souffrez que je fasse ici une fois ce que les premiers pasteurs de l'Eglise faisoient si souvent devant leur peuple assemblé c'est-à-dire, que j'entreprenne l'apologie de la Religion de Jésus-Christ contre l'incrédulité; et qu'avant que de vous instruire de vos devoirs durant cette longue carrière, je commence par jeter les premiers fondemens de la foi. Il est si consolant pour

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