Quelqu'un s'est-il trompé, c'est moi qui suis coupable : Je n'ai, vous le savez, que vous pour protecteur ; Fortune, mobilier, contrats, rentes, écus, Vous avez donné tout, excepté vos vertus. DUPRÉ. Tais-toi je n'aime pas qu'ainsi l'on exagère. : COMTOIS. Cela devient trop fort, je ne puis plus me taire. Quelle est, dites-le-moi, leur conduite envers vous? DUPRÉ. Qui? Dervière ! COMTOIS. Oui d'ailleurs c'est le plus grand avare! Tu méconnais, Comtois, ses bonnes qualités : COMTOIS. Oui, mais s'il faut payer jamais il ne souscrit. DUPRÉ. Dans les journaux encore on le vante aujourd'hui. COMTOIS. Les articles tout faits sont envoyés par lui. Il a poussé si loin l'ardeur philanthropique, Qu'il nourrit tous ses gens de soupe économique. Qu'il a tout récemment tiré de son cerveau? Pas encor. Quel est-il ? DUPRÉ. COMTOIS. Pour les temps de disette, Il vient d'imaginer un projet de diète. Le régime est léger; pourtant, si je le crois, DUPRÉ. L'idée est singulière et l'invention neuve. COMTOIS. Eh bien, c'est moi qu'il prend pour en faire l'épreuve. Se peut-il? DUPRÉ. COMTOIS. Oui, monsieur. Le charitable humain Eh bien! s'il a des torts, ma fille les répare. COMTOIS. Ah! sans doute, monsieur, je pense ainsi que vous; DUPRÉ. Tu n'imagines pas combien elle m'est chère : Je crois dans tous ses traits revoir sa pauvre mère. COMTOIS. Oui l'on connaît pour vous sa bonne volonté, D'après notre traité, chez mes gendres je dois Eh bien c'est aujourd'hui que nous changeons d'asile; Nous logerons ce soir ici, chez Dalainville; Je viens l'en prévenir. COMTOIS. Ah! c'est bien pis vraiment : C'est changer de maison sans changer de tourment. DUPRÉ. Pourquoi ne vas-tu pas porter plainte, à ma fille? COMTOIS. Moi, monsieur? lorsque vous, bon père de famille, Elle a facilement adopté les travers. Le désir, de briller, l'amour de la parure Font taire dans son cœur la voix de la nature. Elle vous aime au fond; mais cent futilités Occupent tout son temps. Si vous vous présentez, Le jour de votre fête elle n'est point venue; Le soir elle jouait dans l'Amour filial; Et vous concevez bien qu'une aussi grande affaire Non c'en est fait, monsieur, je n'y puis plus tenir. DUPRÉ. Je te laisse, Comtois, le maître de partir. COMTOIS. Qu'entends-je? mon cher maître! oh! que je suis coupable! Dans un pareil moment, qui, moi, je partirais ! Je pourrais m'abaisser à cette ingratitude! Non, monsieur: dût mon sort être cent fois plus rude, Faut-il vous l'avouer, monsieur! votre air tranquille Vous étiez malheureux, et vous n'en disiez rien; Le vieillard Dupré a cédé toute sa fortune à ses deux gendres, Dalainville, ambitieux intrigant, et Dervière, tartufe de philanthropie et de bienfaisance. Il doit passer six mois de l'année chez l'un et six mois chez l'autre. Mais ces ingrats le traitent bientôt avec mépris et dureté. d'eux qu'il a la conversation suivante. DUPRÉ, DER VIÈRE. DERVIÈRE. C'est avec l'un Au! mon père, c'est vous! quel moment pour mon cœur! Ce plan que nuit et jour dès longtemps je médite Est enfin adopté. DUPRÉ. Je vous en félicite. DERVIÈRE. Vous sentez que pour moi c'est un brillant succès: DUPRÉ. Et d'un projet si beau qu'espérez-vous, mon gendre? DERVIÈRE. Les malheureux n'ont plus de larmes à répandre. Et de tous les fléaux dont le ciel irrité DUPRÉ. C'est fort beau. Vous pourriez, dans cette circonstance, Donner un libre cours à votre bienfaisance. DERVIÈRE. Parlez, que dois-je faire? est-il des malheureux ? DUPRÉ. Il s'agit d'un parent que le malheur accâble: DERVIÈRE. Hélas! dans ce moment, cela m'est impossible. DUPRÉ. Eh! vous allez bien loin chercher des malheureux, |