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HENRI, de qui les yeux & l'image facrée Font un vifage d'or à cet âge ferrée,

Ne refuse à mes voeux un favorable appuy:
Et fi pour ton autel ce n'est chose assez
grande,
Penfe qu'il eft fi grand, qu'il n'auroit point d'of-
frandes,

S'il n'en recevoit point que d'égales à luy.
[mes,
La foy, qui fut au cœur d'où fortirent ces lar-
Eit le premier effay de tes premières armes ;
Pour qui tant d'ennemis à tes pieds abatus,
Pafles ombres d'enfer, pouffiere de la terre,
Ont connu ta fortune, & que l'art de la guerre
A moins d'enfeignemens que tu n'as de vertus.

[re,

De fon nom de rocher, comme d'un bon auguUn éternel eftat l'Eglife fe figure; Et croit par le deftin de tes juftes combats, Que ta main relevant fon épaule courbée Un jour qui n'eft pas loin, elle verra tombée La troupe qui l'affaut, & la veut mettre bas.

Mais le coq a chanté pendant que je m'arreste A l'ombre des lauriers qui t'embrassent la teste Et la fource déja, commençant à s'ouvrir, A lasché les ruiffeaux qui font bruire leur trace, Entre tant de malheurs eftimant une grace, Qu'un Monarque fi grand les regarde courir.

Ce miracle d'amour, ce courage invincible, Qui n'efpéroit jamais une chofe poffible Que rien finist fa foy que le mefme trépas, De vaillant fait couard, de fidéle fait traiftre, Aux portes de la peur abandonne fon maistre, Et jure impudemment qu'il ne le connoift pas

A peine la parole avoit quitté fa bouche, Qu'un regret auffi promt en fon ame le touche: Et mefurant fa faute à la peine d'autrui, Voulant faire beaucoup, il ne peut davantage Que foupirer tout bas, & fe mettre au visage Sur le feu de fa honte une cendre d'ennui.

Les arcs qui de plus près fa poitrine joignirent; Les traits qui plus avant dans le fein l'atteigniCe fut quand du Sauveur il fe vit regardé. [rent: Les yeux furent les arcs, les euillades les flèches, Qui percèrent fon ame,& remplirent de brèches Le rempart qu'il avoit fi laschement gardé.

Cet affaut, comparable à l'éclat d'une foudre ̧ Pouffe & jette d'un coup fes défenfes en poudre: Ne laiffant rien chez lui que le même penfer D'un homme qui tout nud de glaive & de couraVoit de fes ennemis la menace & la rage, [ge, Qui le fer à la main le viennent offenfer.

[ terre, Ces beaux yeux fouverains qui traversent la Mieux que les yeux mortels ne traversent le verEt qui n'ont rien de clos à leur jufte couroux, [re, Entrent victorieux en fon ame étonnée, Comme dans une place aux pillage donnée, Et luy font recevoir plus de morts que de cous.

[tes, La mera dans le fein moins de vagues couranQu'il n'a dans le cerveau de formes differentes: Et n'a rien toutefois, qui le mette en repòs : Car aux flots de la peur fa navire qui tremble, Ne trouve point de port, & toujours il lui femble Que des yeux de fon maiftre il entent ce propos:

Et bien, où maintenant eft ce brave langage? Cette roche de foy? cet acier de courage? Qu'eft le feu de ton zèle au befoin devenu? Ou font tant de fermens qui juroient une fable? Comme tu fus menteur, fuis-je pas veritable ? Et que t'ay-je promis qui ne foit avenu?

[chent; Toutes les cruautez de ces mains qui m'attaLe mépris effronté que ces bourreaux me craLes preuves que je fais de leur impiété, [chent; Pleines également de fureur & d'ordure; Ne me font une pointe aux entrailles fi dure, Comme le fouvenir de ta déloyauté.

Je fay bien qu'au danger les autres de ma fuite Ont u peur de la mort, & fe font mis en fuite. Maistoi, que plus que tous j'aimai parfaitement, Pour rendre,en meniant,ton offenfe plus grande, Tu fuis mes ennemis, t'affembles à leur bande, Et des maux qu'ils me font prens ton ébatement.

Le nombre eft infini des paroles empreintes Que regarde l'Apoftre en ces lumieres faintes. Et celui feulement que fous une beauté

Les feux d'un œuil humain ont rendu tributaire,
Jugera fans mentir quel effet a pu faire
Des rayons immortels l'immortelle clarté.

Il est bien affuré que l'angoiffe qu'il porte Ne s'emprisonne pas fous les clés d'une porte, que de tous coftez elle fuivra fes pas: Mais pour ce qu'il la voit dans les yeux de fon maistre,

Et

Il fe veut abfenter, efperant que peut-estre
Il la fentira moins en ne la voyant pas.

La place lui déplaift, où la troupe maudite Son Seigneur attaché par outrage dépite : Et craint tant de tomber en un autre forfait, Qu'il eftime déja fes oreilles coupables [bles, D'entendre ce qui fort de leurs bouches dannaEt fes yeux d'affifter aux tourmens qu'on lui fait.

Il part: & la douleur qui d'un morne filence Entre les ennemis couvroit fa violence, Comme il fe voit dehors a fi peu de combas, Qu'il demande tout-haut que le fort favorable Lui faffe rencontrer un ami fecourable, Qui, touché de pitié, lui donne le trépas.

En ce piteux eftat il n'a rien de fidèle Que fa main, qui le guide où l'orage l'appelle. Ses pieds,comme fes yeux,ont perdu la vigueur. Il a de tout confeil fon ame dépourveue: Et dit, en foupirant, que la nuit de fa veue Ne l'empefche pas tant que la nuit de fon coeur,

Sa vie, auparavant fi chèrement gardée, Lui femble trop long temps ici-bas retardée. C'eft-elle qui le fâche, & le fait confumer. Il la nomme parjure: il la nomme cruelle: Et toujours fe plaignant que fa faute vient d'elle, Il n'en veut faire conte, & ne la peut aimer.

Va; laiffe-moi; dit-il, va, déloyale vie ; Si de te retenir autrefois j'eus l'envie, Et fi j'ai defiré que tu fufles chez moi, Puifque tu m'as efté fi mauvaise compagne, Ton infidèle foi maintenant je dédagne; Quitte-moi, je te prie, je ne veux plus de toi,

Sont-ce tes beaux deffeins, menfongere & méchante, Qu'une fegonde fois ta malice m'enchante; Et que pour retarder une heure seulement La nuit déja prochaine à ta courte journée, Je demeure en danger que l'ame, qui est née Pour ne mourir jamais, meure éternellement ?

Non, ne m'abuse plus d'une lafche penfée: Le coup encore frais de ma chute paffée Me doit avoir appris à me tenir debout; Et favoir difcerner de la trève la guerre ; Des richeffes du ciel les fanges de la terre; Et d'un bien qui s'envole, un qui n'a point de bout.

Si quelqu'un d'avanture en délices abonde,
Il fe pert auffi-toft, & déloge du monde.
Qui te porte amitié, c'est à lui que tu nuis.
Ceux qui te veulent mal, font ceux que tu con-
ferves.

Tu vas à qui te fuit ; & toujours le réserves
A fouffrir, en vivant, davantage d'ennuis.

On voit par ta rigueur tant de blondes jeunefles,

Tant de riches grandeurs, tant d'hureufes vieilleffes,

En fuyant le trépas au trépas arriver:

Et celui qui chétif aux mifères fuccombe,
Sans vouloir autre bien que le bien de la tombe,
N'ayant qu'un jour à vivre, il ne peut l'ache-

ver.

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