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Ainsi, leur genre, qui est le vrai genre, n'est point épuisé, puisqu'on n'a pu les égaler encore.

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Après cet ouvrage, fait pour servir de suite aux Dîners du baron d'Holbach, on sera quitte de mes critiques sur la prétendue philosophie moderne. Non-seulement mon âge s'y oppose, car il ne promet plus que le silence, et le plus profond de tous !... mais d'ailleurs, quand on a tout dit, ou du moins à peu près, il faut savoir s'arrêter. Je puis dire ici, avec une parfaite vérité, que dans cette controverse, que j'ai soutenue pendant plus d'un demi-siècle, ma plume n'a jamais été conduite le moindre sentiment de rancune ou par d'animosité dans tous les temps, je n'ai été guidée que par l'intérêt de la jeunesse. Il est un faux héroïsme qui, s'il existait, ne serait que de l'impassibilité. Puisqu'il est doux d'être aimé, il est cruel d'être haï, et l'injustice, loin d'atténuer ce malheur, l'augmente encore. Je crois que la grandeur d'âme consiste à sentir l'offense dans toute son étendue, à en gémir, et à ne jamais balancer à la pardonner. Ce qu'il y a de certain, c'est que si les auteurs, dont, pour l'intérêt public, j'ai si constamment attaqué les ouvrages, m'eussent, durant le cours de cette longue querelle, demandé secrètement des preuves non équivoques du pardon de leurs injures et de leurs calomnies, je n'aurais pas hésité à le leur accorder, et je ne m'en serais jamais vantée.

Vous montrez dans la conversation, M. le Vicomte, un si bon goût littéraire, que je suis sûre que vous aimerez les critiques de M. Clément elles sont calmes, toujours rai

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tion de Portugal; le second, qui conçut l'idée d'un ouvrage historique aussi instructif qu'intéressant, et qui l'exécuta avec autant de talent que d'impartialité, la Rivalité de la France et de l'Angleterre.

ÉPITRE DÉDICATOIRE.

viij sonnables, et d'une justesse qui a été généralement reconnue. Il en fit dans plusieurs maisons un grand nombre de lectures, qui eurent le plus éclatant succès. Lorsque je donnai Adèle et Théodore, je fis dans cet ouvrage l'éloge des Lettres (par l'abbé Guenée) de quelques juifs à M. de Voltaire : ces lettres, d'un ton si parfait, mais qui montraient à la fois tant de modération, de lumière et de science, étaient alors complètement oubliées; on en fit sur-le-champ une nouvelle édition, et leur réputation s'est toujours soutenue depuis. Je voudrais avoir le même honneur pour les lettres de M. Clément; ce serait rendre à la jeunesse un service inappréciable.

J'ai dû peindre la maréchale de Luxembourg sous les traits les plus nobles et les plus brillans; c'est ainsi que je l'ai vue depuis mon entrée dans le monde jusqu'à sa mort. Comme elle avait beaucoup de bontés pour moi, et qu'elle était devenue l'oracle du goût et le modèle le plus exemplaire de la charité chrétienne, qu'enfin ses égaremens dataient du temps de la régence, je n'ai connu de sa vie que ce qu'on en pouvait louer, et je n'ai écouté qu'avec beaucoup de peine et de distraction ce qu'on disait de sa première jeunesse.

Agréez, M. le Vicomte, l'expression des sentimens si vrais que je vous ai voués, et qui vous sont dus à tant de titres, et avec lesquels j'ai l'honneur d'être,

Monsieur le Vicomte,

Votre très-humble et très-obéissante servante, ́

DUCREST, COMTESSE DE GENLIS.

INTRODUCTION.

bik Mother & Bugchardium
UNOHEN, Burgstrasse 5.

Je crois que, de tous les siècles de notre histoire, le dix-huitième a été le plus favorable aux vieilles femmes, sans même en excepter ceux de la chevalerie. Dans ces derniers, les jeunes personnes reçurent de la galanterie des ` rôles éclatans; la jeunesse et la beauté exercèrent un empire presque souverain : cet empire exigeait des mœurs et de la vertu, qui en assurèrent long-temps la durée; mais il était fondé aussi sur des agrémens frivoles; il dut nécessairement dégénérer et finir. Il n'y avait nulle exaltation dans l'espèce de domination que les vieilles femmes du dix-huitième siècle s'étaient arrogée dans la société, ou, pour mieux dire, qu'on leur accordait d'un consentement unanime, et qui tenait surtout au respect filial, dont les démonstrations étaient

générales alors. On n'aurait point vu s'établir cet ordre de choses, si les jeunes personnes non mariées eussent été dans le monde et aux spectacles, et si elles eussent, ainsi que leurs frères, tutoyé leurs père et mère, grand-père et grand'mère. Les jeunes gens introduits chez les parens de leurs amis, recevaient d'eux, à cet égard, l'exemple d'un profond respect, et le suivaient *.

On a donné une telle extension aux idées

d'égalité, qu'on a trouvé simple et naturel de les appliquer aux pères, mères et enfans. Cependant c'est une chose impossible; un jeune homme ne peut jamais regarder comme son

Ce respect était poussé si loin, que les personnes les plus riches et les plus grands seigneurs se trouvaient toujours convenablement logés, lorsqu'ils l'étaient chez leurs parens. M. le comte de Boulainvilliers, prévôt de Paris, était immensément riche; il possédait l'un des plus beaux hôtels de Paris; il maria l'une de ses filles à un homme de la cour qui avait de la fortune et un très-beau nom (M. le baron de Crussol). Il logea les nouveaux mariés, et ce fut dans une petite chambre meublée de l'indienne la plus commune, et sans garde-robe. Il y avait dans un coin de la chambre un rideau toujours tiré qui cachait les meubles nécessaires en ce genre; et cet établissement, qui scandaliserait tant aujourd'hui, n'étonna personne et ne fut nullement critiqué.

égal l'homme qui a communément trente ans de plus que lui, et qui a supporté avec affection l'imbécillité de son enfance. S'il avait un frère plus âgé que lui seulement de douze ou quinze ans, il aurait pour lui des égards particuliers; à plus forte raison, pour un père dont il a reçu tant de leçons utiles ! Une mère ne deviendra jamais la compagne de sa fille; son âge s'y oppose. La mère a beau mettre comme elle des fleurs, des plumes et des rubans couleur de rose, elle ne sera point Minerve déguisée sous le nom de Mentor; elle ne paraîtra à tous les yeux qu'un chaperon en mascarade *, ce qui n'inspirera ni la reconnaissance ni la gaîté. Les femmes, parmi nous, autrefois quittaient la danse, les fleurs et les plumes à trente-quatre ou trente-cinq ans au plus tard, et presque toutes prenaient à qua

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Je ne suis pas sûre qu'aujourd'hui comme autrefois, tout le monde, sans exception, connaisse la signification du mot chaperon ainsi, je crois devoir dire ici qu'un chaperon était jadis une mère ou une parente d'un certain âge, qui introduisait une jeune personne dans le monde. Cette dernière, pendant les deux premières années de son début, n'y pouvait décemment paraître seule, quoique mariée, car on n'y entrait point sans cette condition.

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