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LE COMTE.

Le plus heureux; l'hymen a couronné une flamme si belle, et j'ai eu la joie de donner le festin de noce; la nouvelle mariée surtout y fut . ineffable; la pudeur et l'amour se plurent à l'embellir de leurs charmes enchanteurs!...

LE CHEVALIER.

J'espère que vous avez fait l'épithalame?

LE COMTE.

Non, et malheureusement vous n'étiez pas là pour me suppléer; quels beaux vers vous auriez faits sur un tel sujet!

LE CHEVALIER.

Il y avait en effet de quoi mettre en verve...
LA MARÉCHAle.

A propos, chevalier, parlez-nous donc de votre voyage de Suisse, et surtout de celui de Ferney.

LE CHEVALIER.

J'ai laissé le patriarche* en parfaite santé, car par ses éclats de voix, il faisait fortement retentir les voûtes de sa salle à manger.

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LA MARÉCHAle.

C'est un bien mauvais ton de conversation.

LE CHEVALIER.

Il crie toujours, mais particulièrement à table; il y passe tout le temps à gronder ses domestiques, et c'est toujours avec une voix

tonnante *.

LA MARÉCHALE.

Voilà de singulières manières.

LE CHEVALIER.

Les bons Helvétiens lui en passent bien d'autres.....

LA MARÉCHALE.

Dites-moi pourquoi on l'appelle patriache?

LA COMTESSE.

Apparemment pour la pureté de ses mœurs.

*Voyez les Souvenirs de Félicie, dans lesquels on a peint très-naïvement le dîner de M. de Voltaire. Quand la première édition de cet ouvrage parut, M. de Félez, dans le Journal des Débats, fit de ce petit récit sur Ferney l'éloge le plus flatteur. Si l'on trouve de l'amour-propre à rappeler cet éloge, l'auteur se flatte que du moins on ne lui reprochera pas de s'en être vantée précipitamment.

LE COMTE.

L'innocence et la simplicité de sa vie.

LE CHEVALIER.

La bonhomie, la bénignité de son caractère.

LA MARÉCHALE.

Et ses enfans et petits-enfans, dont vraisemblablement on le voit toujours entouré!...

LA COMTESSE.

Il faut convenir que jamais surnom n'a été donné plus déraisonnablement.

LE CHEVALIER.

Ce que les chefs des encyclopédistes méprisent le plus, après la religion, les souverains, les lois et la morale, c'est la raison.

LA COMTESSE, regardant à sa montre.]

Juste ciel!.... savez-vous l'heure qu'il est ?

LE CHEVALIER.

Je ne m'en doute même pas.

LA COMTESSE, s'adressant à la maréchale.

Et vous avez trente-deux montres.

LE CHEVALIER.

Elles sont bien inutiles ici.

LA MARECHALE.

Oui, quand vous y êtes tous les trois..... Et moi suis-je excusable avec mes trente-deux montres!.... et ma grosse pendule qui a eu la galanterie de s'arrêter avant minuit *.

LA COMTESSE.

Je vous dirai grossièrement, qu'il est deux heures cinq minutes.

LE COMTE.

Cela est en effet très-grossier, puisque c'est nous chasser,

LA COMTESSE, se levant.

Allons, allons il faut nous séparer, je suis obligée d'aller demain matin à Versailles.

LA MARÉCHALE.

Et moi à Trianon....

*Elle avait trente-deux montres, qu'elle faisait porter avec elle dans toutes les maisons de campagne où elle allait passer seulement quelques jours.

LE COMTE.

Et moi à la revue....

LE CHEVALIER.

Et moi à la répétion d'un opéra de Gluck..........

(Ils prennent tous les trois congé de la maréchale et sortent. )

FIN DU PREMIER SOUPER.

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