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L'ABBÉ.

J'aimerais mieux une nouvelle bien faite

qu'un joli roman.

LE CHEVALIER,

D'abord, la nouvelle a l'avantage d'être beaucoup plus courte.

L'ABBÉ.

Sérieusement parlant, une nouvelle marche au but; si elle en a un moral, cela seul est un grand bien; elle instruit mieux, elle applique moins, elle exclut nécessairement tous les verbiages; que d'avantages réunis et surtout dans une lecture qui est toujours un peu frivole.

LE PRÉSIDENT.

Il est vrai qu'il est bien ridicule de s'appliquer profondément en lisant un roman, ou même un poëme.

L'ABBÉ.

Il le faut bien pourtant, pour s'en rappeler; les nombreux personnages, les lieux, les incidens, les détails, etc. Dans une nouvelle, on ne profane point ainsi l'application; ce genre demande particulièrement ce qui cons

titue l'art de bien écrire, la clarté, le naturel, la précision sans sécheresse.

LA MARECHALE.

Je ne vous promets pas que monsieur *** remplisse toutes ces conditions, mais j'espère que du moins il ne nous ennuira pas.

FIN DU DOUZIÈME SOUPER

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Les auteurs, avant de commencer leur lecture, font toujours un petit préambule qui leur sert de préface; je me contenterai de dire ce qu'une bonne mère dit jadis à ses enfans * pour les dégoûter de lire des contes de fées mes enfans, je vous ait fait un conte dont tous les événemens vraisemblables sont de mon invention, et dont tout le merveilleux est vrai **.

(Il déploie son manuscrit. Tout le monde forme un cercle en se rapprochant autour de lui. Il lit.)

* Dans les Veillées du château.

* Une notice renvoyée à la fin de ce volume prouvera l'authenticité de ces faits merveilleux

ISAURE ET PAMPHILE,

OU

LE MUET ET L'AVEUGLE PAR AMOUR.

NON loin de la ville antique de Toulouse, étaient situés deux vieux châteaux, à peu de distance l'un de l'autre ; ils appartenaient à deux familles différentes, et qui, par cette po- sition, semblaient devoir être unies entre elles par les liens d'une tendre amitié ; elles l'étaient en effet, et plus d'une fois des alliances de famille consacrèrent et resserrèrent, par la parenté, les noeuds de cette amitié de voisinage. Les deux châteaux formaient, par leur parfaite ressemblance, deux espèces de jumeaux d'architecture gothique; ils étaient l'un et l'autre flanqués de quatre grosses tours, et précédés d'une avenue de marroniers, d'un pont-levis

ceau,

donnant sur des étangs, et d'un grand pont de pierre on les désignait communément sous les surnoms de château du nord et de château du midi. Dans le premier, habitait le jeune Pamphile, fils du marquis de Burnère, qui était aux Indes depuis plus de deux ans; dans l'autre château se trouvait la charmante Isaure, âgée de dix-sept ans. Isaure, orpheline dès le berétait déjà célèbre dans la province, par sa beauté, ses grâces ingénues, sa bonté, sa douceur et tous les talens qu'on pouvait avoir dans ce temps; elle avait une jolie voix, elle chantait agréablement en s'accompagnant du luth : nul musicien ne passait près du chảteau du midi sans s'y arrêter et sans demander à être introduit près des dames châtelaines; car Isaure vivait dans cette solitude sous la conduite d'une vieille grand'mère dont elle était l'idole. Tout le monde admirait l'harmonie semblable à celle des châteaux qui se trouvait entre Isaure et Pamphile. Ce dernier était beau comme un ange; il n'avait que vingt-cinq ans; il aimait les arts, il composait les paroles et la musique de presque toutes les romances que chantait Isaure. Avec une telle conformité de goûts, de caractère et d'existence, il n'était

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