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justement, les lettres de Voiture; mais j'espère que celle-ci ne trouvera point de censeur.

LE CHEVALIER.'

Ni malheureusement d'imitateur.

LE MARECHALE.

De nos jours, une telle confiance serait si ridicule!......... Mais, d'ailleurs, Voiture a-t-il écrit de jolies lettres?

Charmantes.

LA COMTESSE.

LE MARECHAL.

Pourquoi n'en a-t-on point parlé ?

LA COMTESSE.

Ce sont des philosophes qui l'ont critiqué, et Voiture n'était, pas esprit fort..

LE PRINce.

Clément, dans une de ses lettres imprimées, cite une infinité de passages de Voltaire, dans lesquels on trouve infiniment plus de jeux de mots et d'affectation qu'il n'a pu en reprocher à Voiture dans un très-petit nombre de pages. Ce qui me révolte le plus des philosophes, c'est l'effronterie de leur injustice.

LE COMTE DE SÉRENT.

C'est qu'il est impossible que l'orgueil, l'impiété, la méchanceté, réunis, ne soient pas audacieusement injustes.

FIN DU SEPTIÈME SOUPER.

HUITIEME SOUPER.

Les mêmes, M. Clément.

M. CLÉMENT.

Je vois à la pendule que j'arrive un peu trop tôt.

LA MARECHALE.

Non, puisque nous sommes tous rassemblés.

LA COMTESSE.

Et même nous vous accusions déjà d'inexactitude.

M. CLÉMENT.

Je ne m'en plaindrai pas. Je vais donc aujourd'hui vous entretenir de la Henriade.

(Il déploie son cahier, et lit.)

« Je reconnais avec tout le monde

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que M. de

» Voltaire possède certaines qualités du style

>> très-brillantes et même très-estimables, telles » que la clarté, qui est la première de toutes, » puisqu'aucune autre ne peut exister sans » elle. Il serait à souhaiter que les écrivains » de notre siècle l'eussent pris, en cela, pour » modèle. S'il leur a donné de mauvais exem» ples, ce n'est pas celui de l'obscurité, ni » de cette finesse mystérieuse dont il s'enve>> loppe avec affectation, pour paraître avoir » l'esprit qu'ils n'ont pas. M. de Voltaire peut » bien, de temps en temps, être vague, sans >> consistance; mais il n'est presque jamais >> obscur. Outre cela, on doit lui accorder » le mérite d'une élégance qui n'est pas com» mune, beaucoup d'agrémens dans sa ma» nière d'écrire, souvent dé la noblesse, et quelquefois de l'élévation: ajoutez une cer»taine chaleur qui lui est propre, et qui, sans >> être communément proportionnée à son sujet, fait toujours une sorte d'illusion au >> vulgaire des lecteurs.

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» Il nè suffit pas, dit Adisson, que le style » d'un poëme épique soit clair, il faut qu'il soit » sublime.

» Le sublime en tout genre, soit des images

» et de la grande poésie, soit des pensées, soit » des sentimens, est ce qui manque le plus au » style de la Henriade.

» Tout le monde est d'avis que, si le mer>> veilleux de notre religion ne se prête point » aux grâces et à l'enjouement des fictions » païennes, il est, en récompense, bien plus » susceptible de grandes images et de pensées » sublimes. La preuve en est dans nos livres » sacrés, qui sont un trésor inépuisable de su>> blime poésie; trésor où l'on prétend qu'Ho» mère a pris ces images magnifiques avec les» quelles il ennoblit souvent les dieux insensés >> du paganisme. Nous voyons aussi, parmi »> nos poètes, quelles richesses Racine et Rous» seau ont tirées des livres saints. M. de Vol» taire paraît n'avoir pas eu le même goût » pour ces poésies divines; aussi n'en a-t-il >> fait aucun usage dans son merveilleux, le>> quel n'offre de trait un peu sublime que >> celui-ci, du septième chant :

» Par-delà tous les cieux, le Dieu des cieux réside.

» Mais, à la page suivante, avec quelle fai» blesse de style il exprime la plus haute idée !

» Aux pieds du trône même une voix s'entendit.

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