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Imitées du Tanfille.

AU ROI HENRI III.

Ce n'eft pas en mes vers qu'une amante abusée
Des appas enchanteurs d'un parjure Théfée,
Après l'honneur ravi de fa pudicité,
Laiffée ingratement en un bord folitaire,
Fait de tous les affauts que la
Une fidele preuve à l'infidélité.

rage peut

faire

Les ondes que j'épans d'une éternelle veine
Dans un courage faint ont leur fainte fontaine ;
Où l'amour de la terre & le foin de la chair
Aux fragiles penfers ayant ouvert la porte,
Une plus belle amour se rendit la plus forte,
Et le fit repentir auffi-tôt que pécher,

HENRI, de qui les yeux & l'image facrée
Font un vifage d'or à cette âge ferrée,
Ne refuse à mes vœux un favorable appui ;
Et fi pour ton autel ce n'eft chofe affez grande,
Pense qu'il eft fi grand, qu'il n'auroit point d'offrande
S'il n'en recevoit point que d'égales à lui..

La foi qui fut au cœur d'où fortirent ces larmes,
Eft le premier effai de tes premieres armes,
Pour qui tant d'ennemis à tes pieds abatus,
Påles ombres d'enfer, pouffière de la terre,
Ont connu ta fortune, & que l'art de la guerre
A moins d'enseignemens que tu n'as de vertus.

De fon nom de rocher, comme d'un bon augure,
Un éternel êtat l'Eglife fe figure;
Et croit par le deftin de tes juftes combats,
Que ta main relevant fon épaule courbée,
Un jour, qui n'eft pas loin, elle verra tombée
La troupe qui l'affaut & la veut mettre bas.

A ÿj

Mais le coq a chanté pendant que je m'arrête A l'ombre des lauriers qui t'embrassent la tête, Et la fource déja commençant à s'ouvrir

A lâché les ruiffeaux qui font bruire leur trace; Entre tant de malheurs eftimant une grace, Qu'un Monarque fi grand les regarde courir.

Ce miracle d'amour, ce courage invincible;
Qui n'espéroit jamais une chose poffible
Que rien finît fa foi que le même trépas,
De vaillant fait coüard, de fidele fait traître
Aux portes de la peur abandonne fon maître,
Et jure impudemment qu'il ne le connoît pas.

A peine la parole avoit quitté fa bouche;
Qu'un regret auffi prompt en fon ame le touche;
Et mefurant fa faute à la peine d'autrui,
Voulant faire beaucoup, il ne peut davantage
Que foupirer tout bas, & fe mettre au vifage
Sur le feu de fa honte une cendre d'ennui.

Les arcs qui de plus près fa poitrine joignirent,

Les traits qui plus avant dans le fein l'atteignirent,
Ce fut quand du Sauveur il se vit regardé ;
Les yeux furent les arcs, les œillades les fleches
Qui percerent fon ame, & remplirent de breches
Le rempart qu'il avoit fi lâchement gardé.

Cet affaut comparable à l'éclat d'une foudre,
Pouffe & jette d'un coup fes défenses en poudre ;
Ne laiffant rien chez lui que le même penser
D'un homme qui, tout nu de glaive & de courage,
Voit de fes ennemis la menace & la rage,
Qui le fer en la main le viennent offenfer.

Ces beaux yeux fouverains qui traverfent la terre
Mieux que les yeux mortels ne traversent le verre,
Et qui n'ont rien de clos à leur jufte courroux,
Entrent victorieux en fon ame étonnée,

Comme dans une place au pillage donnée,
Et lui font recevoir plus de morts que de coups.

La mera dans fon fein moins de vagues courantes,
Qu'il n'a dans le cerveau de formes différentes,
Et n'a rien toutefois qui le mette en repos;
Car aux flots de la peur fa navire qui tremble
Ne trouve point de port, & toujours il lui femble
de fon maître il entend ce propos.
Que des

yeux

Eh bien! Où maintenant eft ce brave langage?
Cette roche de foi ? Cet acier de courage?
Qu'eft le feu de ton zele au befoin devenu?
Où font tant de fermens qui juroient une fable?
véritable?
Comme tu fus menteur, fuis-je pas
Et que t'ay-je promis qui ne foit avenu ?

%

Toutes les cruautez de ces mains qui m'attachent,
Le mépris effronté que ces bouches me crachent,
Les preuves que je fais de leur impiété,
Pleines également de fureur & d'ordure,
Ne me font une pointe aux entrailles fi dure
Comme le fouvenir de ta déloyauté.

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