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ment; les bleus ne veulent rien entendre: ils croient avoir fait une importante capture, puis, sans autre formalité, ces trois cents républicains sont fusillés en qualité de soutiens de Pitt et Cobourg. Ils mouraient victimes des lois atroces qu'eux-mêmes avaient si souvent réclamées contre les royalistes.

Parvenu presque sans combat au milieu de la forêt de Touvois, Charette fait un appel au bas Poitou, afin de remplir les vides laissés dans son armée par les paysans qui se sont rangés sous le drapeau de La Rochejaquelein et de Stofflet. En apprenant que le général Carpentier, à la tête de la division du général Tilly, est parti de Nantes pour pénétrer dans le Bocage, après avoir mis une forte garnison à Machecoul, le chef royaliste se présente à Pont-James, écrase un bataillon qui lui disputait le passage, et court sur Machecoul. Il arrive avant même que les bleus aient eu connaissance de sa marche. La cavalerie de Couëtus pénètre du côté du château, l'infanterie, dirigée par Joly, attaque par le Chaume. Charette met la garnison entre deux feux; cette garnison se fait jour à la baïonnette; mais à peine hors de la ville elle est assaillie par les forces vendéennes que le général a réunies avec une admirable rapidité. Malgré le courage des bleus ils ne purent résister longtemps à une attaque si bien conçue. Leur déroute fut complète, et Charette entra dans Machecoul.

Le 1er janvier 1794 le général Carpentier s'avance avec toutes ses forces pour l'en chasser. Les blancs ont pris position entre la forêt de Princé et celle qui avoisine Machecoul. Carpentier a sous ses ordres des soldats qui

depuis longtemps, guerroyant dans les marais du bas Poitou, se sont familiarisés avec les haies et les fossés, qu'ils franchissent aussi lestement que les Vendéens. Il enveloppe ainsi l'armée de Charette; il l'attaque de front et en flanc, Les Poitevins reculent; leur général, qui combat à pied et au premier rang, est poursuivi, serré de près par ces terribles grenadiers d'Armagnac, dont la bravoure s'est signalée au Mans et à Savenay. Il résiste à cet effort; il repousse même les grenadiers. Deux fois enveloppé par Carpentier, qui commande la cavalerie, il est deux fois délivré par celle de Couëtus. Mais s'apercevant que la position n'est plus tenable, il ordonne la retraite; il la protége. Au passage du ruisseau de Beauséjour il va tomber entre les mains des grenadiers d'Armagnac. Joly, de Goulaine et Ériau lui font un rempart de leurs corps. Le canon de sa carabine est coupé en deux par les balles. Tant d'acharnement contre sa personne n'altère point le sang-froid du général, qui, tout en couvrant la retraite, passe sur la colonne que commande le conventionnel Laignelot.

Les bleus sont vainqueurs; mais ils n'osent pénétrer dans la ville ils établissent des bivouacs autour de ses murailles. Le lendemain, à la pointe du jour, Charette, qui veut à toute force y rentrer, car il sait que de la possession de Machecoul dépendent sa jonction avec Ja Cathelinière et le salut de Noirmoutiers, Charette se présente encore en face des bleus. Un nouveau combat s'engage; mais une partie des paysans s'est retirée. Cependant, avec ses forces réduites par la désertion et affaiblies par le manque de vivres, il essaie de prendre sa re

vanche. Cette journée fut, comme la précédente, fatale à ses armes. Après quelques heures d'une lutte inégale il se vit forcé de reculer. La déroute pouvait devenir complète lorsque Hyacinthe de La Robrie, s'élançant à la tête de ses cavaliers, arrête les hussards républicains qui portaient la désordre dans tous les rangs. Ce fut sous cette brillante charge de cavalerie que le général opéra sa retraite, et rallia ses troupes au village de La Couchaignière.

La prise de Machecoul laissait l'île de Noirmoutiers sans autres défenseurs que ceux qui s'y étaient renfermés depuis que Charette en avait pris possession. Le général en chef des armées républicaines que la convention avait investi du commandement à la place de Marceau, soupconné de modérantisme et accusé d'humanité, venait d'arriver avec de nouveaux plans d'extermination: c'était Turreau, le parent du conventionnel de ce nom. Capitaine d'infanterie avant la révolution, il avait vécu sous le nom du chevalier de Linières dans l'intimité de Laclos et de Philippe d'Orléans. Ce général républicain, dont plus tard l'empire fera un baron et la restauration un chevalier de Saint-Louis, ne manquait ni de courage ni de capacités militaires; mais, emporté par les sanglantes passions de l'époque, il ne sut pas se préserver du fanatisme dont Westermann et Ronsin avaient offert de si cruels exemples. A peine à la tête de cette armée, dans laquelle on l'a vu servir en qualité de général de brigade avant d'être envoyé à celle des Pyrénées, où ses dénonciations ont conduit à l'échafaud les généraux Daoust et Delâtre, il fait condamner à mort le général Desmarres, qui avait été chargé par les représentants d'arrêter

Rossignol, puis il veut signaler sa présence en Vendée par un coup d'éclat. Il sait d'avance que la mission de La Robrie en Angleterre ne réussira pas; il n'ignore point les dispositions politiques du cabinet de Saint-James en faveur de la Vendée, que ce cabinet abuse par de fallacieuses promesses; et, aussi sûr de l'inactivité anglaise que du courage de ses troupes, il prend la résolution d'enlever Noirmoutiers, que Charette est dans l'impossibilité de secourir.

Pour toute garnison l'île de Noirmoutiers comptait à peine quinze cents hommes commandés par Alexandre Pineau, le premier chefqui avait appelé aux armes les cantons voisins de Légé. Il avait sous ses ordres Bernard Massip, Antoine Savin, Pierre Barreau, Noël, O'Birn, un fidèle Irlandais, et le capitaine Dubois. Pineau était abandonné à ses propres forces: il ne pouvait espérer de secours ni de Charette alors vaincu, ni de l'Angleterre, dont cependant personne alors ne soupçonnait les intentions. Dès le 25 décembre 1793 quarante-cinq gabares pontées sont parties de Nantes : un nombre presque égal a pris la mer le 27, et toutes, avec les troupes qu'elles portent, mouillent à l'entrée du Goi avec six mille hommes d'élite. Les généraux Haxo et Dutruy, que seconde Duguet, adjudant-général du génie, combinent une attaque par terre et par mer. Elle est d'abord dirigée contre Barbastre, où commande Hyacinthe de La Robrie. La Robrie ne peut tenir que quelques moments. Sa défense est pourtant si courageuse et si habile qu'il écarte les répupublicains, trompe leur surveillance, et pendant la nuit traverse le passage du Goi avec les quelques hommes sous

ses ordres. Ils avaient de l'eau jusqu'à la ceinture, et dans ce trajet périlleux ils se guidaient par la seule observation du courant, plus sensible sur le plateau que dans les bas-fonds. Les bleus enlèvent la batterie placée à la Barre-de-Mont; ils la tournent aussitôt contre le village de La Fosse, où deux cents Vendéens tenaient garnison. A la même heure la flottille républicaine faisait feu sur les fortifications. L'artillerie des blancs ripostait avec bonheur; puis, favorisée par une mer houleuse, elle voit bientôt hors de combat plusieurs chaloupes canonnières; mais, cernée sur tous les points, obligée de rester nuit et jour sous les armes, la garnison n'est pas assez nombreuse pour résister à tant d'assauts savamment combinés. Tinguy et Massip parlent de capituler; O'Brin, Dubois et la plupart des officiers s'opposent à ce projet.

D'Elbée, que quatorze blessures mettaient dans l'impossibilité de prendre le commandement de la place, est consulté: il ouvre l'avis de faire prévenir Charette. La mission était périlleuse. Quatre paysans se présentent pour la remplir. Il faut qu'ils traversent les postes ennemis échelonnés depuis Beauvoir jusqu'à l'Epoi, et qu'ils affrontent toutes les balles des sentinelles avancées : c'était courir à une mort inévitable. Ils partent après avoir déposé aux pieds d'un prêtre leur dernière confession. Presque au sortir de la ville trois d'entre eux sont tués par les républicains, qu'ils espéraient tromper à la faveur de la nuit; le quatrième, blessé à la tête et à la poitrine, rentre dans les murs.

Cette tentative désespérée qui vient d'échouer rend aux Vendéens toute leur énergie; ils savent qu'ils n'ont plus

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