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CHAPITRE II.

Stofflet général en chef de l'armée d'Anjou et du haut Poitou. Combat de Gesté. — Prise de Chollet par les Vendéens. Mort du général Moulin. Campagne d'hiver de Charette. - Défaite de Grignon. Les généraux Dufour; Duquesnoy et Turreau. — Joly et ses enfants. Haxo marche contre Charette: Leurs différents combats. Bataille des Clouzeaux.: Défaite et mort d'Haxo.

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Le plus jeune et le plus brillant général qu'ait eu la Vendée, celui qui à vingt ans commençait sa vie de combats par une de ces harangues qu'Homère aurait été jaloux de placer dans la bouche d'un de ses héros, et qui couronnait une épopée de dix mois par ce mot le plus sublimé et le plus chrétien adressé à un ennemi: «Je vous fais grâce ! » ; celui qui dans le camp républicain n'a trouvé d'adversaires que sur le champ de bataille, et qui dans le sien a été le frère des paysans, l'ami des gentilshommes, l'idole de tous, Henri de La Rochejaquelein n'est plus; mais son ombre peut encore gagner des batailles, et Stofflet qui lui a succédé connaît trop bien la

magie de ce nom pour ne pas mettre son début dans le commandement sous une aussi puissante protection.

Ce pauvre Lorrain devenu, comme Spartacus, chef de parti à son insu, n'a pas les nobles manières, l'affectueuse politesse, les inspirations soudaines de La Rochejaquelein; mais il possède son bouillant courage; mais il est doué du génie de la guerre, et, Vendéen par le cœur, il veut arracher ce pays aux dévastations révolutionnaires, ou mourir glorieusement sur ses débris. Le 2 février i se porte avec le comte de La Bouère sur Gesté, où le général Cordelier s'est établi. Stofflet et La Bouère le battent en trois rencontres successives, toujours en annonçant aux royalistes qu'ils exécutent les ordres de M. Henri; puis, après ce triple succès, Stofflet revient à Maulevrier. Là quelques chefs secondaires lui demandent si La Rochejaquclein est mort, ainsi que le bruit en est répandu. « Il n'est que trop vrai, répond-il; j'ai perdu le meilleur de mes amis. >> Lorsqu'il s'est rendu compte des forces dont il dispose, il se prépare à tenter un grand coup, afin de prouver aux paysans que, M. Henri mort, ils peuvent encore espérer. Il a conservé des intelligences dans Chollet, où commande le général Moulin jeune : c'est sur Chollet qu'il va diriger ses troupes. Mais il a besoin de quelques jours de repos pour combiner ses plans, pour recevoir les communications de Charette que les bleus n'auront pu intercepter, et pour ravitailler ses soldats : il rentre donc dans la forêt de Vezins. Le 9 mars avec quatre mille hommes bien disciplinés, bien aguerris, il prend la route de Chollet, où sont renfermés plus de cinq mille hommes protégés par une nombreuse artillerie;

il confie à Renou le commandement de l'aile droite; Laville-Baugé et Beaurepaire guident la gauche, et le nouveau général en chef au centre veille sur tous les mou

vements.

La garnison de Chollet, rassurée par la supériorité du nombre, ne se tient pas sur ses gardes. Le 10 mars, les paysans, après avoir surpris et tué les postes avancés, tombent sur les retranchements. Une si brusque attaque étonne les bleus; Stofflet, Renou, Laville-Baugé et Beaurepaire ne leur permettent pas de revenir de ce premier moment de stupeur : ils poussent leurs soldats dans les faubourgs ; ils sautent au milieu des retranchements; puis, par un feu qui ne se ralentit jamais, ils culbutent une partie de la garnison. A la vue de ce désordre Moulin se jette dans les rangs des siens; il les encourage de la voix ; il veut les soutenir par son exemple: le général Caffin qui le seconde est frappé à ses côtés de deux balles ; il se relève et combat encore. Moulin est blessé aussi : sa chute devient le signal de la déroute. Ce général, couvert de sang, veut s'opposer à la fuite de ses soldats; ses soldats méprisent les ordres qu'il intime, les prières qu'il fait entendre. Alors les tirailleurs que Stofflet a façonnés de longue main à tous les périls s'égaillent dans cette ville enlevée à la baïonnette; d'autres s'acharnent à la poursuite de Moulin, qui résiste avec un courageux désespoir. à l'entraînement de ses troupes. Vaincu et perdant tout son sang, il voit son cheval s'abattre dans une rue encombrée de fourgons chargés de mourants. La fuite est devenue impossible: il va tomber vivant entre les mains des paysans, lui qui, comme ses collègues dans le comman

dement, a déployé contre la Vendée une impitoyable rigueur. Pour s'arracher au supplice il saisit un de ses pistolets, et se brûle la cervelle.

L'armée vendéenne est maîtresse de Chollet, dont le sang des bleus et des blancs a si souvent inondé les pavés. Le premier cri du général est de respecter les prisonniers; mais des femmes que la révolution a privées d'asile et faites veuves avant le temps refusent d'user d'une modération sans réciprocité; elles excitent les royalistes à la vengeance; elles-mêmes, entraînées par un désir de représailles que tant de calamités rendent juste, ellesmêmes se précipitent sur les bleus, et en égorgent quelquesuns. Les ordres des chefs, l'indignation des paysans arrêtent le massacre. On envoie à la poursuite des vaincus quelques détachements. Ces détachements rencontrent la colonne du général Cordelier, qui arrivait de Gesté au secours de Chollet. Une seconde affaire a lieu entre cette colonne et l'armée de Stofflet épuisée; les chances n'étaient plus égales. Cordelier rentre dans la ville, il en débusque les Vendéens, qui, alors couronnant les hauteurs de Nuaillé, campent ainsi pendant trente-six heures à la vue même des républicains.

Mais cette audace de Stofflet, osant abandonner ses forêts pour descendre en rase campagne et surprendre les cités, répandit la terreur dans la population révolutionnaire de l'Ouest et l'espérance dans le camp opposé. Par la rapidité de ses succès, si fatalement interrompus, La Rochejaquelein avait prouvé que la Vendée n'était pas anéantie; Stofflet, son successeur, la faisait sortir de ses ruines. La république était forcée d'avouer que son sys

tème d'égorgement et d'incendie ne pouvait rien comprimer, rien arrêter. Au nom du comité de salut public, fauteur et complice de toutes les cruautés, Barrère à la Convention fait entendre ces paroles : « Le comité espérait surtout que l'armée de l'Ouest, fidèle aux maximes et aux ordres du gouvernement, ne disséminerait jamais ses forees, et s'occuperait bien plus de détruire le noyau des brigands qui pouvaient se reformer que de sacrifier les habitations isolées, les fermes et les villages soumis. Cependant les forces républicaines ont été morcelées, des rassemblements se sont réorganisés, et la troupe royaliste, naguère éparse et fugitive, maintenant sous les ordres de Stöfflet et de Charette, se grossit de tous les mécontents qu'on doit à l'exécution barbaré des décrets dans un pays qu'il fallait seulement désarmer et administrer avec le bras nerveux d'un pouvoir militaire et révolutionnaire. »

મૈં

La Convention avait mis le fer et le feu entre les mains de ses soldats, et elle s'étonnait après coup du terrible usage qu'ils en avaient fait. C'était mal connaître les hom→ mes qu'elle employait ; et la Convention n'en était pas là. Cette satisfaction, donnée à la Vendée, ne tirait pas à conséquence, car le comité de salut public ne destituait aucun de ses farouches agents, ne prenait l'initiative d'au cune mesuré réparatrice. La Vendée ne tint donc pas compte de cette flétrissure anonyme; elle resta sous les

armes.

Cependant les représentants du peuple et les généraux commencèrent à voir qu'ils pouvaient un jour payer cher les atrocités de tout genre qu'ils avaient couvertes de leurs écharpes tricolores. Ils ne portèrent plus l'incendie dans le

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