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escarmouches des paysans et toujours cherchant à calmer l'irritation des campagnes. Ce n'était pas la volonté de faire une guerre plus active qui manquait aux généraux républicains; c'était une force assez imposante pour comprimer tous ces mouvements qui éclataient au même jour sur les points les plus opposés.

Le Directoire s'avouait sa faiblesse ; il eut encore recours à ces ignobles moyens que la Convention n'avait employés qu'au moment de sa chute, car un pouvoir qui se fait une arme de la bassesse et qui ose étayer sur les infamies de l'espionnage ses derniers essais de résistance aux insurrections légitimes est bien près de crouler sous les justes mépris de ses adversaires. Hoche, nous l'avons dit, s'était servi de ces sales ressources, que son caractère, que ses talents auraient dû repousser. Le Directoire en abusa; il fit secrètement ouvrir les prisons; alors une meute de voleurs de grand chemin, conduite en laisse par des brigades de police, s'abattit sur les provinces de l'Ouest. Ces misérables avaient mission de jouer le rôle d'émigrés ou d'officiers royalistes. Par une apparence de zèle, qui devait entraîner quelques Vendéens fatigués de la persécution, on vit les agents du Directoire exciter au pillage, piller eux-mêmes les patriotes, et en même temps dénoncer à leurs chefs tout ce qui se passait dans les cantonnements. C'était l'espionnage organisé dans de vastes proportions, et par des appels à la guerre tâchant d'arriver à la paix. Le général Hédouville, qui s'était chargé de lever tous les obstacles, n'aurait sans doute pas demandé de tels auxiliaires dans son état-major; mais le directoire les regardait comme indispensables. Hédouville fut donc obligé

de les subir. Il y eut à cette époque un grand nombre de crimes commis dans les provinces insurgées, de ces crimes auxquels répugne l'honnêteté proverbiale des paysans, et dont il est absurde de charger la loyauté des gentilshommes. Les historiens révolutionnaires en ont accusé ces derniers; nous devons rétablir les faits sous leur véri· table jour, et un document émané d'un des chefs de cette police occulte répondra mieux que toutes les paroles à de perfides accusations.

Au nombre des pièces que nous avons recueillies pour écrire cette histoire il s'en rencontre une qui ne laisse aucun doute sur les affreuses manœuvres des émissaires du Directoire; elle est adressée à Fouché, ministre de la police.

« Les Herbiers, 19 vendémiaire an viii.

<< Par les rapports que je vous envoie, citoyen ministre, vous verrez si les ordres du gouvernement sont bien cxécutés. Mais je dois vous prévenir que tous ceux auxquels vous accordez votre confiance n'en sont pas dignes au même degré. Il m'en coûte de dénoncer des agents qui ont pu rendre à la patrie des services, mais le bien de la république l'exige. Il y a parmi les hommes destinés à jouer le rôle d'émigrés des gens sans éducation première, et qui, par leurs habitudes et la grossièreté de leur langage, ne peuvent qu'éveiller les soupçons même des paysans. Quelques-uns de ces hommes ont déjà été frappés de mort par les brigands, dont ils cherchaient avec trop peu d'adresse à surprendre les secrets; il y en a

d'autres qui ont pris trop à la lettre les recommandations que je leur ai faites de votre part, et qui, malgré le général Hédouville, poussent avec trop d'acharnement au meurtre des réfugiés ou au pillage de leurs habitations. Ce double excès nuit à la réussite de nos opérations. Je crois donc, citoyen ministre, rendre service au gouvernement en vous signalant ces divers abus. C'est à vous qu'il appartient de les faire cesser en donnant des ordres plus rigoureux ou en rappelant à Paris les employés qui nous compromettent ici, et peuvent un jour ou l'autre nous faire faire un mauvais parti. Le plan adopté par vous est excellent; il rendra à jamais odieux les brigands ; mais il ne faut pas en abuser dans notre intérêt.

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Le général Hédouville, qui en qualité de major-général de l'armée de Hoche avait attaché son nom à la pacification de 1796, désirait vivement rendre possible celle dont trois ans plus tard il avait accepté de conduire les négociations; mais il lui répugnait d'user de tous les moyens peu français que le Directoire et Fouché mettaient à sa disposition. Il pensait que pour réussir auprès des chefs Vendéens il fallait employer des intermédiaires moins vils; il voulait que, par leur nom seul et par leurs vertus, ces intermédiaires pussent commander et inspirer la confiance.

La vicomtesse de Turpin-Crissé avait pris auprès de Hoche la position de médiatrice, dont à Nantes madame Gasnier-Cambon avait de si grand cœur rempli les devoirs. Ce fut sur madame de Turpin-Crissé qu'Hédouville

porta les yeux; il lui écrivit ; il la pria de se rendre à son quartier-général d'Angers. Madame de Turpin hésita d'abord, puis cédant aux instances du général qui ne demandait pas mieux, lui écrivait-il, « que d'arrêter l'effusion du sang français dont il s'était toujours montré si avare, » elle arriva à Angers dans la voiture du général qui était venue la prendre chez elle. Celui-ci se montra plein de bonne volonté et de justice; mais les premières conférences entre madame de Turpin et Hédouville étaient à peine ouvertes qu'un de ces événements qui changent le sort des révolutions venait d'éclater à Paris, et mettait le général plus à même que jamais de suivre l'impulsion de son cœur.

CHAPITRE X.

Bonaparte premier consul.

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Pacification.

Mort de Grignon. Conférences de Montfaucon.
-L'abbé Bernier à Paris. Bonaparte et la Vendée,

Concordat

de 1801 dû à la guerre des provinces de l'Ouest.— La petite Église. - Causes de ce schisme. Ses commencements et sa fin. - Conclusion.

La France du Directoire était à l'encan. On conspirait contre le gouvernement; le gouvernement conspirait contre lui-même. Sept ans de convulsions, de déchirements intérieurs et de guerre extérieure rendaient enfin réservés et prudents les révolutionnaires qui, sous le masque de l'égalité, avaient acquis des trésors et une influence dont ils espéraient jouir sans conteste; mais cet état précaire dans lequel chaque jour le pouvoir se plongeait, et dont rien ne pouvait le tirer, ne convenait pas à leur ambition satisfaite; ils désiraient s'éterniser aux affaires sous la protection du gouvernement d'un seul; le rêve de la ré

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