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CHAPITRE VI.

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Sédition dans le camp de Charette. Stofflet s'oppose à la paix. Entrée triomphale des Vendéens à Nantes.

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Proclamations de

Le siége du clocher de L'agence royaliste à Paris.

Charette et de Stofflet. Séance du 13 mars à la Convention. Reprise des hostilités contre Stofflet. Chanzeaux. Stofflet signe la paix. -Lettre du régent de France à Charette. — Déclaration de guerre des chefs royalistes après la mort de Louis XVII. — Leur manifeste contre la Convention.

Une transaction pareille, faite sur les ruines de la Vendée, devait, comme tous les traités où chacun apporte son contingent de sacrifices, mécontenter les deux partis extrêmes. Les ardents révolutionnaires proclamèrent avec des cris de rage que cette négociation était le premier pas fait vers la royauté. Les royalistes purs annoncèrent que c'était ajourner indéfiniment le retour de la monarchie, et que reconnaître la république n'était qu'une lâcheté. Au château de La Jaunais il ne se rencontrait que des républicains convaincus du besoin de la paix: la Convention

T. II.

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les avait tous choisis dans ce sens; mais on y voyait de fougueux royalistes, Delaunay, Le Moëlle et Savin, qui déjà à la réunion de Vieillevigne s'étaient opposés à tout projet de transaction. Ces trois chefs rêvaient la Vendée aussi forte, aussi compacte que sous Cathelineau; puis, fermant les yeux à l'évidence, ils ne voulaient considérer la révolution que dans l'état de faiblesse momentanée où ses excès l'avaient plongée, et jamais sous l'aspect d'incompréhensible énergie dont elle avait donné tant de preuves.

Au moment de signer les conventions acceptées, Delaunay, Savin et Le Moëlle refusèrent avec violence d'intervenir, et ils abandonnèrent brusquement le lieu des conférences. Tous trois parcoururent les campagnes, rassemblèrent des paysans, et arrivèrent avec eux au quartiergénéral de Belleville. Delaunay, ambitieux ou traître à son chef, dévoile ce qu'il appelle la trahison de Charette. Les paysans, égarés par ses discours, s'écrient :

«Nous avons d'abord combattu sans général; nous saurons bien encore marcher seuls contre les bleus. »

A la nouvelle de cette irritation, qui peut si facilement se changer en complot, car Charette connaît les intrigues de Delaunay, ce général part en toute hâte pour Belleville. Il se présente aux troupes sa fermeté calmne les esprits; les explications qu'il donne portent la conviction dans les cœurs.

Devant son état-major et ses soldats : « Ce que j'ai fait, dit-il, était nécessaire, et je l'ai fait dans l'intérêt de tous, sans m'arrêter aux murmures ou aux menaces; mais pour cela me croyez-vous donc devenu républicain de

puis hier? Ce n'est pas une paix que nous venons de conclure; c'est une trève que les besoins de l'armée rendent indispensable. Avec celle trève, que nous ne serons pas les premiers à rompre, car elle nous est trop avantageuse pour que la république ne cherche pas bientôt à l'enfreindre, avec cette trève je peux attendre les secours qui nous sont promis, non pas par l'Angleterre, je compte peu sur elle, mais par l'Europe monarchique et par nos princes, qui ne voudront peut-être pas toujours laisser la Vendée mourir inutilement pour leur cause. Et puis qu'avez-vous à craindre? ne gardons-nous pas nos armes? ne conservons-nous pas notre drapeau? Si l'on a tendu un piége à notre bonne-foi, ne pouvons-nous pas y échapper, puisque nous le prévoyons et que je reste au milien de vous ? >>>

Les paysans avaient une confiance illimitée en leur général; ses paroles les rallient tous autour de lui. Alors Delaunay, abandonné même par sa division, se retire au quartier-général de Stofflet, dont peu de jours auparavant il demandait la mise en jugement et la mort. Sayin et Le Moëlle, qui s'étaient laissés entraîner par un excès de zèle royaliste, trouvent Charette aussi bienveillant pour euxque par le passé; il leur rend leur commandement, puis tous, confondus dans une commune pensée, attendent les armes à la main la réalisation des promesses révolutionnaires.

Mais l'abbé Bernier n'est pas resté inactif dans le camp de Stofflet; il a pris le général par son enthousiasme chevaleresque; ses paroles ont remué dans cette âme généreuse toutes les nobles passions, et il l'a tellement enivré

d'un chimérique espoir que Stofflet déclare traître à la religion et au roi tout Vendéen qui osera l'entretenir de cet important objet. Cependant l'exemple de Charette faisait naître, même auprès de Stofflet, de loyales approbations. Rostaing, commandant de la cavalerie angevine, disait tout haut :

« Sans doute il est beau de mourir pour son prince ; mais il ne faut pas que ce soit un sacrifice inutile. »

Ces paroles, commentées par le bon sens des Angevins, amenaient des défections morales dans le camp de Maulevrier. Les paysans ne refusaient pas de servir la cause de Dieu et du roi; mais ils sentaient qu'il n'était plus possible de guerroyer avec fruit. La république venaît au devant d'eux, offrant d'honorables conditions: ils restaient armés; ils pouvaient donc attendre et voir si ces conditions étaient aussi franches qu'honorables. Sur ces entrefaites Stofflet reçut l'invitation de se rendre aux conférences de La Jaunais il s'était fait précéder à Nantes par Trottouin, son chef d'état-major, et les deux frères Martin de La Pommeraie.

Trottouin était un de ces caractères qui ne doivent qu'au hasard une apparence de force. Avocat, puis procureursyndic de Thouars, il était devenu royaliste par circonstance; son intarissable faconde et la souplesse de son esprit l'avaient placé très avant dans les bonnes grâces de Bernier. Sans talents militaires, sans même avoir combattu, il fut imposé à Stofflet en qualité de major-général : c'était à ce titre qu'on l'envoyait près des conventionnels pacificateurs. Il vit Ruelle ; celui-ci, qui avait eu la pudeur de ne pas faire jouer auprès des Vendéens les ressorts de cor

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