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Et puis quelque noble à la rose;
Éprouvait son adresse et sa force à jeter
Ces morceaux de métal qui se font souhaiter
Par les humains sur toute chose.
S'il n'avait entendu son compteur à la fin
Mettre la clef dans la serrure,

Les ducats auraient tous pris le même chemin,
Et couru la même aventure:

Il les aurait fait tous voler jusqu'au dernier
Dans le gouffre enrichi par maint et maint naufrage.

Dieu veuille préserver maint et maint financier
Qui n'en fait pas meilleur usage!

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d'Angleterre, la première équivalant à la guinée, la dernière valant environ un septième de plus. » (Walckenaer.)

(1) Le sujet de cette fable avait été donné en quelques lignes de prose comme texte de thème au duc de Bourgogne par Fénelon.

Leur fait chercher fortune: elles vont en voyage
Vers les endroits du pâturage

Les moins fréquentés des humains.

Là, s'il est quelque lieu sans route et sans chemins,
Un rocher, quelque mont pendant en précipices (1),
C'est où ces dames vont promener leurs caprices.
Rien ne peut arrèter cet animal grimpant.
Deux chèvres donc s'émancipant,

Toutes deux, ayant patte blanche (2),
Quittèrent les bas prés, chacune de sa part:
L'une vers l'autre allait pour quelque bon hasard.
Un ruisseau se rencontre, et pour pont une planche.
Deux belettes à peine auraient passé de front
Sur ce pont:

D'ailleurs l'onde rapide et le ruisseau profond
Devaient faire trembler de peur ces amazones.
Malgré tant de dangers, l'une de ces personnes
Pose un pied sur la planche, et l'autre en fait autant (3):
Je m'imagine voir, avec Louis le Grand,
Philippe Quatre qui s'avance
Dans l'ile de la Conférence (4).
Ainsi s'avançaient pas à pas,
Nez à nez nos aventurières,

Qui, toutes deux étant fort fières,

Vers le milieu du pont ne se voulurent pas
L'une à l'autre céder. Elles avaient la gloire
De compter dans leur race, à ce que dit l'histoire,
L'une certaine chèvre, au mérite sans pair,
Dont Polyphème (5) fit présent à Galatée,

(1)

Dumosa pendere procul de rupe videbo.

(2) On se rappelle :

(Virg., Buc. I.)

Montrez-moi patte blanche, où je n'ouvrirai point. » (Liv. IV, fab. 12.) (3) Il est impossible de mieux conter et de mieux peindre. » (Ch. Nodier.)

D

(4) Cette ile, nommée aussi l'ile des Faisans, est située sur la frontière de l'Espagne et de la France; c'est là que se tinrent les conférences pour la paix des Pyrénées et le mariage

de Louis XIV.

(5) Le plus célèbre des cyclopes, à qui Ulysse creva l'œil unique, après l'avoir enivré."

Et l'autre la chèvre Amalthée,
Par qui fut nourri Jupiter.

Faute de reculer, leur chute fut commune:
Toutes deux tombèrent dans l'eau.

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Le vieux Chat et la jeune Souris (1).

Une jeune souris de peu d'expérience

Crut fléchir un vieux chat, implorant (2) sa clémence, Et payant de raisons le Raminagrobis :

Laissez-moi vivre une souris

De ma taille et de ma dépense
Est-elle à charge à ce logis?

Affamerais-je, à votre avis,

L'hôte, l'hôtesse et tout leur monde?

(1) Le duc de Bourgogne avait demandé à la Fontaine une fable de ce titre.

(2) En implorant serait plus correct.

D'un grain de blé je me nourris;
Une noix me rend toute ronde.

A présent je suis maigre; attendez quelque temps (1).
Réservez ce repas à messieurs vos enfants.
Ainsi parlait au chat la souris attrapée.
L'autre lui dit : Tu t'es trompée :

Est-ce à moi que l'on tient de semblables discours?
Tu gagnerais autant de parler à des sourds.
Chat, et vieux, pardonner! cela n'arrive guères (2).
Selon ces lois, descends là-bas,
Meurs, et va-t'en tout de ce pas
Haranguer les sœurs filandières (3):

Mes enfants trouveront assez d'autres repas.
Il tint parole. Et pour ma fable,
Voici le sens moral qui peut y convenir:

La jeunesse se flatte, et croit tout obtenir :
La vieillesse est impitoyable. (4)

(1) La souris tient au chat le même langage que le petit poisson au pêcheur, et avec aussi

peu

de succès.

(2) Trait plaisant, excellent vers!
(3) Les Parques, qui filent nos jours.
(4) Sentence trop absolue pour être vraie..

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En pays plein de cerfs, un cerf tomba malade.
Incontinent maint camarade
Accourt à son grabat le voir, le secourir,
Le consoler du moins: multitude importune.
Eh! Messieurs, laissez-moi mourir :
Permettez qu'en forme commune

La Parque m'expédie, et finissez vos pleurs!
Point du tout: les consolateurs
De ce triste devoir tout au long s'acquittèrent,
Quand il plut à Dieu s'en allèrent:
Ce ne fut pas sans boire un coup,
C'est-à-dire sans prendre un droit de pâturage.
Tout se mit à brouter les bois du voisinage.
La pitance du cerf en déchut de beaucoup.
Il ne trouva plus rien à frire (1):
D'un mal il tomba dans un pire,

(1) Rien à frire, locution proverbiale, pour rien à manger.

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