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GEORGE DANDIN.

pour dupe.

Non; mais je me lasse fort d'être pris

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MADAME DE SOTENVILLE. Ne voulez-vous point vous défaire de vos pensées extravagantes ?

GEORGE DANDIN. Non, madame; mais je voudrais bien me défaire d'une femme qui me déshonore.

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MADAME DE SOTENVILLE. Souvenez-vous que vous avez épousé une demoiselle 1.

GEORGE DANDIN. Je m'en souviens assez, et ne m'en souviendrai que trop.

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songez donc à parler d'elle avec plus de respect.

GEORGE DANDIN. Mais que ne songe-t-elle plutôt à me traiter plus honnêtement? Quoi! parce qu'elle est demoiselle, il faut qu'elle ait la liberté de me faire ce qu'il lui plaît, sans que j'ose souffler ?

MONSIEUR DE SOTENVILLE. Qu'avez-vous donc, et que pouvez-vous dire ? N'avez-vous pas vu ce matin qu'elle s'est défendue de connaître celui dont vous m'étiez venu parler ?

GEORGE DANDIN. Oui. Mais vous, que pourrez-vous dire si je vous fais voir maintenant que le galant est avec elle ? MADAME DE SOTENVILLE. Avec elle ?

GEORGE DANDIN. - Oui, avec elle, et dans ma maison.
MONSIEUR DE SOTENVILLE. Dans votre maison ?

GEORGE DANDIN. Oui, dans ma propre maison.

MADAME DE SOTENVILLE. contre elle.

- Si cela est, nous serons pour vous

MONSIEUR DE SOTENVILLE. Oui. L'honneur de notre famille nous est plus cher que toute chose, et, si vous dites vrai, nous la renoncerons pour notre sang et l'abandonnerons à votre colère. Vous n'avez qu'à me suivre.

GEORGE DANDIN.

-

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SCÈNE VIII: ANGÉLIQUE, CLITANDRE, CLAUDINE, MONSIEUR ET MADAME DE SOTENVILLE, GEORGE DANDIN.

ANGÉLIQUE. Adieu. J'ai peur qu'on vous surprenne ici, et

j'ai quelques mesures à garder.

1. Demoiselle fille noble.

CLITANDRE. - Promettez-moi donc, madame. que je pourrai vous parler cette nuit.

ANGÉLIQUE. — J'y ferai mes efforts.

GEORGE DANDIN.

Approchons doucement par derrière et

tâchons de n'être point vus.

CLAUDINE.

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Ah! madame, tout est perdu. Voilà votre père

et votre mère accompagnés de votre mari.

CLITANDRE. Ah! ciel !

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ANGÉLIQUE, bas. Ne faites pas semblant de rien, et me laissez faire tous deux. (Haut, à Clitandre.) Quoi vous osez en user de la sorte, après l'affaire de tantôt, et c'est ainsi que vous dissimulez vos sentiments? On me vient rapporter que vous avez de l'amour pour moi, et que vous faites des desseins de me solliciter. J'en témoigne mon dépit et m'explique à vous clairement en présence de tout le monde. Vous níez hautement la chose et me donnez parole de n'avoir aucune pensée de m'offenser; et cependant, le même jour, vous prenez la hardiesse de venir chez moi me rendre visite, de me dire que vous m'aimez et de me faire cent sots contes pour me persuader de répondre à vos extravagances : comme si j'étais femme à violer la foi que j'ai donnée à un mari et m'éloigner jamais de la vertu que mes parents m'ont enseignée ! Si mon père savait cela, il vous apprendrait bien à tenter de ces entreprises. Mais une honnête femme n'aime point les éclats. Je n'ai garde de lui en rien dire, et je veux vous montrer que, toute femme que je suis, j'ai assez de courage pour me venger moi-même des offenses que l'on me fait. L'action que vous avez faite n'est pas d'un gentilhomme, et ce n'est pas en gentilhomme aussi que je veux vous traiter.

(Elle prend un bâton, et, au lieu de Clitandre, bat son mari qui se met entre eux.)

CLITANDRE. Ah! ah ah ! ah! ah! Doucement.

CLAUDINE.

- Fort, madame, frappez comme il faut. ANGÉLIQUE. S'il vous demeure quelque chose sur le cœur, je suis pour vous répondre.

CLAUDINE.

Apprenez à qui vous vous jouez. ANGÉLIQUE. Ah! mon père, vous êtes là ?

MONSIEUR DE SOTENVILLE. Oui, ma fille, et je vois qu'en sagesse et en courage tu te montres un digne rejeton de la maison de Sotenville. Viens çà, approche-toi, que je t'embrasse...

MADAME DE SOTENVILLE. Embrasse-moi aussi, ma fille. Las! je pleure de joie, et reconnais mon sang aux choses que tu viens de faire.

MONSIEUR DE SOTENVILLE. Mon gendre, que vous devez être ravi, et que cette aventure est pour vous pleine de douceurs ! Vous aviez un juste sujet de vous alarmer, mais vos soupçons se trouvent dissipés le plus avantageusement du monde.

MADAME DE SOTENVILLE.

Sans doute, notre gendre, et vous devez maintenant être le plus content des hommes.

CLAUDINE.

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Assurément. Voilà une femme, celle-là; vous êtes trop heureux de l'avoir, et vous devriez baiser les pas où

elle passe.

GEORGE DANDIN, à part. Euh, traîtresse !

MONSIEUR DE SOTENVILLE. Qu'est-ce, mon gendre? Que ne remerciez-vous un peu votre femme de l'amitié que vous voyez qu'elle montre pour vous ?

ANGÉLIQUE.

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Non, non, mon père, il n'est pas nécessaire. Il ne m'a aucune obligation de ce qu'il vient de voir, et tout ce que j'en fais n'est que pour l'amour de moi-même.

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ANGÉLIQUE. Je me retire, mon père, pour ne me voir point obligée à recevoir ses compliments.

CLAUDINE. Elle a raison d'être en colère. C'est une femme qui mérite d'être adorée, et vous ne la traitez pas comme vous devriez.

GEORGE DANDIN, à part.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.

Scélérate!

C'est un petit ressentiment de l'affaire de tantôt, et cela se passera avec un peu de caresse que vous lui ferez. Adieu, mon gendre, vous voilà en état de ne vous plus inquiéter. Allez-vous-en faire la paix ensemble, et tâchez de l'apaiser par des excuses de votre emportement.

MADAME DE SOTENVILLE.

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Vous devez considérer que c'est une jeune fille, élevée à la vertu, et qui n'est point accoutumée à se voir soupçonner d'aucune vilaine action. Adieu. Je suis ravie de voir vos désordres 1 finis et des transports de joie que vous doit donner sa conduite.

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GEORGE DANDIN, seul. Je ne dis mot, car je ne gagnerais rien à parler, et jamais il ne s'est rien vu d'égal à ma disgrâce. Oui, j'admire mon malheur, et la subtile adresse de ma carogne de femme pour se donner toujours raison et me faire avoir tort. Est-il possible que toujours j'aurai du dessous avec elle; que les apparences toujours tourneront contre moi, et que je ne parviendrai point à convaincre mon effrontée ? O ciel! seconde mes desseins, et m'accorde la grâce de faire voir aux gens que l'on me déshonore !

ACTE TROISIÈME

SCÈNE PREMIÈRE: CLITANDRE, LUBIN.

CLITANDRE. La nuit est avancée, et j'ai peur qu'il ne soit trop tard. Je ne vois point à me conduire. Lubin!

1. Désordres querelles.

LUBIN.

CLITANDRE.

LUBIN.

--

Monsieur !

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Est-ce par ici ?

Je pense que oui... Morgué! voilà une sotte nuit, d'être si noire que cela.

CLITANDRE. Elle a tort assurément. Mais, si d'un côté elle nous empêche de voir, elle empêche de l'autre que nous ne soyons vus.

LUBIN.

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Vous avez raison, elle n'a pas tant de tort. Je voudrais bien savoir, monsieur, vous qui êtes savant, pourquoi il ne fait point jour la nuit.

CLITANDRE. C'est une grande question, et qui est difficile. Tu es curieux, Lubin.

LUBIN.

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Oui. Si j'avais étudié, j'aurais été songer à des choses où on n'a jamais songé.

CLITANDRE. Je le crois. Tu as la mine d'avoir l'esprit subtil et pénétrant.

LUBIN.

Cela est vrai. Tenez, j'explique du latin, quoique jamais je ne l'aie appris, et, voyant l'autre jour écrit sur une grande porte collegium, je devinai que cela voulait dire collège. Cela est admirable! Tu sais donc lire, Lubin ? LUBIN. Oui. Je sais lire la lettre moulée, mais je n'ai jamais su apprendre à lire l'écriture.

CLITANDRE.

CLITANDRE.

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Nous voici contre la maison... (Il frappe dans ses mains.) C'est le signal que m'a donné Claudine.

LUBIN.

Par ma foi! c'est une fille qui vaut de l'argent,

et je l'aime de tout mon cœur.

CLITANDRE.

LUBIN.

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Aussi t'ai-je amené avec moi pour l'entretenir. Monsieur, je vous suis...

CLITANDRE. Chut! J'entends quelque bruit.

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-

CLAUDINE. Qu'est-ce ?
CLITANDRE, à Claudine.
LUBIN, à Angélique.
CLAUDINE, à Clitandre.

Ah! madame, que j'ai de joie !
Claudine, ma pauvre Claudine !

- Doucement, monsieur.

ANGÉLIQUE, à Lubin. Tout beau, Lubin.

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LUBIN. Ma foi, la nuit on n'y voit goutte.

ANGÉLIQUE.

Est-ce pas vous, Clitandre ?

CLITANDRE. · Qui, madame.

ANGÉLIQUE.

Mon mari ronfle comme il faut, et j'ai pris ce

temps pour nous entretenir ici.

CLITANDRE.

Cherchons quelque lieu pour nous asseoir.

CLAUDINE. C'est fort bien avisé.

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(Ils vont s'asseoir au fond du théâtre.)

LUBIN. Claudine, où est-ce que tu es ?

SCÈNE III: GEORGE DANDIN, LUBIN.

GEORGE DANDIN. J'ai entendu descendre ma femme, et je me suis vite habillé pour descendre après elle. Où peut-elle être allée ? Serait-elle sortie ?

Où es-tu

LUBIN, prenant George Dandin pour Claudine. donc, Claudine? Ah! te voilà. Par ma foi ! ton maître est plaisamment attrapé, et je trouve ceci aussi drôle que les coups de bâton de tantôt dont on m'a fait récit. Ta maîtresse dit qu'il ronfle à cette heure comme tous les diantres, et il ne sait pas que monsieur le vicomte et elle sont ensemble pendant qu'il dort. Je voudrais bien savoir quel songe il fait maintenant. Ĉela est tout à fait risible ! De quoi s'avise-t-il aussi d'être jaloux de sa femme et de vouloir qu'elle soit à lui tout seul ? C'est un impertinent, et monsieur le vicomte lui fait trop d'honneur. Tu ne dis mot, Claudine? Allons, suivons-les, et me donne ta petite menotte 1 que je la baise. Ah! que cela est doux ! Il me semble que je mange des confitures.

(Comme il baise la main de Dandin, Dandin la lui pousse rudement au visage.)

Tubleu! comme vous y allez! Voilà une petite menotte qui est un peu bien rude.

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