Page images
PDF
EPUB
[blocks in formation]

Ah! bergers!

LYCASTE ET MÉNANDRE.

Prends sur toi plus d'empire.

[blocks in formation]

164

[blocks in formation]

Prend un cruel empire!

Je ne fais voir que rigueur pour Tircis,
Et cependant, sensible à ses cuisants soucis,
De sa langueur en secret je soupire,
Et voudrais bien soulager son martyre.
C'est à vous seuls que je le dis,
Arbres, n'allez pas le redire.

Puisque le ciel a voulu nous former
Avec un cœur qu'amour peut enflammer,
Quelle rigueur impitoyable

Contre des traits si doux nous force à nous armer ?
Et pourquoi, sans être blâmable,
Ne peut-on pas aimer

Ce que l'on trouve aimable ?

Hélas! que vous êtes heureux,

Innocents animaux, de vivre sans contrainte
Et de pouvoir suivre sans crainte

Les doux emportements de vos cœurs amoureux !
Hélas! petits oiseaux, que vous êtes heureux
De ne sentir nulle contrainte,

Et de pouvoir suivre sans crainte

Les doux emportements de vos cœurs amoureux !
Mais le sommeil sur ma paupière
Verse de ses pavots l'agréable fraîcheur;

Donnons-nous à lui toute entière :
Nous n'avons point de loi sévère

Qui défende à nos sens d'en goûter la douceur.

SCÈNE IV CALISTE, endormie, TIRCIS,
LYCASTE, MÉNANDRE.

TIRCIS.

Vers ma belle ennemie

Portons sans bruit nos pas,

Et ne réveillons pas

Sa rigueur endormie.

TOUS TROIS.

Dormez, dormez, beaux yeux, adorables vainqueurs,
Et goûtez le repos que vous ôtez aux cœurs.
Dormez, dormez, beaux yeux.

TIRCIS.

Silence, petits oiseaux;

Vents, n'agitez nulle chose;

Coulez doucement, ruisseaux :

C'est Caliste qui repose.

TOUS TROIS.

Dormez, dormez, beaux yeux, adorables vainqueurs,
Et goûtez le repos que vous ôtez aux cœurs.
Dormez, dormez, beaux yeux.

CALISTE, se réveillant.
Ah! quelle peine extrême !
Suivre partout mes pas !

TIRCIS.

Que voulez-vous qu'on suive, hélas !
Que ce qu'on aime ?

CALISTE.

Berger, que voulez-vous ?

TIRCIS.

Mourir, belle bergère,
Mourir à vos genoux,

Et finir ma misère.

Puisque en vain à vos pieds on me voit soupirer,
Il y faut expirer.

CALISTE.

Ah! Tircis, ôtez-vous, j'ai peur que dans ce jour
La pitié dans mon cœur n'introduise l'amour.
LYCASTE ET MÉNANDRE, l'un après l'autre.
Soit amour, soit pitié,

Il sied bien d'être tendre ;
C'est par trop vous défendre,
Bergère, il faut se rendre
A sa longue amitié.
Soit amour, soit pitié,

Il sied bien d'être tendre.

CALISTE.

C'est trop, c'est trop de rigueur.
J'ai maltraité votre ardeur,
Chérissant votre personne;
Vengez-vous de mon cœur,
Tircis, je vous le donne.

TIRCIS.

O ciel ! bergers! Caliste! Ah! je suis hors de moi !
Si l'on meurt de plaisir, je dois perdre la vie.

LYCASTE.

Digne prix de ta foi !

MÉNANDRE.

O sort digne d'envie !

SCÈNE V DEUX SATYRES, TIRCIS, LYCASTE, CALISTE.

PREMIER SATYRE.

Quoi! tu me fuis, ingrate, et je te vois ici
De ce berger à moi faire une préférence ?

DEUXIÈME SATYRE.

Quoi! mes soins n'ont rien pu sur ton indifférence,
Et pour ce langoureux ton cœur s'est adouci ?

CALISTE.

Le destin le veut ainsi,
Prenez tous deux patience.

PREMIER SATYRE.

Aux amants qu'on pousse à bout
L'amour fait verser des larmes,
Mais ce n'est pas notre goût,
Et la bouteille a des charmes
Qui nous consolent de tout.
DEUXIÈME SATYRE.

Notre amour n'a pas toujours
Tout le bonheur qu'il désire ;
Mais nous avons un secours,
Et le bon vin nous fait rire
Quand on rit de nos amours.

TOUS.

Champêtres divinités,
Faunes, dryades, sortez
De vos paisibles retraites;
Mêlez vos pas à nos sons,
Et tracez sur les herbettes
L'image de nos chansons.

PREMIÈRE ENTRE DE BALLET.

En même temps six dryades et six faunes sortent de leurs demeures et font ensemble une danse agréable, qui, s'ouvrant tout d'un coup, laisse voir un berger et une bergère qui font en musique une petite scène d'un dépit

amoureux.

1. Dryades

DÉPIT AMOUREUX 2

CLIMÈNE, PHILINTE.

PHILINTE

Quand je plaisais à tes yeux,
J'étais content de ma vie,
Et ne voyais roi ni dieux

Dont le sort me fît envie.

nymphes des bois. 2. Ce morceau est une traduction libre

d'une ode fameuse d'Horace.

CLIMÈNE.

Lorsqu'à toute autre personne
Me préférait ton ardeur,
J'aurais quitté la couronne
Pour régner dessus ton cœur.

PHILINTE.

Une autre a guéri mon âme
Des feux que j'avais pour toi.
CLIMÈNE.

Un autre a vengé ma flamme
Des faiblesses de ta foi.

PHILINTE.

Chloris, qu'on vante si fort,
M'aime d'une ardeur fidèle ;
Si ses yeux voulaient ma mort,
Je mourrais content pour elle.
CLIMÈNE.

Myrtil, si digne d'envie,
Me chérit plus que le jour;
Et moi, je perdrais la vie

Pour lui montrer mon amour.

PHILINTE

Mais si d'une douce ardeur
Quelque renaissante trace
Chassait Chloris de mon cœur
Pour te remettre en sa place ?
CLIMÈNE.

Bien qu'avec pleine tendresse
Myrtil me puisse chérir,
Avec toi, je le confesse,

Je voudrais vivre et mourir.

TOUS DEUX ensemble.

Ah! plus que jamais aimons-nous,
Et vivons et mourons en des liens si doux.
Tous les acteurs de la comédie chantent.

Amants, que vos querelles
Sont aimables et belles !
Qu'on y voit succéder
De plaisir, de tendresse !
Querellez-vous sans cesse
Pour vous raccommoder!

Amants que vos querelles
Sont aimables et belles ! etc.

« PreviousContinue »