MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. me faites. SBRIGANI. - C'est trop de grâce que vous Je vous l'ai déjà dit : du moment que je vous ai vu, je me suis senti pour vous de l'inclination. SBRIGANI. Je suis votre serviteur. Quelque chose d'aimable. MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. Ah! ah! SBRIGANI. - Je vous assure que je suis tout à vous. SBRIGANI. Si j'avais l'honneur d'être connu de vous, vous sauriez que je suis un homme tout à fait sincère. MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. Je n'en doute point. SBRIGANI. C'est ma pensée. Vous regardez mon habit, qui n'est pas fait comme les autres; mais je suis originaire de Naples, à votre service, et j'ai voulu conserver un peu et la manière de s'habiller et la sincérité de mon pays. MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. - C'est fort bien fait. Pour moi j'ai voulu me mettre à la mode de la cour pour la campagne. SBRIGANI. Ma foi, cela vous va mieux qu'à tous nos cour tisans. C'est ce que m'a dit mon tailleur ; l'habit est propre et riche, et il fera du bruit ici. Sans doute. N'irez-vous pas au Louvre ? SBRIGANI. ma cour. SBRIGANI. Il faudra bien aller faire Le roi sera ravi de vous voir. MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. SBRIGANI. - Je le crois. Avez-vous arrêté un logis? MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. SBRIGANI. Non, j'allais en chercher un. Je serai bien aise d'être avec vous pour cela, et je connais tout ce pays-ci. SCÈNE IV: ÉRASTE, SBRIGANI, MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. ÉRASTE. Ah! qu'est-ce ci? que vois-je ? quelle heureuse rencontre ! Monsieur de Pourceaugnac, que je suis ravi de vous voir! Comment! il semble que vous ayez peine à me recon naître ! MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. serviteur. ÉRASTE. Monsieur, je suis votre Est-il possible que cinq ou six années m'aient ôté de votre mémoire, et que vous ne reconnaissiez pas le meilleur ami de toute la famille des Pourceaugnac ? MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. gani.) Ma foi, je ne sais qui il est. Pardonnez-moi. (A Sbri ÉRASTE. Il n'y a pas un Pourceaugnac à Limoges que je ne connaisse, depuis le plus grand jusques au plus petit. Je ne fréquentais qu'eux dans le temps que j'y étais, et j'avais l'honneur de vous voir presque tous les jours. MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. C'est moi qui l'ai reçu, Vous ne vous remettez point mon visage ? MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. le connais point. ÉRASTE. Vous ne vous ressouvenez pas que j'ai eu le bonheur de boire avec vous je ne sais combien de fois ? MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. Je ne sais ce que c'est. Excusez-moi. (A Sbrigani.) ÉRASTE. Comment appelez-vous ce traiteur de Limoges qui fait si bonne chère ? MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. ÉRASTE. Petit-Jean? Le voilà. Nous allions le plus souvent ensemble chez lui nous réjouir. Comment est-ce que vous nommez à Limoges ce lieu où l'on se promène ? MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. Le cimetière des Arènes ? ÉRASTE. - Justement. C'est où je passais de si douces heures à jouir de votre agréable conversation. Vous ne vous remettez pas tout cela ? Excusez-moi, je me le remets. (A Sbrigani.) Diable emporte si je m'en souviens! SBRIGANI. Il y a cent choses comme cela qui passent de la tête 1. ÉRASTE. Embrassez-moi donc, je vous prie, et resserrons les nœuds de notre ancienne amitié. SBRIGANI, à Monsieur de Pourceaugnac. qui vous aime fort. ÉRASTE. Voilà un homme Dites-moi un peu des nouvelles de toute la parenté : comment se porte monsieur votre... là... qui est si honnête homme ? ÉRASTE. Certes j'en suis ravi. Et celui qui est de si bonne humeur... là... monsieur votre... MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. ÉRASTE. - Justement. Mon cousin l'assesseur ? · Toujours gai et gaillard. MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. ÉRASTE. Ma foi, j'en ai beaucoup de joie. Et monsieur votre oncle... le... MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. Je n'ai point d'oncle. Vous aviez pourtant en ce temps-là... ÉRASTE. MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. - Non, rien qu'une tante. ÉRASTE. C'est ce que je voulais dire; madame votre tante, comment se porte-t-elle ? Hélas! la pauvre femme ! elle était si bonne per Nous avons aussi mon neveu Quel dommage ç'aurait été ! MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. le chanoine, qui a pensé mourir de la petite vérole. ÉRASTE. MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. Le connaissez-vous aussi ? ÉRASTE. Vraiment si je le connais ! Un grand garçon bien 1. Qui passent de la tête qui sortent de la mémoire. ÉRASTE. Fils de votre frère et de votre sœur... MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. ÉRASTE. vous ? Justement. Chanoine de l'église de... Comment l'appelez Il dit toute la MONSIEUR DE POURCEAUGNAC, à Sbrigani. parenté. SBRIGANI. Il vous connaît plus que vous ne croyez. MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. demeuré longtemps dans notre ville ? ÉRASTE. Deux ans entiers. MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. A ce que je vois, vous avez Vous étiez donc là quand mon cousin l'élu fit tenir son enfant à monsieur notre gouverneur ? ÉRASTE. Vraiment oui, j'y fus convié des premiers. MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. Cela fut galant. ÉRASTE. Très galant. MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. C'était un repas bien troussé. Vous vîtes donc aussi la ÉRASTE. Sans doute. MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. querelle que j'eus avec ce gentilhomme périgordin ?. ÉRASTE. Assurément. Au reste je ne prétends pas que vous preniez d'autre logis que le mien. MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. Je n'ai garde de... ÉRASTE. Vous moquez-vous? Je ne souffrirai point du tout que mon meilleur ami soit autre part que dans ma maison. MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. - Ce serait vous... Non, le diable m'emporte ! vous logerez chez moi. d'accepter l'offre. ÉRASTE. - Où sont vos hardes 1? MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. valet, où je suis descendu. Je les ai laissées, avec mon 1. Vos hardes: vos vêtements, votre bagage. ÉRASTE. Envoyons-les querir par quelqu'un. MONSIEUR DE POURCEAUGNAC. Non, je lui ai défendu de bouger, à moins que j'y fusse moi-même, de peur de quelque fourberie. ÉRASTE. Je-vais accompagner monsieur et le ramènerai Oui, je serai bien aise de donner quelques ordres, et vous n'avez qu'à revenir à cette maison-là. SBRIGANI. Nous sommes à vous tout à l'heure. ÉRASTE. - Je vous attends avec impatience. MONSIEUR DE POURCEAUGNAC, à Sbrigani. naissance où je ne m'attendais point. SBRIGANI. Voilà une con Il a la mine d'être honnête homme. ÉRASTE, seul. - Ma foi, monsieur de Pourceaugnac, nous vous en donnerons de toutes les façons les choses sont préparées, et je n'ai qu'à frapper. SCÈNE V L'APOTHICAIRE, ÉRASTE. ÉRASTE. Je crois, monsieur, que vous êtes le médecin à qui l'on est venu parler de ma part? L'APOTHICAIRE. Non, monsieur, ce n'est pas moi qui suis le médecin ; à moi n'appartient pas cet honneur, et je ne suis qu'apothicaire, apothicaire indigne, pour vous servir. ÉRASTE. Et monsieur le médecin est-il à la maison ? L'APOTHICAIRE. Oui, il est là, embarrassé à expédier quelques malades, et je vais lui dire que vous êtes ici. ÉRASTE. Non, ne bougez, j'attendrai qu'il ait fait; c'est pour lui mettre entre les mains certain parent que nous avons dont on lui a parlé, et qui se trouve attaqué de quelque folie que nous serions bien aises qu'il pût guérir avant que de le marier. L'APOTHICAIRE. Je sais ce que c'est, je sais ce que c'est, et j'étais avec lui quand on lui a parlé de cette affaire. Ma foi, ma foi, vous ne pouviez pas vous adresser à un médecin plus habile; c'est un homme qui sait la médecine à fond comme je sais ma croix de par Dieu 1, et qui, quand on devrait crever, ne démordrait pas d'un iota des règles des anciens. Oui, il suit toujours le grand chemin, le grand chemin, et ne va point 1. Croix de par Dieu nom d'un alphabet dans lequel on apprenait à lire aux enfants. |