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sensuel. Il semble qu'en s'élevant au-dessus du séjour des hommes, on y laisse tous les sentiments bas et terrestres, qu'à mesure qu'on approche des régions éthérées, l'âme contracte quelque chose de leur inaltérable pureté. On y est grave sans mélancolie, paisible sans indolence, content d'être et de penser: tous les désirs trop vifs s'émoussent; ils perdent cette pointe aiguë qui les rend douloureux, ils ne laissent au fond du cœur qu'une émotion légère et douce, et c'est ainsi qu'un heureux climat fait servir à la félicité de l'homme les passions qui font ailleurs son tourment. Je doute qu'aucune agitation violente, aucune maladie de vapeurs, pût tenir contre un pareil séjour prolongé, et je suis surpris que des bains de l'air salutaire et bienfaisant des montagnes ne soient pas un des grands remèdes de la médecine et de la morale. -J. J. ROUSSEAU.

LE SOMMEIL DU MENDIANT.

Il est tombé sans force à côté du chemin;
Son grand bâton noueux, échappé de sa main,
Vient de rouler dans la poussière;

'A l'ombre des buissons il sommeille couché ;
Un vieux livre, à demi sous son manteau caché,
Semble sa richesse dernière.

Son grave et noble aspect a saisi mes esprits:
Que de maux, ô vieillard, sur ton front sont écrits!
Quel calme au sein de tes détresses!
Dieu seul t'a pu donner la paix où je te voi,
Et ce livre, serré sur ton cœur plein de foi,
C'est le trésor de ses promesses.

Le sol aride est doux à tes membres lassés:
Ces nuages épais, près des monts amassés,
Sourdement grondent sur ta tête;

Le jour meurt, le soir vient farouche et menaçant:
N'importe; dans les bras de ton ami puissant,
Tu n'aperçois pas la tempête.

Mais qu'ai-je vu? Ce front chauve et décoloré
D'une vive lueur soudain s'est éclairé,

Commè aux jours de ton plus bel âge.
Sur ta figure éclate un saint étonnement,
Et de tes yeux fermés s'échappent lentement
Des pleurs qui baignent ton visage.

Quel charme a de tes maux suspendu le pouvoir?
Quel heureux souvenir ou quel touchant espoir
Est venu consoler ton âme?

Les cieux, les cieux sans doute un moment entr'ouverts
Te découvrent ce pur et tranquille univers
Que ta pieuse foi réclame.

Sous les palmiers touffus du brillant paradis,
Ne vois-tu pas, dis-moi, ce Maître dont jadis
La terre adora la présence?

La charité du ciel est sur son front serein,
"Approche, te dit-il, bienheureux pélerin,
Aujourd'hui ton repos commence."

Et toi, le cœur ému de ces accents si doux,
De ta tremblante main tu saisis les genoux
De ce Roi de paix et de gloire,

Tandis qu'en chœur joyeux réunissant leurs voix,
Les habitants du ciel entonnent à la fois
L'hymne touchant de ta victoire.

Ton cœur s'est revêtu d'un courage nouveau;
Lève-toi, de ton sort reprends le lourd fardeau;
Affronte la nuit et l'orage;

L'éclair te montre seul ton funèbre sentier;
Mais le ciel dans ton sein habite tout entier,
Le ciel sans ombre et sans nuage.

ALEX. SOUMET.

PART SECOND.

LE BOURGEOIS GENTILHOMME,

COMÉDIE PAR MOLIÈRE.

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