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M. Patelin (l'interrompant). Le retour . . . non, non; ne détournez pas vos gens, je n'ai que deux pas à faire d'ici chez moi comme vous dites, le tailleur aura plus de temps.

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M. Guillaume. Laissez-moi vous donner un garçon qui me rapportera l'argent.

M: Patelin. Eh, point, point. Je ne suis pas glorieux, il est presque nuit; et sous ma robe on prendra ceci pour un sac de procès.

M. Guillaume. Mais, monsieur, je vais toujours vous donner un garçon pour me .

M. Patelin (l'interrompant). Eh, point de façon, yous dis-je ... à cinq heures précises, trois cent trente écus, et l'oie à dîner Oh, çà, il se fait tard: adieu, mon cher voisin, serviteur.

M. Guillaume. Serviteur, monsieur, serviteur. BRUEYS ET PALAPRAT.

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Notre vieux roi, caché dans ces tourelles,
Louis, dont nous parlons tout bas,
Veut essayer, au temps des fleurs nouvelles,
S'il peut sourire à nos ébats.

Quand sur nos bords on rit, on chante, on aime,
Louis se retient prisonnier.

Il craint les grands, et le peuple, et Dieu même;
Surtout il craint son héritier.

Voyez d'ici briller cent hallebardes,
Aux feux d'un soleil pur et doux.
N'entend-on pas le qui-vive des gardes,
Qui se mêle au bruit des verrous?

Il vient! il vient! Ah! du plus humble chaume
Ce roi peut envier la paix:

Le voyez-vous, comme un pâle fantôme,

'A travers ces barreaux épais!

Dans nos hameaux, quelle image brillante
Nous nous faisions d'un souverain!

Quoi! pour le sceptre une main défaillante!
Pour la couronne un front chagrin !

Malgré nos chants, il se trouble, il frissonne:
L'horloge a causé son effroi:
Ainsi toujours il prend l'heure qui sonne
Pour un signal de son beffroi.

Mais notre joie, hélas ! le désespère:

Il fuit avec son favori.

Craignons sa haine, et disons qu'en bon père
'A ses enfants il a souri.

Heureux villageois, dansons:
Sautez, fillettes
Et garçons!

Unissez vos joyeux sons,

Musettes
Et chansons!

BÉRANGER.

LETTRE À MADAME LA DUCHESSE DE BOURGOGNE. N'ESPÉREZ pas un parfait bonheur: il n'y en a point sur la terre; et s'il y en avait, il ne serait pas à la cour. La grandeur a ses peines, et souvent plus cruelles que celles des particuliers: dans la vie privée, on se fait aux chagrins: à la cour, on ne s'y habitue pas.

Votre sexe est encore plus exposé à souffrir, parce qu'il est toujours dans la dépendance. Ne soyez ni fachée, ni honteuse de cette dépendance d'un mari, ni de toutes celles qui sont dans l'ordre de la providence.

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Que M. le duc soit votre meilleur ami, et votre seul confident. Prenez ses conseils, donnez-lui les vôtres; ne soyez, vous et lui, qu'un cœur et qu'une âme.

N'espérez pas que votre union soit parfaite. Les meilleurs mariages sont ceux où l'on souffre tour à tour avec

douceur et avec patience. Il n'y en eut jamais sans quelque contradiction.

Soyez complaisante sans faire valoir vos complaisances; supportez les défauts de l'hymen, ceux du tempérament et de la conduite, la différence des opinions et des goûts. C'est à vous à être soumise; et c'est en vous soumettant à M. le duc de Bourgogne, que vous régnerez sur lui. Prenez sur vous le plus que vous pourrez; sur lui, jamais.

N'exigez pas autant d'amitié que vous en aurez: les hommes sont pour l'ordinaire moins tendres que les femmes; et vous serez malheureuse, si vous êtes délicate en amitié: c'est un commerce où il faut toujours mettre du sien.*

Demandez à Dieu de n'être point jalouse. N'espérez pas faire revenir un mari par les plaintes, les chagrins et les reproches; le seul moyen est la patience et la douceur. L'impatience aigrit et aliène les cœurs; la douceur les ramène. En sacrifiant votre volonté, ne prétendez rien sur celle de votre époux ; les hommes Ꭹ sont encore plus attachés que les femmes, parce qu'on les élève avec moins de contrainte. Ils sont naturellement tyranniques; ils veulent les plaisirs et la liberté, et que les femmes y renoncent. N'examinez pas si leurs droits sont fondés; qu'il vous suffise qu'ils sont établis ; ils sont les maîtres; il n'y a qu'à souffrir et obéir de bonne grâce. Parlez, écrivez, agissez, comme si vous aviez mille témoins; comptez que tôt ou tard tout est su: il est très dangereux d'écrire.

Ne confiez à personne rien qui puisse vous nuire, s'il est redit. Comptez que les secrets les mieux gardés, ne le sont que pour un temps; et qu'il n'est point de pays où il y ait plus d'indiscrétion que celui-ci, (la cour) où tout se fait avec mystère.

Aimez vos enfants: voyez-les souvent: c'est l'occupation la plus honnête qu'une princesse, et qu'une paysanne puisse avoir. Jetez dans leur cœur les semences de toutes les vertus; et en les instruisant, songez que de leur éducation dépend le bonheur d'un peuple qui mérite d'être aimé de ses princes. Exposez-vous au monde selon les bienséances de votre état. Si vous êtes inaccessible, vous ne serez pas aimée.

* Mettre du sien, to contribute to, to exert one's self.

N'épousez les passions de personne; c'est à vous de les modérer, et non pas à les suivre. Regardez comme vos véritables amis ceux qui vous porteront toujours à la douceur, à la paix, au pardon des injures; et par la raison contraire, craignez et n'écoutez pas ceux qui voudront vous exciter contre les autres, sous quelque apparence de zèle et de raison qu'ils couvrent leurs intérêts ou leurs ressentiments.

Défiez-vous des personnes intéressées, vaines, ambitieuses, vindicatives; leur commerce ne peut que vous nuire. N'ayez jamais tort. Ne vous mettez point en état de craindre la confrontation. Donnez toujours de bons conseils, si vous osez en donner. Excusez les absents, et n'accusez personne. Encore une fois, n'entrez point dans les passions des courtisans. Vous leur plairez moins dans le temps de leur faveur; ils vous estimeront quand leur accès sera passé. Une princesse ne doit être d'aucun parti, mais établir partout la paix.

Sanctifiez toutes vos vertus, en leur donnant pour motif l'envie de plaire à Dieu.

Aimez l'Etat; aimez la noblesse qui en est le soutien ; aimez les peuples; protégez les campagnes à proportion du crédit que vous aurez. Soulagez-les autant que vous pourrez.

Ne vous laissez pas aller aux mouvements intérieurs : on a toujours les yeux ouverts sur les princes. Ils doivent donc toujours avoir un extérieur doux, égal, et médiocrement gai. Cependant montrez que vous êtes capable d'amitié. Votre amie est malade, ne cachez point votre inquiétude; elle meurt, montrez votre affliction. Soyez tendre aux prières des malheureux, Dieu ne vous a fait naître dans le haut rang, que pour vous donner le plaisir de faire du bien. Le pouvoir de rendre service et de faire des heureux est le vrai dédommagement des fatigues, des désagréments, de la servitude de votre état. Soyez compatissante envers ceux qui recourent à vous, pour obtenir des grâces; mais ne soyez pas importune à ceux qui les distribuent ou qui les donnent. N'entrez dans aucune intrigue, quelque intérêt et quelque gloire qu'on vous y fasse envisager: aimez vos parents; Mais que la France soit votre seule patrie; la France ne vous aimera qu'autant que vous saurez l'aimer.

Soyez en garde contre le goût que vous avez pour l'es

prit. Trop d'esprit humilie ceux qui en ont peu. L'esprit vous fera haïr par le plus grand nombre, et peut-être mésestimer des personnes sages.—MAD. DE MAINTENON.

CARACTÈRE DES FRANÇAIS.

De tous les peuples le Français est celui dont le caractère a dans tous les temps éprouvé moins d'altération. On retrouve le Français d'aujourd'hui dans ceux des croisades, et en remontant jusqu'aux Gaulois, on y remarque encore beaucoup de ressemblance. Cette nation a toujours été vive, gaie, brave, généreuse, sincère, présomptueuse, inconstante, avantageuse, inconsidérée. Ses vertus partent du cœur, ses vices ne tiennent qu'à l'esprit, et ses bonnes qualités corrigeant ou balançant les mauvaises, toutes concourent peut-être également à rendre le Français de tous les peuples le plus sociable.

Le grand défaut du Français est d'être toujours jeune, et presque jamais homme; par là il est souvent plus ai mable, et rarement sûr; il n'a presque point d'âge mûr, et passe de la jeunesse à la caducité.

Nos talents s'annoncent de bonne heure; on les néglige longtemps par dissipation, et à peine commence-t-on à vouloir en faire usage, que leur temps est passé; il y a peu d'hommes parmi nous qui puissent s'appuyer de l'expérience.

Il est le seul peuple dont les mœurs peuvent se dépraver, sans que le cœur se corrompe, et que le courage s'altère; qui allie les qualités heroïques avec le plaisir, le luxe et la mollesse; ses vertus ont peu de consistance, ses vices n'ont point de racine. Le caractère d'Alcibiade n'est pas rare en France.

Le déréglement des mœurs et de l'imagination ne donne point atteinte à la franchise et à la bonté naturelle du Français. L'amour-propre contribue à le rendre aimable: plus il croit plaire, plus il a de penchant à aimer. La frivolité qui nuit au développement de ses talents et de ses vertus, le préserve en même temps des crimes noirs et réfléchis: la perfidie lui est étrangère, et il est emprunté dans l'intrigue. Si l'on a quelquefois vu chez lui des crimes odieux, ils ont disparu plutôt par le caractère national, que par la sévérité des lois.-DUCLOS.

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