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inintelligibles à Bochart. Comme il n'avoit plus ici le secours présumé d'une traduction latine, il a désespéré de venir à bout d'en tirer un sens, et s'est borné à déclarer qu'il soupçonnoit que ces 6 vers étoient en langage lybique ou africain, et contenoient probablement encore les mêmes pensées que les 10 vers puniques précédens, ou les 11 vers latins suivans. Il est vrai qu'on y voit encore figurer les deux noms propres Antidamas et Agorastocles; cependant, comment rendre raison de cette triple répétition?

Lors de mon séjour à Saint-Sébastien, ville principale du Guipuzcoa, je consultai un savant Basque espagnol, don Iztueta (*), sur ces 10 vers puniques; et il prétendit les expliquer facilement à l'aide de sa

(*) Don Juan Ignacio de Iztueta a fait imprimer, à Saint-Sébastien, en 1824, chez Baroja, un volume in-8.o, que comprende las antiguas uzanzas de bailes, sones, juegos, y otras diversiones originales de la muy noble y muy leal provincia de Guipuzcoa. Cet ouvrage, composé en basque, dialecte de Guipuzcoa, est intitulé: Guipuzcoaco dantza gogoangarrien condaira, edo istoria beren soñu zar, eta itz neurtu edo versoaquin.

Ce respectable savant, après avoir lu ma Dissertation sur la langue basque, dont j'avois eu l'honneur de lui adresser un exemplaire, m'en accusa la réception en ces termes : Recivi la Memoria que vm, ha escrito sobre la lengua bascongada, la que ha gustado mucho y parecido muy bien á todos los aficionados á la literatura y bellas letras. Tanto estos, como todos los amantes de su patria, y que se interesan en sus glorias, se han llenado de gozo, al ver que un Francés, que hasta ahora

langue maternelle. Il a fait, comme Bochart, des coupes de mots différentes, et ajouté ou retranché quelques lettres au besoin; mais il résulte de son interprétation, que ces 10 vers n'ont aucun rapport avec les 11 vers latins, quoique Bochart eût pris ces derniers pour la traduction pure et simple des premiers. Cette diversité ne m'a rien offert d'étonnant; j'étois même ravi de voir Plaute délivré du reproche d'une répétition monotone. Mais ce qui m'a bientôt ramené, malgré moi, à l'opinion de Bochart, c'est que l'explication de don Iztueta, en langue espagnole, ne m'a offert que des mots vides de sens. Voici son début :

no ha tenido conocimiento ninguno de dicha lengua, la haya alabado tanto, y prodigado tantos elogios !

On m'écrit aussi de Tolosa: He visto la Disertacion sobre la lengua bascongada, que me ha gustado mucho, y mas el interes que vm. va tomando para engrandecer este idioma de nuestro pais.

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Je ne veux pas alonger cette note par trop de citations; mais je ne puis m'empêcher de rapporter encore quelques lignes d'une lettre dont m'a honoré un savant Basque français, aussi recommandable par ses lumières que par ses vertus. « Tout Basque » tant soit peu patriote, et vous savez que nous le sommes >> tous beaucoup, doit être infiniment flatté de voir un homme » versé dans la connoissance des langues savantes, s'occuper » de la nôtre avec tant d'intérêt. Quant à moi en particulier, » il ne m'est pas aisé de vous exprimer tout le plaisir que j'en » éprouve. »

Ni hal oni nua onutsi gorat hisi macon, sith
Chimel, lach, chumith mamicti, al mintibari imischi,
Lepho gañethi tha biz mithi ja dedin min urthija.

Traduction littérale, selon don Iztueta :

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Yo á este poder voi bien asido á levantarlo arriba del buen gancho ó cetro abatido ó cansado duradero enlazado ó pegajoso el mas sutil y fino del meollo, al poder doloroso asid -por encima del pescuezo y doblemente de la lengua para que calle el mal aproxi

mante.

J'allois renoncer à mon espérance de prouver l'identité du basque et du punique, lorsque M. le vicomte de Panat, sous-préfet de Bayonne, m'honora d'une lettre, en date du 26 avril 1826, dans laquelle il m'adressoit un travail qui venoit de lui être communiqué par le consul de France à Santander. M. L. F. Graslin demande si, par une nouvelle distribution des mots, sans changement ni substitution de lettres dans le texte punique de Bochart, ou dans tout autre texte d'une édition de Plaute, on peut trouver un sens qui s'applique mieux (que l'interprétation qu'il propose) à l'entrée d'Hannon sur la scène; surtout si l'on ne perd pas de vue qu'il y paroît accompagné de plusieurs esclaves ou domestiques chargés de paquets. Il demande aussi si le rétablissement du texte, présenté en langue basque antique, peut véritablement être considéré comme offrant un lan

gage basque antique, et s'il est encore intelligible aujourd'hui pour des hommes très-versés dans cette langue.

Pour répondre aux nobles vues de MM. le consul et le sous-préfet, j'ai réuni près de moi des officiers éclairés, d'habiles ecclésiastiques, et d'autres savans Basques, dont les uns étoient de Saint-Jean-de-Luz ou de Hasparren, les autres de Saint-Jean-Pied-de-Port, et d'autres enfin de Mauléon ou de Saint-Palais; tellement que les trois dialectes du basque français, c'est-à-dire le labourtain, celui de la Basse-Navarre, et celui de Soule et Mixe, se sont trouvés représentés à Toulouse.

Après leur avoir exposé en peu de mots le sujet de la pièce de Plaute intitulée Poenulus, et avoir mis sous leurs yeux la première scène du cinquième acte, je leur ai rendu compte de l'opinion de Bochart et du travail de ce savant, pour expliquer, à l'aide de l'hébreu, les vers puniques Ny thalonim valon uth..., dont il croyoit voir une traduction fidèle dans les vers latins Deos deasque veneror....., qui terminent cette même scène. Je leur ai ensuite fait part de l'essai de don Iztueta, Ni hal oni....., Yo á este poder.....; et, après ces divers préambules, j'ai appelé leur attention sur le rétablissement du texte des 10 vers puniques, et sur leur explication à l'aide de la langue basque, telle qu'elle existe encore aujourd'hui dans les pays basques, français et espagnols;

travail exécuté par le R. P. Bartholomé de Santa Theresa, carme déchaussé, sur l'invitation et suivant les indications de M. L. F. Graslin, consul de France 'à Santander.

Citons ici les trois premiers vers, comme échantillon du travail du R. P. Bartholomé.

Texte ancien :

Ny thalonim valon uth si corathisima consith
Chym lach chunyth mumis tyalmyctibari imischi
Lipho canet hyth bymithii ad ædin binuthii.

Texte corrigé :

Nyth al oni mu: al on uths! yc orathisim ; ac on sith.
Chym lachchu, nyth mum istyal myctibari imischi!
Liphoça net : hyth bym ithii; a dedin, byn uthii.

Basque moderne :

Nic al oni mun: o al on utsa! yc oratijon: ac on zic.
Cein latzchu, nic emen istia mirabari mizqui!

Lepoca nic: yc bein itchi; a dedin, bein utzi.

Traduction française littérale :

J'embrasse ce pouvoir : ó pouvoir excellent! assure-toi

de son secours pour celui-là, c'est fort bien.

je regrette de laisser peu à l'esclave (fém.)!

Que

Cec

me regarde laisse-le un peu ; qu'il reste (se repose).

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