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Voici le résumé des avis de la Commission cantabrique, qui a bien voulu m'éclairer de ses lumières:

1.o Le texte des 10 vers puniques de la comédie du Poenulus (acte cinquième, scène première), tel que le donne Bochart dans sa Géographie sacrée, (pag. 800), ou tel qu'il se trouve dans toutes les éditions de Plaute, n'a pas paru présenter un texte basque.

2.° Ce même texte corrigé par le R. P. Bartholomé, de manière à offrir en langue basque antique un texte très-intelligible encore aujourd'hui, sans autre changement que celui d'une nouvelle division des mots, n'a pas encore paru présenter un texte intelligible.

3.o La traduction libre, ou paraphrase en basque moderne, du texte de Plaute rétabli en langue basque antique, a offert quelques mots basques isolés; cependant la Commission a déclaré que le basque moderne du R. P. Bartholomé pouvoit bien être du biscayen, mais qu'un Basque français ne le comprendroit pas plus que le basque de don Iztueta, qui étoit sans doute écrit en dialecte de Guipuzcoa.

4.° Quant à la traduction française littérale, elle a semblé n'offrir que des phrases décousues, et qui toutes se rendroient, en basque moderne français, d'une manière tout autre que celle dont elles sont exprimées.

Je conclus donc en mon particulier : 1.o Qu'il ne faut pas encore rejeter l'explication de Bochart, et qu'il faudra s'en contenter, jusqu'à ce qu'on nous donne un sens aussi suivi que le sien, et exprimé en basque réellement intelligible; 2.o que le biscayen étant le dialecte le plus difficile à comprendre pour des Basques français (*), pourroit bien être par cela même moins éloigné du punique, si toutefois il n'étoit pas, comme essaie de le prouver le R. P. Bartholomé, du pur carthaginois.

Je finirai cet Avant-propos en éveillant l'attention des doctes Cantabres sur les 6 vers présumés lybiques, qui suivent les 10 vers puniques, et sur les petites phrases carthaginoises dont la seconde scène du même acte est parsemée, telles que: Avo donni, me bar bocca, etc.

(*) Ab aquitanicá dialecto nonnihil differt navarrica, plusculùm ipuscuana et alavensis, omnium maximè biscaïna. Arnoldus OIHENARTUS Mauleo-solensis, in Notitia utriusque Vasconiæ, tum ibericæ tum aquitanicæ (pag. 72). Parisiis, Sebast. Cramoisy, 1638, in-4.o

S. I.er

ALPHABET BASQUE.

DON Astarloa vante beaucoup la perfection de l'alphabet basque. Don Ziriza, don Erro, et leur copiste l'abbé d'Iharce, trouvent dans cet alphabet une foule prodigieuse de mystères. Le fait est que cette langue n'a point d'alphabet, du moins qui lui soit propre.

Il est possible qu'elle en ait eu un; cela est même trèscroyable, s'il est vrai que le basque ait été la langue universelle de l'antique Ibérie; puisque, d'après le témoignage de Strabon, qui vivoit sous les empereurs Auguste et Tibère, les Turdétans ou Turdules, peuples de la Bétique, conservoient par écrit leurs anciennes histoires, et avoient même des poèmes et des lois en vers, qui datoient (selon eux) de six mille ans.

Voici comme s'exprime Strabon, à leur sujet, au livre III de sa Geographie : Σοφώτατοι δ' ἐξετάζονται τῶν Ἰβήρων οὗτοι καὶ γραμματικῇ χρῶνται· καὶ τῆς παλαιᾶς μνήμης ἔχουσι τὰ συγγράμματα, καὶ ποιήματα, καὶ νόμους ἐμμέτρους ἐξακιςχιλίων ἐτῶν, ὡς φασι. Καὶ οἱ ἄλλοι δ ̓ Ἴβηρες χρῶνται γραμματικῇ, οὐ μιᾷ ἰδέᾳ· οὐδὲ γὰρ γλώττῃ

. Hi verò (Turdetani seu Turduli) omnium Hispanorum doctissimi judicantur, utunturque grammaticá; et antiquitatis monumenta habent conscripta, ac poëmata, et metris inclusas leges à sex millibus (ut aiunt) annorum. Utuntur et reliqui Hispani grammaticá, non unius autem generis: quippè ne eodem quidem sermone.

Le R. P. Larramendi et don Erro, qui veulent prouver, par ce passage de Strabon, l'antiquité de la langue basque, se trouvent arrêtés par une petite difficulté. En effet, Strabon ne parle pas de la Cantabrie, mais de la Bétique. Pour aplanir cette difficulté, ils soutiennent que la langue basque étoit la langue universelle de l'Espagne. Mais n'est-ce pas tomber de Charybde en Scylla? puisque Strabon nous dit expressément :

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« Les autres Espagnols font aussi usage de la grammaire, mais non pas tous de la même : ils n'ont même pas tous le même langage.» Pour se tirer de ce nouvel embarras, ils prétendent que, par diversité de langages, il faut entendre une seule et même langue, avec différens dialectes. Ils accordent aussi facilement les six mille ans des Turdules avec la chronologie de Moïse, en disant que ces années étoient de trois ou quatre mois : años de tres y de quatro meses de duracion. mendi, prolég., pag. xxxiv ; don Erro, alph., pag. 17.

Larra

La langue basque ne s'étant conservée jusqu'à nos jours qué par tradition orale, n'a donc pas d'alphabet particulier. Les Basques apprennent à leurs enfans à parler leur langue, comme ils l'ont appris eux-mêmes de leurs pères; mais ils ne font que la parler : ils ne l'écrivent point, ne la lisent point. Exceptons cependant le Catéchisme et quelques livres de prières, qu'ils savent par cœur dès leur plus tendre enfance. Lorsque les prêtres, et autres personnes instraites, vealent faire imprimer quelques opuscules en langue basque, ils ont recours aux caractères latins, et tâchent, par ce moyen, de peindre le plus fidèlement possible les sons de leur langue maternelle.

Les voix simples sont représentées par les cinq voyelles

latines :

A, E, I, O, U,

et les voix composées ou diphthongues, par :

ai, ei, oi, au, eu, ea, ia, oa, ua, ue, etc.

Les articulations sont exprimées par les consonnes latines B, ca, que, k, kh, ça, za, ce, d, f, ga, gue, ja, je, ya, ye, h, ch, tch, 1, 11, lh, m, n, ñ, nh, p, ph, r, rr, err, s, z, t, th, tti, tsa, tza, tce, xu.

On peut faire, sur la prononciation basque, les remarques

suivantes :

1. Dans la Soule (arrondissement de Mauléon), la voyelle U se prononce comme un U français, tandis que partout ailleurs, elle se prononce OU.

2. Dans toute la Cantabrie française, plusieurs consonnes, et notamment P, K, T, s'articulent ordinairement avec une forte aspiration. Par exemple, apheza, bekhatua, maithatcea se prononcent ap-heza, bek-hatua, mait-hatcea.

3. Dans la Cantabrie espagnole, au contraire, on ne fait aucun usage du H aspiré; on écrit et on prononce nai, doatsu, et non pas nahi, dohatsu.

4.o Jesus, jauna, jaten dute, se prononcent, en Soule, comme si c'étoient des mots français; mais dans le Labourt, on prononce Yesous, yaouna, yaten doute, et dans le Guipuzcoa, Khesous, khaouna, khaten doute.

5.o Les Basques ne connoissent pas le V, et ne font usage que du B.

6. Aucun mot basque ne commence par R; et, pour dire Rome, Roi, on dit erRoma, erReguea.

7.o Les voyelles varient selon les différens dialectes; on dit donc ematea ou emaitea, yatea ou ratia, cein ou zoin, astua ou astoa, dire ou dira. On dit, en Labourt, dut, duc, dugu; en Biscaye, dot, doc, dogu; et dans le Guipuzcoa, det, dec, degu.

8. Il faut éviter de confondre plusieurs mots dont la prononciation semble se rapprocher beaucoup, tels que ceux-ci : eria, malade; erhia, doigt; herria, bourgade.

S. II.

LITTÉRATURE BASQUE.

La langue basque, selon Larramendi (prolégomènes de son Dictionnaire, imprimé en 1745), ne possède aucun livre, imprimé ou manuscrit, qui ait deux siècles d'antiquité. A cette occasion, il ne peut s'empêcher de déplorer la perte de ces histoires, poèmes, et lois en vers des Turdétans ou Turdules, qui, dès le temps de Strabon, remontoient jusques à 6000 ans, et conséquemment auroient aujourd'hui une date d'environ 80 siècles! Le peu de livres imprimés en basque,

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