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XXIV. Les Loups et les Brebis.

LES Loups, après avoir fait long-temps la guerre aux Brebis, leur envoyèrent des Ambassadeurs pour traiter de la paix. On convint de se donner des ôtages de part et d'autre. Les Loups donnèrent leurs Louveteaux, et les Brebis consentirent à donner leurs chiens. Quelque temps après, les Louveteaux, devenus plus grands, se jetèrent sur les Brebis, et les dévorèrent sans difficulté, parce qu'elles n'avaient plus leurs chiens pour les secourir. Les Loups, de leur côté, étranglèrent les chiens, pendant qu'ils dormaient en assurance sur la foi du traité.

Une paix qui met les gens hors d'état de se défendre en cas de guerre, est nécessairement suivie de la guerre ; et une situation qui les laisse à la merci de l'ennemi, est pire que la guerre même.

XXV. Le Serpent et la Lime.

ON raconte qu'un Serpent, voisin d'un Serrurier (c'était pour lui un mauvais voisinage) entra dans sa boutique,3 et que cherchant quelque chose à manger, il se mit à mordre une Lime. Eh! que prétendez-vous faire, pauvre sot, lui dit tranquillement la Lime, et sans se mettre en colère. Comment pourriez-vous me ronger? Vous vous casseriez plutôt toutes les dents. Je suis plus dure que le fer même.

Souvent en voulant nuire aux autres, on ne nuit qu'à soi-même.

Loups. The is not pronounced in this word, and the final s is sounded like z.

2 On convint de, "they agreed to give."

3 Boutique is pronounced like boo-teek.

En voulant, "whilst wishing." The preposition en is frequently used

XXVI. Le Laboureur et ses Enfans.

UN Laboureur se voyant près de mourir, et ne laissant point de bien à ses Enfans, s'avisa d'une chose pour les engager au travail, afin qu'ils puissent gagner leur vie. Il les fit venir auprès de son lit, et leur tint ce langage. Mes enfans, tout ce que j'ai pu amasser pendant ma vie, je l'ai caché dans notre champ; vous l'y trouverez, quand je serai mort. Le vieillard mourut peu de temps après. Ses-enfans persuadés qu'il y avait un trésor caché dans ce champ, ne manquèrent pas d'y aller avec des bêches et des | hoyaux, après avoir enterré leur père, et ils remuèrent la terre avec beaucoup d'ardeur et d'assiduité. A la vérité ils ne trouvèrent point de trésor, puisqu'il n'y en avait point: mais la terre qui avait été si bien remuée, produisit une très grande quantité de grain; de sorte qu'ils furent bien récompensés de leur peine.

Ceux qui ne sont pas nés riches, peuvent acquérir du bien par leur diligence, et par leur industrie.

XXVII. Le Renard et les Raisins.

UN Renard affamé, apercevant de fort belles grappes de raisins, qui pendaient à un cep3 de vigne un peu haut, sautait de toutes ses forces pour les avoir. Quand il vit qu'il se donnait de la peine en vain, et qu'il ne

with the present participle, particularly when it implies an action simultaneous with that of the principal verb.

1 Afin que, "in order that." Afin is a corruption of two Latin wordsad finem, "to the end that;" hence it comes to signify, "in order that." Qu'il y avait, "that there was." This is a French idiom. It means

literally, that it had there."

3 Cep. The final letter is pronounced in this word.
4 Quand. The final d is sounded like t before a vowel.

pouvait absolument pas y atteindre: Peste des1 raisins! dit-il en s'en allant, ils ne sont pas encore mûrs. Je n'en mangerais pas, si l'on me les donnait.

Il est de la prudence de faire de nécessité vertu.

XXVIII. L'Ane,.le Lion, et le Coq.

UN Ane paissait un jour dans2 un pré, où il y avait un Coq. Un Lion vint pour3 attaquer l'Ane. Le Coq chanta. On dit que le Lion a une horreur naturelle pour le chant du Coq: c'est pourquoi il prit la fuite. L'Ane, croyant follement que le Lion avait peur de lui, se mit à le poursuivre, et | à braire de toutes ses forces. Mais quand le Lion fut assez éloigné pour ne plus entendre le Coq, il revint sur ses pas, se jeta sur l'Ane, et le déchira. Alors l'Ane, dit en mourant: Pourquoi ai-je voulu faire le vaillant, et m'exposer au combat, puisque je suis né sans courage et sans forces?

C'est une grande imprudence d'attaquer un ennemi plus fort que soi: car on court risque d'être vaincu.

XXIX. La Mouche et la Fourmi.

Laissez-moi travailler :

Ni mon grenier, ni mon_armoire

Ne se remplit à babiller.-LA FONTAINE.

LA Mouche et la Fourmi disputaient, avec beaucoup de

1 Peste des raisins, "plague upon the grapes."

2 Dans. Pronounce the final s in this word like z, when it comes before a vowel.

3 The infinitive is preceded by pour when we intend to express the end, the cause for which a thing is done; and whenever the prepositiou to can be changed into in order to.-CAMBIER.

4 Beaucoup. The word bien is always followed by the partitive article, and beaucoup by the preposition de.-OLLENDORF,

chaleur, sur l'excellence de leur état, et sur le bonheur de leur sort. Vil insecte rampant, disait la Mouche à la Fourmi, (en lui reprochant la bassesse de sa naissance, et la vie dure qu'elle menait,) osez-vous bien vous comparer à un animal aussi noble que moi? Je vole comme les oiseaux; j'habite les palais des rois; j'entre dans les temples des dieux; je me place sur leurs autels; je suis des festins les plus magnifiques; je goûte des mêts les plus délicieux; je mange et bois de tout ce qu'il y a de meilleur, sans travailler, ni prendre le moindre souci pour vivre: en un mot, je jouis de tous les plaisirs, et de tous les honneurs de la vie. Pouvez-vous vous vanter de rien de semblable?

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La Fourmi répondit: Avez-vous donc oublié votre naissance, ma grande dame? Vous volez, il est vrai; mais vous avez rampé, comme moi. Il vous convient bien de vous vanter de la vie de délices que vous menez! Ce n'est que par fainéantise. D'ailleurs vous faites métier de vivre aux dépens d'autrui;2 aussi vous mourez de faim la plupart du temps. Vous avez l'impudence de vous fourrer partout; j'en conviens; mais on ne saurait vous souffrir nulle part. On vous chasse toujours, et quelquefois même il vous en coûte la vie. Au lieu que moi, je ne suis à charge à personne; si j'ai un peu de peine pendant | un temps, du moins après, je jouis tranquillement du fruit de mon travail. Attendez à cet hiver pour vous préférer à moi, et nous verrons alors laquelle des deux aura le plus

1 Je suis, "I attend," literally "I follow." In this passage, suis is the first person singular, present tense, indicative mood, from suivre "to follow."

2 Autrui. When the word others is in the genitive or dative cases, or preceded by a preposition, it is most commonly expressed in French by autrui.-HAMEL.

3 Au lieu

que, "whereas."

sujet d'être contente de son sort. Mais que dis-je ? Vous périrez de faim, de froid, et de misère. Adieu. Allez vous divertir, et laissez-moi faire mes affaires.1

Le bonheur de la vie ne consiste pas tant à posseder de petits avantages, qu'à être exempt de grandes incommodités ; et | une honnête mediocrité est la condition plus2 heureuse,

XXX. La Brebis, le Chien, et le Loup.

UN Chien demandait à une Brebis | un pain qu'il disait lui avoir prêté. Celle-ci3 nia la dette; le Chien, étant obligé de la prouver, suborna pour témoin un Loup, qui déposa qu'elle devait le pain. La Brebis fut condamnée, sur ce faux témoignage, à payer ce qu'elle ne devait pas. Quelques jours après voyant des Chiens qui étranglaient le Loup, cela la consola de l'injustice qu'on lui avait faite. Voilà, s'écria-t-elle, la récompense que méritent les fourbes.

4

Les innocens ne sont point_en sûreté contre l'oppression des faux témoins: mais il est un Dieu juste, qui punit, tôt | ou tard, l'injustice et le crime.

Laissez-moi faire mes affaires, "allow me to attend to my business." 2 This moral is given as it appears in the author's genuine edition. It has been curtailed and altered in other editions of these Fables.

3 Celle-ci, "the former." The pronouns celui, celle, with the addition of the words ci and là, are used in the sense of this one, that one, the latter, the former. They agree in gender with the word which they represent.

You have this one (the latter), but you have not that one (the former).
Vous avez celui-ci, mais vous n'avez pas celui-là.— FASQUELLE.

4 S'écria-t-elle. When the third person singular of a verb ends with a vowel, we place between the verb and the pronoun, the euphonic letter t, preceded and followed by a hyphen; as, Aura-t-il? will he have? Danset-elle ? does she dance?-GRAMMAIRE DES GRAMMAIRES.

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