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Et de plaisirs il s'environne.

Il est revenu le mois de mai
Qui plaît tant

Quand il renaît;

Sur la côte, dans la plaine,
A le chanter tout s'empresse,
Car s'il nous vient piâno-piáno,
Comme l'éclair il s'en va.

Et partout l'on n'entend que des chanteurs;
El partout l'on ne voit que frairies et danseurs.
Le printemps, est passé enfin ;
Le plaisir reste
Dehors;

Seulette, une voix douce ainsi se plaint dedans :

« Les hirondelles sont revenues,

» Je vois mes deux au nid, là haut...
» On ne les a pas séparées,

» Elles comme nous autres deux !

» Elles descendent, les voici, je les ai presque dessus; » Qu'elles sont luisantes et jolies !

» Elles ont toujours au cou le ruban

» Que Jacques y attacha pour ma fête, l'an passé, » Quand elles venaient becqueter dans nos mains unies >> Les moucherons d'or que nous choisissions.

» Elles aimaient Jacques; où je m'assieds

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Déjà elles le vont chercher des yeux;

» Oh! vous pouvez tournoyer autour de mon siége;

» Jacques n'y est plus, pauvres oiseaux!

Je le pleure seule, sans amie,

» L'amitié de pleurs se fatigue;

>> Mais restez-moi, yous autres; ma chambre est au soleil; » Je ferai tout, tout, pour que vous vous attachiez à moi. » Restez, oiseaux aimés de Jacques,

» J'ai tant de besoin de parler de lui!

» Elles ne sont pas du tout folâtres;

» Elles ont l'air de sentir le bien que cela me fait;

» Elles se caressent, pauvres bestioles !

>> Caressez-vous longtemps, votre bonheur me plaît.
» Je les aime, car elles me sont fidèles,
» Et Jacques leur ressemble; oh! fidèle, Jacques l'est;
» Mais personne ne tue les hirondelles,

» Et les hommes se tuent entre eux!...

> Pourquoi donc n'écrit-il plus?... mon Dieu, qui sait où il est ? >>> Il me semble qu'on va dire : « il est mort! » toujours je frémis; » Cette peur sangle mon cœur;

» Sainte Vierge, ôtez-la moi!

>> Car la fièvre du tombeau me brûle, je m'éteins;

» Et pourtant, bonne mère de Dieu,

>> Je voudrais vivre si Jacques vit!

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Où êtes-vous, hirondelles jolies?

» Ah! je me plains trop fort, et je vous ai effrayées;

» Portez-moi bonheur! revenez à mon soleil;

» Jegémirai doucement pour qu'à moi vous vous attachiez;

>> Revenez, oiseaux aimés de Jacques,

> J'ai tant de besoin de parler de lui!»

Et chaque jour ainsi se plaignait l'orpheline.
Son vieil oncle en gémissait.

Marthe l'a vu pleurer; elle veut chasser sa langueur ;
Il y a des cœurs pleins de force et d'autres qui n'en ont point :
La langueur l'emporta, Marthe s'éteignail;

Et le monde léger, toujours prêt à voir en mal,
Riait de son chagrin et n'y voulait pas croire.
Cependant, quand la Toussaint arriva,
Qu'à la messe on vit deux cierges

Brûler pour la mourante à l'autel de la Vierge;
Quand ensuite le prêtre dit :

« La mort plane au chevet d'une jeune souffrante;
» Bonnes âmes, priez pour Marthe agonisante... »
Chacun baissa la tète, honteux;

Et du cœur les Pater sortaient baignés de pleurs.

Mais elle ne mourra pas ! Voici la pointe de l'aube,
Que la mort comble sa fosse!

Son oncle, à son chevet, vient de lui dire un mot;
Son cœur l'a reçu; ce doux mot la sauve...

Elle est sauvée !... Bientôt le feu retourne à son œil;
Son sang court rafraîchi sous sa blanche peau;
A grands flots allumés la vie lui est revenue.

<< Tout est prêt, ma fille, a dit l'oncle riant. »
Et la fille répond : « Travaillons! travaillons! »
Enfin, qui le croirait? Marthe, rendue à la vie,
Vit pour un autre amour, pour l'amour de l'argent.
Oui! de l'argent! elle en veut; l'argent seul la tourmente;
Avec son sang elle en achèterait.

Mais le travail en donne à toute main vaillante :
Vaillante donc sera la sienne.

Sous l'arceau qui s'ouvre,

Quelle est cette marchande

Qui dans un hameau a su

Faire tant de bruit, tant de bruit?

Qui vend et achète sans cesse ?
C'est Marthe; chacun la vante;

Elle est douce, amicale, attirante;
Ses acheteurs toujours font la boule de neige;
Aujourd'hui elle en a vingt, demain quarante ;
Et toujours l'or pleut

Sous son arceau.

Un an se passe ainsi; Marthe, heureuse, travaille,
Car Jacques n'est pas mort, on l'a vu.

Plus d'une fois son bras tombe et son œil s'éteint
Quant vient le bruit d'une bataille;

Mais son courage est bientôt revenu

Si le bruit ne dit rien d'un régiment qu'elle connaît.

Son oncle, un jour, lui dit au fond de sa chambrette : « Pour atteindre au bonheur que tu veux,

» Il faut mille pistoles, Marthe;

» Et tu les auras bientôt ; petite pile devient grosse;
» Nous ne vendrons pas la maison; regarde le tiroir :
» Avec l'argent de ma vigne et ce que tu as gagné
»Tu en as déjà plus de la moitié;

» Attends encore un peu; que veux-tu ? le bonheur coûte; » Mais tu as déjà gravi les trois quarts de sa côte;

» Ma fille, achève ton chemin;

» Je suis content; avant de mourir

» Je te verrai bien heureuse, j'espère ! »

Il se trompait le pauvre vieux :
A quinze jours de là la mort ferma son œil;
Et Marthe sur un tombeau pleurait au cimetière.
Un soir, quelqu'un l'entendit

Dire ces quatre mots : «Ma force m'abandonne;
« Ombre d'un oncle qui m'aima,

» Je ne peux plus attendre, pardonne;
» Monsieur le Curé me le permet! »

Et aussitôt que jour put être,
Aux yeux du village surpris,

Meubles, boutique, maison, tout changeait de maître;
Marthe vendit tout, ne garda rien;

Non, rien qu'une croix dorée,

Et le vêtement rose à petits bouquets bleus

Que Jacques lui aimait dessus.

Elle voulait de l'argent, d'or elle est chargée;

Ses mille pistoles, elle les a;

Mals si jeune, que va-t-elle en faire?

Ce qu'elle en va faire? pauvre enfant !
La pensée m'en déchire le cœur.

Elle est sortie; tenez, tenez, regardez-la !
Joyeuse et couverte de deuil,

Elle semble, en quittant sa petite maison,
L'ange de la douleur qui reprend la volée
Vers le bonheur qui vient de lui sourire un peu.

L'éclair n'y fait pas son petit pied leste, leste,
Ne touche pas le chemin, ne fait que l'effleurer...
Dans la maison muette, tranquille, elle est entrée déjà.
Un homme tout cheveux blancs, un prêtre,

La reçoit d'un air amical :

« Monsieur le curé, lui dit Marthé à genoux,

» Je vous porte tout ce que j'ai; maintenant vous pourrez écrire; » Achetez sa liberté, puisque vous m'êtes si bon;

» Ne dites pas qui le sauve; oh! il devinera bien assez;
» Ne me nommez pas encore, et ne tremblez pas pour moi :
» J'ai de la force à mon bras, je travaillerai pour vivre;
» Pitié! monsieur le curé, pitié! rendez-le-moi! »

TROISIÈME PAUSE.

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Qui l'aurait cru!

Le prêtre de campagne. Bonheur de la fille pauvre. est libre. - Retour de Jacques.

J'aime le prêtre de campagne.

Comme celui de la ville, lui n'a pas besoin

Pour faire croire au bon Dieu, pour faire croire au démon,
De dresser son esprit sur la sainte montagne,

Et d'épuiser sa force à prouver, livre ouvert,

Le Paradis comme l'Enfer.

Autour de lui tout croit, tout prie;

Aussi bien ils pèchent souvent, comme nous le faisons tous;
Mais le prêtre des champs n'a qu'à lever la croix,

Et le mal devant elle plie;

Et le péché déjà né en herbe s'arrache.

Oh! le prêtre des champs, je l'aime, je le trouve beau :
De son siége de bois rien n'échappe à son œil;

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