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accord quelconque dans un ton donné, en accompagner une basse donnée, parcourir tous les tons, se rompre dans tous les changemens de tons et préluder comme l'élève le fait à la fin de l'ouvrage de M. Bémetzrieder, et comme peuvent le faire plusieurs de ses écoliers qui possèdent tout ce qui précède, qui l'exécutent, et qui rendent compte de leurs marches, les uns sans être capables de jouer un menuet, d'autres même sans connaître une note de musique.

Cela paraît incroyable au premier coup; le fait n'en est pas moins vrai, et il y en a nombre d'expériences entre lesquelles je puis nommer îna fille, qui n'a pas encore dix-huit ans, qui ne s'est point fatiguée, et qui est sortie de cette étude dans l'espace de huit mois, avec la certitude qu'elle n'oublierait jamais ce qu'elle avait appris ; et l'attestation de nos premiers maîtres, qu'elle pourrait, au besoin, disputer un orgue

au concours.

Telle est l'analyse de la partie pratique de l'ouvrage de M. Bémetzrieder, partie pratique indépendante de toute idée systématique.

La science de l'harmonie n'est donc plus une affaire de longue routine; c'est donc une connaissance qu'on peut acquérir en très-peu de temps, et avec une dose d'étude et d'intelligence médiocre on en peut donc faire une partie de l'éducation; et tout enfant qu'on y aura appliqué, pendant une année au plus, pourra se vanter

d'en savoir, là-dessus, autant et plus qu'aucun

virtuose.

Au sortir des leçons de M. Bémetzrieder, un élève suit sans peine la marche de la pièce de musique la plus fougueuse et la plus variée; et toute la science de l'accompagnement se réduit à une lecture qu'on peut apprendre sans maître.

Sa théorie n'occupe que les dernières pages de son ouvrage; ce sont, certes, les vues d'un homme de génie, ébauchées à la vérité. Je tâcherai d'en rendre compte l'ordinaire prochain, de la manière la plus courte et la plus claire que je pourrai.

L'Histoire de Savage, poëte anglais, vient d'être traduite en français, par M. le Tourneur. Ce M. le Tourneur est le même qui a traduit les Nuits d'Young, poëme du plus beau noir qu'il soit possible d'imaginer, et que le traducteur a trouvé le secret de faire lire à un peuple dont l'esprit est couleur de rose. Il est vrai que cette teinte commence à se faner. M. le Tourneur entend trèsbien la langue anglaise, et écrit la nôtre d'une manière nombreuse et pure.

Cette histoire de Savage attache; c'est la peinture d'un homme malheureux, d'un caractère bizarre, d'un génie bouillant; d'un individu, tantôt bienfaisant, tantôt malfaisant ; tantôt fier tantôt vil; moitié vrai, moitié faux; en tout, plus digne de compassion que de haine, de mépris que d'éloge; agréable à entendre, dan

gereux à fréquenter; la meilleure leçon qu'on puisse recevoir sur les inconvéniens du commerce des poëtes, leur peu de principes, de morale et de tenue.

Cet ouvrage eût été délicieux, et d'une finesse

à comparer aux Mémoires du comte de Grammont, si l'auteur anglais se fût proposé de faire la satire de son héros; mais malheureusement il est de bonne foi.

Le récit de la vie du malheureux Savage, fils d'Anne, comtesse de Manlesfield, qui, pour se séparer de son mari, avec lequel elle vivait mal, s'avoua grosse des faits et gestes du comte Rivers est coupé par des morceaux extraits des différens ouvrages de Savage, et presque tous fort beaux.

C'était une étrange femme que cette comtesse de Manlesfield, qui poursuit un enfant de l'amour avec une rage qui se soutient pendant de longues années, qui ne s'éteint jamais, et qui n'est fondée sur rien. Si un poëte s'avisait d'introduire dans un drame ou dans un roman, un caractère de cette espèce, il serait sifflé ; il est cependant dans la nature. On siffle donc quelquefois la nature ? et pourquoi non? Ne le mérite t-elle jamais?

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La vie de Savage est suivie de celle de Thompson, l'auteur des Saisons et de quelques tragédies. Rien à dire de celui-ci, sinon que c'était le revers de l'autre ; aussi son histoire estelle très-fastidieuse à lire. Il faut, pour le bonheur de ceux qui ont à traiter avec un homme, qu'il

f

ressemble à Thompson; pour l'intérêt et l'amusement du lecteur, qu'il ressemble à Savage. Je ne dirai qu'un mot des Saisons de Thompson, comparées aux Géorgiques de Virgile; c'est que la muse de Thompson ressemble à Notre-Dame de Lorette, et la muse de Virgile à Vénus: l'une est riche et couverte de diamans, l'autre est belle, nue, et n'a qu'un simple bracelet. Virgile est un modèle de bon goût; Thompson serait tout propre à corrompre celui d'un jeune homme.

Les Relations singulières, ou le Courrier des Champs-Elysées, sont des dialogues des anciens sur les modernes; on y loue, on y blâme, on n'y apprend rien: cela n'est ni bon, ni mauvais; cela est insipide, et pourrait être assez utile en cas d'insomnie.

Suite de l'analyse de l'ouvrage de M. Bémetzrieder, intitulé Leçons de Clavecin, ou Principes d'Harmonie.

Sans s'inquiéter beaucoup comment les treize sons de l'octave nous sont venus, il en forme vingt-quatre tons dont chacun renferme huit sons.

De ces huit sons quatre sont donnés par la nature du corps sonore, savoir ceux qui correspondent aux nombres 1, 3, 5, 8, ou le corps sonore, la tierce, la quinte et l'octave.

Entre ces quatre sons primitifs, l'art en a intercallé quatre autres destinés à appeler le retour des quatre sons naturels,

Ces quatre appels correspondent aux nombre 7, 2, 4, 6, ou la septième, la seconde, la quarte et la sixte.

Toute musique, soit mélodie, soit harmonie est fondée sur la nature des appels.

En ut; ut, mi, sol, ut; voilà les sons donnés par la nature ou la résonnance du corps sonore ce sont les termes du repos.

Les appels ou les sons dissonnant avec les sons. naturels; en ut, sont si, ré, fa, la.

Faire de la mélodie ou de l'harmonie, c'est faire succéder les tons naturels aux appels; s'écarter de la nature et y revenir; se fatiguer et se reposer.

On peut s'écarter du corps sonore, le choquer, l'appeler de plusieurs manières.

Un son en lui-même n'est ni consonnant, ni dissonnant ; il ne l'est que relativement à d'autres; ainsi en ut dans le chant, si, ut, le si choque, appelle le son naturel et primitif ut, dissonne avec

ce son.

Un son n'est en lui-même ni son naturel, ni appel, ni appelé, ni tonique, ni sensible; il peut devenir tout ce qu'il plaît d'en faire, selon qu'on le rapporte à tel ou tel autre son, ou à telle ou telle autre gamme.

En ut, dans l'harmonie dissonnante de la dominante, sol, si, ré, fa les sons fa, sol conjoints. forment la dissonnance, les sons si et ré sont des intervalles disjoints et consonnans en eux-mêmes; mais chacun d'eux rapportés à la résonnance du

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