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nable. Si tu m'y trouves, compare-t-y1. Mais qu'y compareras-tu? sera-ce toi, ou moi dans toi? Si c'est toi, c'est un abominable. Si c'est moi, tu compares moi à moi. Or je suis Dieu en tout 2.

8.

Il me semble' que JÉSUS-CHRIST ne laissa toucher que ses plaies, après sa résurrection: Noli me tangere. Il ne faut nous unir qu'à ses souffrances.

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9.

Il s'est donné à communier comme mortel en la Cène, comme ressuscité aux disciples d'Emmaüs, comme monté au ciel à toute l'Église'.

10.

« Priez', de peur d'entrer en tentation. » Il est dangereux d'être tenté; et ceux qui le sont, c'est parce qu'ils ne prient pas.

Et tu conversus confirma fratres tuos. Mais auparavant, conversus Jesus' respexit Petrum.

Saint Pierre demande permission de frapper Malchus1o, et frappe

1. Compare-t-y. » A eux, ou plutôt à moi en eux. Ce n'est, comme on va voir, qu'une concession apparente,

2 «En tout. » Donc il n'y a jamais lieu à comparaison.

3 Il me semble. » 225, ainsi que le fragment suivant.

4

Noli me tangere.» « Ne me touche pas. » Jean, xx, 47. Ce sont les paroles de Jésus à Marie Magdeleine quand il lui apparaît au sépulcre et qu'elle le salue. Mais il fait toucher ses plaies à Thomas incrédule: ibid.,

« Aux disciples d'Emmaus. » Luc, XXIV, 30.

6 A toute l'Eglise. » Dans le saint sacrement.

2 « Priez.

la Passion.

27.

427. Luc, XXII, 46 -Ce sont encore des réflexions sur le récit de

8 « Et tu conversus. » Ibid., 32. Il y a dans le texte aliquando conversus : « Plus tard, étant retourné à moi, tu raffermiras tes frères. C'est à Pierre que Jésus parle ainsi.

9 « Conversus Jesus. » Ibid., 61. Conversus Dominus, dans le texte. Pierre vient de renier Jésus pour la troisième fois, et le coq a chanté. « Le Seigneur, s'étant retourné vers Pierre, le regarda; et Pierre se souvint des paroles que le Sei»gneur lui avait dites..., et étant sorti, il pleura amèrement. » Pascal veut appuyer par ce texte la doctrine de la grâce nécessitante et prévenante: il veut montrer que Pierre ne se tourne vers Jésus qu'après que Jésus s'est tourné vers lui.

10 « De frapper Malchus. » Luc, ibid., 49. Mais Luc dit en général : « Ceux qui » entouraient Jésus lui dirent: Seigneur, si nous frappions de l'épée? Et l'un d'eux ⚫ ayant frappé un serviteur du prince des prêtres, lui coupa l'oreille droite. Jésus répondit: Laissez. Et ayant touché l'oreille coupée, il la guérit. » Luc (non plus que Marc et Matthieu) ne nomme ni Pierre ni Malchus. Ces noms se trouvent dans Jean, xvIII, 40. Mais Jean (ni Matthieu ni Marc) n'indique que la permission de frapper ait été demandée. Cette circonstance n'est que dans saint Luc, ainsi que le

devant que d'ouïr la réponse; et JÉSUS-CHRIST répond après1.

11.

JÉSUS-CHRIST n'a pas voulu2 être tué sans les formes de la justice; car il est bien plus ignominieux de mourir par justice que par une sédition injuste.

12.

La fausse justice' de Pilate ne sert qu'à faire souffrir JésusCHRIST; car il le fait fouetter par sa fausse justice, et puis le tue. Il vaudrait mieux l'avoir tué d'abord. Ainsi les faux justes. Ils font de bonnes œuvres et de méchantes pour plaire au monde, et montrer qu'ils ne sont pas tout à fait à JÉSUS-CHRIST; car ils en ont honte. Et enfin, dans les grandes tentations et occasions, ils le tuent.

miracle de l'oreille guérie. Dans Marc, Jésus ne prend pas même la parole. Il s'exprime au contraire dans Matthieu et Jean d'une manière plus étendue que dans saint Luc, et plus explicite.

1 "

Répond après. » Voilà ce qui arrive toutes les fois que l'homme pèche. c'est que la grace ne l'a pas prévenu, que Dieu l'a laissé agir avant de lui parler. 2 « Jésus-Christ n'a pas voulu. »> 97.

3. La fausse justice. » 90. Pascal suit ici le récit de Saint Jean, xix, 1, 42, 16. Dans Matthieu et Marc, Pilate ne fait pas fouetter Jésus pour satisfaire les Juifs à moitié; c'est quand il est décidé à le leur livrer qu'il lui inflige la flagellation comme un préliminaire du dernier supplice. Dans saint Luc, il propose aux Juifs de châtier Jésus et de le renvoyer ensuite; mais ils insistent et il le livre pour être crucifié, sans qu'il soit dit que Jésus subisse en effet la flagellation.

4alls le tuent. » Ces méditations de Pascal sur les circonstances de la Passion de Jésus-Christ peuvent être rapprochées d'un écrit de sa sœur Jacqueline sur le mystère de la mort de notre Seigneur Jésus-Christ, qu'on trouvera dans M. Cousin (Jacqueline Pascal), et dans M. Faugère ( Lettres, Opuscules, etc.). Cet écrit fut fait par Jacqueline (en 1651) en conséquence d'un billet de chaque mois que la mère Agnès lui avait envoyé selon l'usage de Port Royal (Manuscrits du P. Guerrier, dars M. Faugère, p. 157). Mme Perier parle de ces billets dans la Vie de son frère: « Cette méditation l'avait rendu si sensible à toutes les choses par lesquelles on >> tâche d'honorer Dieu, qu'il n'en négligeait pas une. Lorsqu'on lui envoyait des » billets tous les mois, comme on fait en beaucoup de lieux, il les recevait avec un >> respect admirable; il en récitait tous les jours la sentence. » L'écrit de Jacqueline se compose de cinquante et un paragraphes, qui sont tous faits sur le même dessein chacun contient une des circonstances à considérer dans la mort du Sauveur, plus une sentence tirée de cette circonstance. « Jésus meurt tout nu; cela m'apprend » à me dépouiller de toutes choses. » Et ainsi du reste. « Il est certain que les pen»sées de la sœur se soutiennent à côté de celles du frère; elles sout de la même »famille; elles ont la même élévation et la même profondeur de sentiment. Mais » on n'y trouve pas cette véhémence intérieure, qui est l'âme du style de Pascal, et » lui imprime un mouvement et un coloris extraordinaire. » M. COUSIN, page 121.

LETTRE SUR LA MORT DE M. PASCAL LE PÈRE,

ÉCRITE PAR PASCAL A SA SOEUR AINÉE, Mm• PERIER, ET A SON MARI.

Puisque vous êtes maintenant informés l'un et l'autre de notre malheur commun, et que la lettre que nous avions 2 commencée' vous a donné quelque consolation, par le récit des circonstances heureuses qui ont accompagné le sujet de notre affliction, je ne puis vous refuser celles qui me restent dans l'esprit, et que je prie Dieu de me donner, et de me renouveler de plusieurs que nous avons autrefois reçues de sa grâce, et qui nous ont été nouvellement données de nos amis en cette occasion.

Je ne sais plus par où finissait la première lettre. Ma sœur l'a envoyée sans prendre garde qu'elle n'était pas finie. Il me semble seulement qu'elle contenait en substance quelques particularités de la conduite de Dieu sur la vie et sur la maladie, que je voudrais vous répéter ici, tant je les ai gravées dans le cœur, et tant elles portent de consolation solide, si vous ne les pouviez voir vousmêmes dans la précédente lettre, et si ma sœur ne devait pas vous en faire un récit plus exact à sa première commodité. Je ne vous parlerai donc ici que de la conséquence que j'en tire, qui est, qu'ô

1 « Lettre sur la mort. Le titre xxx de l'édition de P. R. a pour intitulé: a Pensées sur la mort, qui ont été extraites d'une lettre écrite par M. Pascal sur le » sujet de la mort de monsieur son père. » M. Cousin a recherché la lettre ellemême, et l'a retrouvée dans les Mémoires de Marguerite Perier et dans un autre manuscrit. Nous renvoyons à son livre (Des Pensées de Pascal, page 49) pour l'étude des altérations que le rédacteur de ces extraits avait fait subir au texte de Pascal. Nous donnons ici, après M. Faugère, la lettre entière. Pascal le père était mort le 24 septembre 1651. Cette lettre est datée du 17 octobre.

2 « Que nous avions. » Lui et sa sœur Jacqueline.

3 « Commencée. Voir plus bas : « Ma sœur l'a envoyée sans prendre garde qu'elle

» n'était pas finie. » Cette précédente lettre n'existe plus.

« Vous refuser celles. » Les consolations.

5« Sur la vie et sur la maladie. » De son père.

tés ceux qui sont intéressés par les sentiments de la nature, il n'y a point de chrétien qui ne s'en doive réjouir.

Sur ce grand fondement, je vous commencerai ce que j'ai à dire par un discours bien consolatif à ceux qui ont assez de liberté d'esprit pour le concevoir au fort de la douleur. C'est que nous devons chercher la consolation à nos maux, non pas dans nousmêmes, non pas dans les hommes, non pas dans tout ce qui est créé; mais dans Dieu. Et la raison en est que toutes les créatures ne sont pas la première cause des accidents que nous appelons maux; mais que la providence de Dieu en étant l'unique et véritable cause, l'arbitre et la souveraine, il est indubitable qu'il faut recourir directement à la source et remonter jusqu'à l'origine, pour trouver un solide allégement. Que si nous suivons ce précepte, et que nous envisagions cet événement, non pas comme un effet du hasard, non pas comme une nécessité fatale de la nature, non pas comme le jouet des éléments et des parties qui composent l'homme (car Dieu n'a pas abandonné ses élus au caprice et au hasard), mais comme une suite indispensable, inévitable, juste, sainte, utile au bien de l'Église et à l'exaltation du nom et de la grandeur de Dieu, d'un arrêt de sa providence 2 conçu de toute éternité pour être exécuté dans la plénitude de son temps, en telle année, en tel jour, en telle heure, en tel lieu, en telle manière; et enfin que tout ce qui est arrivé a été de tout temps présu et préordonné en Dieu; si, dis-je, par un transport de grâce, nous considérons cet accident, non pas dans lui-même et hors de Dieu, mais hors de lui-même et dans l'intime de la volonté de Dieu, dans la justice de son arrêt, dans l'ordre de sa providence, qui en est la véritable cause, sans qui il ne fût pas arrivé, par qui seul il est arrivé, et de la manière dont il est arrivé; nous adorerons dans un humble silence la hauteur impénétrable de ses secrets, nous véné

2

1 S'en doive réjouir. D'une mort aussi chrétienne que celle-là.

« De sa providence. » Quelle ardeur et quelle profondeur de foi! Combien y a-t-il d'hommes aujourd'hui, se disant et se croyant chrétiens, qui soient prêts à considérer la mort d'une personne aimée comme une suite indispensable, inévitable, juste, sainte, utile au bien de l'Eglise et à l'exaltation du nom et de la grandeur de Dieu, d'un arrêt éternel de sa providence? Hommes de ce temps, élèves de Buffon et de tant d'autres, nous sommes tous, que nous le sachions ou non, naturalistes, sur la vie comme sur la mort.

3 « Dans l'intime. » Latinisme. Intime est le superlatif d'intérieur. C'est ce qu'il y a de plus intérieur, le fond même.

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