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Considérons, en effet, le rapport de deux grandeurs qui n'ont pas de commune mesure. Partageons la première en un nombre indéfiniment croissant de parties égales, et portons-les dans la seconde autant de fois que possible, nous aurons une quantité commensurable avec la première et qui sera au-dessous de la seconde de moins qu'une partie; de sorte qu'en en ajoutant une de plus, on aura une nouvelle quantité commensurable avec la première, et qui dépassera la seconde de moins qu'une partie entière. Cette dernière étant plus petite que l'une des deux quantités commensurables et plus grande que l'autre, son rapport avec la première sera, d'après nos définitions, plus grand que le premier rapport commensurable et plus petit que le second. Et comme ces deux rapports ne diffèrent l'un de l'autre que du rapport d'une subdivision de la première ligne à cette ligne même, leur différence deviendra moindre que tout nombre donné en augmentant suffisamment le nombre des subdivisions, et il en sera de même à plus forte. raison de la différence qu'ils ont l'un et l'autre avec le rapport intermédiaire de la seconde à la première, Ce dernier est donc un nombre fixe, dont des nombres commensurables variables, plus petits ou plus grands, s'approchent de manière que la différence qu'ils ont avec lui peut devenir et rester au-dessous de toute grandeur. Donc, d'après la définition des limites, on a le droit de dire que :

Tout nombre incommensurable peut étre considéré comme la limite d'un nombre commensurable variable, plus petit ou plus grand que lui.

DES OPÉRATIONS SUR LES NOMBRES INCOMMENSURABLES.

79. Nous avons vu que tout nombre incommensurable pouvait être regardé comme provenant de la mesure d'une

quantité concrète; nous avons défini l'égalité et l'inégalité, ainsi que l'addition des nombres incommensurables; et enfin nous avons fait voir que ces nombres pouvaient être regardés comme limites de nombres incommensurables. variables. Occupons-nous maintenant des règles à suivre pour effectuer sur ces nombres les opérations précédemment examinées pour les nombres commensurables.

Considérons généralement une question qui conduise à une ou à plusieurs opérations successives sur des nombres; que, dans cette question, ces nombres représentent des grandeurs concrètes ou qu'ils aient une origine purement abstraite, auquel cas on pourra les considérer tous, connus ou inconnus, comme mesurant des grandeurs concrètes d'une même espèce quelconque : et que, parmi tous ces nombres, il s'en trouve d'incommensurables. On remplacera ces derniers par des nombres commensurables qui en pourront différer aussi peu qu'on voudra, et l'on exécutera toutes les opérations demandées sur ces nombres, tous commensurables. Le résultat final sera un nombre représentant la quantité concrète de l'espèce indiquée par la question, ou imaginée arbitrairement. Cette quantité concrète variera avec les nombres substitués aux incommensurables, et tendra vers une certaine limite lorsque ces nombres tendront vers les leurs. Or c'est le nombre qui correspondrait à cette limite concrète qu'on appellera le résultat incommensurable, ou commensurable, des opérations en question.

Il suit de là que toutes les propositions et règles démontrées sur les nombres commensurables subsisteront pour les nombres incommensurables, puisqu'on commence toujours par les remplacer par des nombres commensurables. Ainsi le produit de plusieurs nombres incommensurables sera le même dans quelque ordre qu'on effectue la multiplication; car, cela étant vrai pour les facteurs commensu

rables qu'on leur substitue, on aura des produits toujours égaux, quelque près qu'ils soient des résultats limites respectifs; ces derniers sont donc aussi égaux. De même, on peut multiplier ou diviser les deux termes incommensurables d'une fraction par un même nombre quelconque sans changer sa valeur; car si l'on remplace ses deux termes par des nombres commensurables, leur quotient sera égal à celui qu'on aurait en les multipliant ou les divisant par un même nombre commensurable quelconque; ces deux quotients, étant toujours égaux quelque près que les trois nombres soient de leurs limites, auront nécessairement la même limite. Le quotient des deux nombres incommensurables ne change donc pas quand on les multiplie ou qu'on les divise par un même nombre incommensurable.

De même aussi, le rapport de deux grandeurs incommensurables d'espèce quelconque est égal au rapport des deux nombres qui expriment leurs rapports à une même unité quelconque.

Il serait superflu de donner d'autres exemples de la proposition générale énoncée ci-dessus; et nous pouvons regarder comme applicables à tous les nombres les théorèmes et les règles démontrés précédemment sur les nombres considérés dans leur valeur intrinsèque, indépendamment de la forme de leur expression.

CHAPITRE VIII.

A QUOI L'ON CHERCHE A RAMENER LA SOLUTION DE TOUTES LES QUESTIONS SUR LES NOMBRES.

80. On peut regarder comme résolu tout problème où la détermination des nombres inconnus est ramenée à exécuter sur des nombres connus des additions, soustractions, multiplications, divisions ou extractions de racines de degré quelconque; car on a des procédés certains pour effectuer ces opérations sur tous les nombres entiers, fractionnaires ou incommensurables. Aussi est-ce à cela qu'on cherche à ramener la solution de toutes les questions qui ont pour objet la détermination d'un ou de plusieurs nombres inconnus. Nous verrons plus tard qu'au moyen de tables numériques formées avec beaucoup de travail, une fois pour toutes, on peut regarder comme résolus des problèmes où les nombres inconnus sont ramenés à dépendre autrement de nombres connus. Mais il y a cet inconvénient qu'on ne peut ainsi obtenir que des valeurs approchées des inconnues, et il faut encore ajouter que ces tables ont été formées au moyen des opérations que nous avons rappelées. Elles peuvent donc être regardées comme les éléments de tous les calculs, et demandent par conséquent à être établies pour tous les nombres avec la rigueur que nous y avons mise; seulement il faut avoir grand soin de n'introduire une difficulté nouvelle que lorsque tout ce qui précède est parfaitement compris, et, par exemple, attendre, pour parler des nombres incommensurables et des règles à suivre pour les calculer, que des questions amenées par le progrès naturel de l'enseignement en aient montré la nécessité.

CHAPITRE IX.

EXEMPLES DE PROBLÈMES SIMPLES, RÉSOLUS PAR LA
MÉTHODE ANALYTIQUE.

81. Avant de nous occuper de recherches plus générales, nous allons montrer par quelques exemples très-simples que la méthode analytique, telle que nous l'avons définie dans la première Partie de cet Ouvrage, est toujours celle qui se présente naturellement, et la seule qui puisse conduire sans tâtonnement à la solution des questions.

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82. PROBLÈME I. Quel nombre faudrait-il ajouter à chacun des termes de la fraction pour en obtenir une égale à ??

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On ne pourrait raisonnablement espérer résoudre cette question en essayant successivement l'addition de nombres connus aux deux termes 2 et 5; car, si le nombre inconnu ne doit pas être entier, on ne saurait quel dénominateur choisir pour les fractions à essayer. Le tâtonnement, qui est toujours un moyen désespéré, ne pourrait donc même pas être tenté. Mais l'analyse donne une solution extrêmement facile.

En effet, puisque les termes 2 et 5 augmentés de l'inconnue donnent une fraction égale à

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si, pour rendre la comparaison plus facile, on réduit ces deux fractions au même dénominateur, leurs numérateurs seront égaux; et, réciproquement, s'ils le sont, les fractions sont égales. Et comme la règle pour cette réduction est générale, elle s'ap

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